Il y a 100 ans ....
Le procès Pétain
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FIN DE L'AUDITION DE M. HERRIOT

 

A la Un de sa déposition - qui a eu lieu au début, de celle septième audience et dont nous avons rendu compte hier aux Dernières nouvelles - M. Edouard Herriot a répondu à plusieurs questions.

Le bâtonnier Payon lut a demandé si, M. Reynaud ayant démissionné le 16 juin et M. Albert Lebrun ayant demandé aux présidents des deux Chambres qui ils lui conseillaient d'appeler pour lui succéder. ils s'étaient bornés à répondre : " Paul Reynaud " ou si, comme l'a dit l'ancien président de la République, ils n'avaient pas fait d'opposition quand celui-ci proposa de faire appel au maréchal.

M. Herriot. - Nous n'avons à aucun moment prononcé son nom.

Le bâtonnier Payen. - Et M. Lebrun ?

M. Herriot. - Non.

Le bâtonnier Payen. - Alors, c'est le président Lebrun qui se trompe ?

M. Herriot. - Ce n'est pas mon affaire. Demandez le témoignage de M. Jeanneney, et celui de. M. Paul Reynaud, qui étaient présents.

Le bâtonnier Payen. - Quand vous avez appris que le maréchal allait constituer un cabinet, avez-vous, alors manifesté une opposition quelconque ?

M. Herriot. - M. Mandel ayant été arrêté, je suis intervenu. C'est la seule occasion que j'ai eue de manifester mon opinion.

Le bâtonnier Payen. - L'armistice était une faute centre l'honneur, nous avez-vous dit. Or, le 9 juillet, vous avez adressé a vos collègues une allocution où vous disiez notamment : " Autour de M. le maréchal Pétain, dans la vénération que son nom inspire à tous, notre Nation s'est groupée en sa détresse. Prenons garde de ne pas troubler l'accord qui s'est ainsi établi sous son autorité. "

M. Herriot. - J'attendais un peu cette question. Je n'avais aucune prévention contre le maréchal. Nos relation" avaient toujours été courtoises. Il avait sa légende. J'at désiré y croire. J'ai fait tout le possible pour y croire. J'ai dû renoncer à y croire.

Le bâtonnier Payen. - Vous n'aviez pas renoncé ? y croire encore le 9 juillet.

V. Herriot. - Il n'y avait pas les actes constitutionnels.

Le bâtonnier Payen. - Mais vous saviez qu'il était l'auteur de l'armistice.

M. Herriot, dans la nuit du 17 au 18 juin 1940, à Bardeaux, a demandé au maréchal et a obtenu que Lyon soit déclaré ville ouverte, malgré les objections de l'armée des Alpes. Il ajoute : " Si tous les maires de France avaient eu la même attitude que vous, quelle aurait pu être la résistance des militaires ? "

M. Herriot répond qu'il se trouvait dans une situation tragique : président de la Chambre, luttant contre l'armistice et maire de Lyon, obligé de veiller de loin sur cette ville ou arrivaient les Allemands Le général Hartung, gouverneur, disposait de 3.000 hommes et de 4 canons de 75 et déclarait ne pas pouvoir se défendre une heure. Lui-même et le préfet demandaient que Lyon fut déclaré ville ouverte. Il n' avait personne au ministère de la guerre, personne à la présidence du conseil. Où étaient ceux qui étaient coupables de n'avoir pas armé cette grande ville ?

De nouveaux témoins

M. Herriot s'étant retiré, le président annonce qu'il va faire appeler le premier témoin de la défense. Mais M. Pierre Bloch, juré, fait observer que la plupart des témoins n'ont encore traité que de l'armistice. Or, de l'armistice a la libération, il y a en une série de drames au sujet desquels beaucoup de personnes demandent à être entendues, des membres de familles des victimes, des déportés. Le président a le droit de les faire entendre.

Le président répond qu'il est allé au-devant de cette préoccupation et qu'il a demandé qu'on lui présente une liste de personnes capables d'éclairer la Haute Cour. Il est disposé a faire davantage.

Plusieurs jurés. - Oui, oui.

Le procureur général Mornet. - Les témoins qui ont été entendue se sont expliqués sur les conditions dans lesquelles a été demandé l'armistice et ses clauses acceptées, ainsi que sur un événement que je considère comme capital : lo vote du 10 juillet 1940 et les trois actes constitutionnels ou 11, constitutifs, à mon avis, du coup d'Etat. Ce sont les préliminaires de la trahison qui s'est échelonnée du 10 Juin 1940 Jusqu'au début, d'août 1944. Il était indispensable de bien les fixer pour expliquer 1 ordre chronologique et logique des faits suivants.

" Je comprends qu'il faille, dans une certaine mesure, faire appel a " l'impression d'audience " et montrer que cette politique de collaboration a abouti à des déportations et à ce qui en est résulté. Mais l'objet principal de ce procès est moins de rappeler ces horreurs que de démontrer l'equivoque dont ce paye a été victime pendant quatre ans, et aussi que jamais la nation n'a été d'accord avec cette politique, qui a pu, à l'étranger, abuser et peut-être abuse encore quelques-uns de nos amis. Cela, Je le ferai avec des documents dont beaucoup sont encore ignorés, et qui parleront plus haut que tous les témoins.

Rejet des conclusions de la défense

Le bâtonnier Payen. - Il va de soi que les témoins que vous voulez faire entendre, et dont nous ignorons encore les noms, seront entendus avant ceux de la défense ?

Le président. - Dès qu'il le sera possible, Mon pouvoir discrétionnaire serait une dérision si je ne le pouvais que dans un ordre fixé par vous.

Le bâtonnier Payen. - Je ne veux pas fixer l'ordre, mais Je demande que soient observées les règles de la justice.

Le président. - Ces témoins ne seront pas des témoins de l'accusation, mais des témoins qui déposeront après avoir prêté serment de dire la vérité.

Le bâtonnier Payen. - Il est certain que ce seront des témoins à, charge.

Après une suspension d'audience, te bâtonnier Payen insiste : il s'agit de savoir si l'article 369 du code d'instruction criminelle, qui donne au président un pouvoir discrétionnaire, modifie la règle absolue posée par l'article 321, à savoir que l'on doit entendre les témoins de l'accusation avant ceux de la défense. Or, on ne peut douter des intentions des personnes qui ont demandé a déposer.

La défense dépose donc, des conclusions en ce sens. Brève réplique du procureur général, pais la Cour, après s'être retirée pour en délibérer, revient avec un arrêt rejetant les conclusions, " attendu que les témoins entendus en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ne sont ni à charge ni à décharge, qu'ils peuvent donc être entendus au cours des débats sans qu'aucun ordre soit prescrit par le code d'instruction criminelle ".