Il y a 100 ans ....
Le procès Pétain
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Laval affirme que le maréchal était au courant de tout ce qu'il faisait d'important et qu'il était d'accord avec lui. LA DOUZIÈME AUDIENCE

 

L'AUDITION DE PIERRE LAVAL

 

Après avoir répondu aux questions du président Mongibeaux sur le débarquement allié en Afrique du Nord, Pierre Laval est invité a dire ce qu'il sait du sabordage de la flotte à Toulon.

Le sabordage de la flotte

Avec un grand luxe de détails, Pierre Laval explique que c'est le jour même, à 4 h. 30, que le ministre allemand à Vichy. Krug von Nidda, l'avertit que la Wehrmacht avait pénétré dans le port pour s'emparer de nos navires; qu'à cette heure même, les navires se sabordaient, en exécution de l'ordre qui lui avait été donné de ne les laisser tomber aux mains d'aucune puissance étrangère, de même que l'armée d'Afrique avait reçu celui de résister à toute agression.

Le président - Le 8 novembre 1942, à l'issue d'un conseil des ministres présidé par le maréchal, vous aviez demandé a de Brinon d'intervenir auprès des Allemands pour que Darlan, qui sollicitait le concours de leur aviation, obtint satisfaction.

Pierre Laval. - Je n'en ai aucun souvenir.

Le président - Et ce télégramme de l'amirauté : " Le maréchal a décidé de continuer la lutte contre l'agresseur anglo-saxon. Vous devez laisser passer, sans vous mêler à elles, les forces italo-allemandes débarquant en Tunisie. Suivez les ordres du maréchal. " La France avait des engagements envers les Anglo-Saxons, a commencer par celui de mars 1940.

Pierre Laval. - Au moment de l'armistice, nous ne pouvions être les alliés des Américains, puisqu'ils n'étaient pas dans la guerre. Et croyez-vous qu'au moment de Montoire nous étions encore les alliés des Anglais ?

Le président. - Oui, et nous ne devions pas devenir ceux des Allemands.

Pierre Lavat. - Nous ne pouvions pas non plus être ceux des Anglais, car, tout de même, il y avait eu quelques petits incidents; il y avait eu Mers-el-Kébir,

Le président. - Nous n'avions pas le droit de passer dans un autre camp.

Pierre Laval. - Ces paroles, je ne les entendais pas tomber de certaines bouches quand nous étions aux prises avec l'occupant. On les entend maintenant que la victoire est acquise.

Le président - Mais, comme l'a dit un témoin, le maréchal pouvait au moins se taire. Nous n'étions pas libres ".

Perre Laval. Le ministre allemand à Vichy le harcelait pour qu'il fit un message. Nous résistions et, finalement, il était obligé de céder. Nous n'étions pas libres.

Le président - Au moment de l'armistice, il avait pourtant déclaré : " Le gouvernement reste libre; la France ne sera administrée que par des Français. "

Le bâtonnier Payen. - A côté des télégrammes officiels, il y avait des télégrammes secrets qui, par un code spécial, donnaient les instructions du maréchal à l'amiral Darlan et au général Noguès.

Pierre Laval. - Longtemps avant le débarquement, M. von Renthe-Finck nous avait demandé de faire des messages. Le maréchal a fait le sien le moins dommageable qu'il a pu et on l'a enregistré sur disque. Je n'ai fait le mien que le jour du débarquement; il était beaucoup plus Indépendant que celui du maréchal et on m'a fait observer qu'il ne signifiait rien.

Le président - Vous avez dit : " Un général américain prétend nous donner des ordres... "

Pierre Laval. - C'était une satisfaction platonique donnée à l'ambassadeur d'Allemagne. Il est dangereux d'isoler ainsi une phrase...

Le président. - Je prends les choses comme elles sont. Et vous venez de confirmer qu'il y a eu une telle pression de l'Allemagne que ce prétendu gouvernement français, qui nous avait épargné un gauleiter, se trouvait aux ordres des Allemands.

Le bâtonnier Payen, - J'entends dire loi des choses formidables. Le maréchal n'a jamais cessé de donner des instructions pour que le débarquement fut soutenu par nos forces d'Afrique.

Me Isorni. - Nous regrettons d'autant plus l'absence du général Juin.

Le président. - Il sera là dans cinq ou six jours.

Une très vive discussion s'engage alors entre le bâtonnier Payen et Me Isorni d'une part, le président do l'autre, au sujet de la valeur qu'avait gardée l'accord franco-britannique du 28 mars 1940.

Le président. - Quand le maréchal dit : " J'entre dans la voie de la collaboration ", je suis obligé de constater qu'il y a quelque chose comme un renversement des alliances.

Le bâtonnier Payen. - Je ne peux laisser se répandre cette idée. Il y a des preuves des rapports secrets constamment entretenus par le maréchal avec les autorités d'Afrique.-

Le président. - Le malheur, c'est qu'ils étaient secrets.

Me Isorni - Croyez-vous que les télégrammes secrets n'existent plus ?

Le procureur général. - Il y a un élément capital dans ce débat sur la flotte. J'en fais un des arguments principaux de l'accusation

Le S.T.O.

Le président. - Passons au renforcement des mesures de réquisition de travailleurs français. Quelle y a été la part du maréchal ?

Long récit de Pierre Laval, qui explique qu'ayant menacé de démissionner lorsque le gauleiter Sauckel prit son ordonnance du 20 août 1942, soumettant au travail obligatoire pour l'Allemagne toute la population des territoires occupés, les Allemands lui laissèrent le soin d'établir la loi de réquisition, ce qui lui permit d'éviter la réquisition de nombreux Français, notamment des femmes. En conseil des ministres, le maréchal intervenait pour qu'on demandat encore des atténuations. Pierre Laval répète alors ce qu'il a dit au début de l'audience : il fallait sauver les prisonniers on congé de captivité. Il fallait que la France put vivre. L'armistice n'était pas une question de mois, mais d'années.

" Ce procès est illogique, s'écrie-t-il; il ne soullent pas la discussion. Je me savais détesté. Les Français naissaient l'Allemagne. Ils avaient d'autant plus raison de la haïr qu'il y avait ces abominables camps de Buchenwald et autres - que Je n'ai connus que depuis la fin de la guerre. Mais, s'ils avaient pu voter. Ils m'auraient dit : " Restez; défendez-nous. " Le maréchal et moi nous sommes restés pendant ces quatre ans. Je me suis sacrifié. Et maintenant, nous voici devant vous.

Le président. - La question est de savoir si ce que vous avez fait était une politique ou un crime.

Les mesures raciales

M. Mongibeaux en vient à l'aggravation des mesures à l'égard des juifs, contre lesquelles le pasteur Boegner avait protesté auprès du maréchal. Cependant, lui et son gouvernement ont laissé faire.

Pierre Laval répond qu'il a refusé de faire, comme l'exigeaient les Allemands, une loi dénaturalisant d'office tous les Israélites. L'affaire était d'ailleurs de celles que le maréchal s'était réservées. Il refusa lui aussi. On se borna à soumettre les dossiers de dénaturalistion à une commission, dont les membres, des magistrats, ont compris les intentions du gouvernement : Ils n'ont dénaturalisé presque personne. Et, tourné vers le procureur général Mornet, Laval s'écrie: " Je les en félicite. " (Rires.)

Il ajoute qu'il n'a signé aucun des projets de lui élaborés par le commissariat aux affaires juives et qui auraient aggravé le sort des Israélites.

Déat et Henriot

Le président invite Laval à s'expliquer sur les conditions dans lesquelles sont entrés dans le gouvernement des hommes comme Déat, que le maréchal avait fait arrêter en décembre 1940; Philippe Henriot, qui ne cessait d'Invectiver contre les Anglais et les Américains et de prêcher la lâcheté aux Français ; Darnand, qui était Je chef de la milice. Quelle a été ta responsabilité du maréchal dans la désignation de ces trots ministres ?

Pierre Laval. - Nous n'étions pas libres. Pour M. Déat, j'ai résisté pendant des mois. Le maréchal a dit qu'il n'assisterait pas aux conseils des ministres où se trouverait M. Déat. Celui-ci n'est jamais venu à Vichy. Il ne participait qu'aux réunions qui avaient lieu a Paris. Ses initiatives étalent souvent en contradiction avec mes ordres. Mais, en réalité, la partie la plus importante de son activité, c'était son article quotidien dans l'œuvre.

Le bâtonnier Payen. - Le maréchal n'a jamais signé la nomination de Déat.

Pierre Laval. - 11 m'avait délégué le droit de nommer les ministres. Je n'ai nommé Déat qu'après une pression de plusieurs mois.

Le président. - Philippe Henriot a été nommé par vous ou par le maréchal ?

Pierre Laval. - Il parlait déjà depuis longtemps à la radio. Sa nomination n'a fait que consacrer un état de fait.

Le président - Avec l'assentiment du maréchal ? Pierre Laval. - Avec l'assentiment de tout le monde.

Les exécutions sommaires

Après une suspension d'audience, 11 se produit une coupure dans le débat : le président évoque des déclarations que Pierre Laval aurait faites à Barcelone et selon lesquelles il aurait empêché que le général Gamelin, MM. Paul Reyraud et Daladier ne fussent fusillés, tandis que le maréchal aurait laissé faire.

Pierre Laval proteste : Il n'a rien dit de semblable ; mais il affirme que c'est en raison de l'Intérêt qu'il a manifesté auprès des Allemands pour MM. Paul Beynaud et Léon Blum que ceux-ci n'ont pas été assassinés. Déjà il avait fait prévenir Alger que les Allemands, au ces où l'amiral Derrien serait condamné à mort, voulaient remettre aux autorités françaises, pour qu'elles les fassent fusiller, les deux anciens présidents du conseil et M. Alandel. Il fut indigné quand il apprit l'assassinat de ce dernier, - assassinat que Knipping le bras droit do Darnand, luí présenla comme un " accident ". A sa demande le conseil des ministres éleva une protestation, et une information fut ouverte. Knipping reçut l'ordre de ne pas accepter que les Allemands rendissent MM. Paul Reynaud et Léon Blum. Quand Laval - qui s'était porté garant de ta sécurité de ce dernier vis-à-vis de M. Le Troquer - apprit, à Paris, du général Oberg, chef de 1a police allemande en France, l'ordre de Berlin d'enlever les prisonniers de Bourrassol, ses protestations amenèrent l'ajournement de la mesure, mais, finalement, l'ordre fut maintenu.

Le président. - Ces mesures ont-elles été prises à la connaissance du maréchal ?

Pierre Larval. - Il était à Vichy, et cela se passait à Paris.

La-dessus il proclame son amitié pour Georges Mande), pour Jean Zay, dont il prétend n'avoir appris la mort - l'assassinat, croit-il - qu'après coup ; il déplore l'assassinat de MM. Paul Laffont et Maurice Sarraut. Il n'a jamais accepté les exécutions sommaires comme méthode de gouvernement. Mais on était dans la période tragique où l'autorité du gouvernement n'existait presque plus, des autorités qui échappaient à son contrôle s'y étant substituées.

Darnand

Le président. - Revenons-en à la question précédente : Quand vous avez fait entrer Darnand dans le gouvernement, le maréchal se rendait-il compte de ce qu'était cet homme ?

Pierre Laval. - Il le connaissait mieux que moi.

Et il explique que Darnand avait été le chef du service d'ordre de la Légion des combattants, de cette Légion qui était sous l'autorité exclusive du maréchal. Lorsque le S.O.L., qui devait engendrer la milice, fit sécession, Laval n'y fit aucune objection, " toute mesure qui affaiblissait la Légion lui étant agréable ".

D'après lui, c'est le général Oberg qui, après avoir exigé le départ de M. Bousquet, coupable de ne pas réprimer les attentais commis contre la Wehrmacht, imposa Darnand, qui avait sa confiance. Il protesta, car il savait que cette désignation ne pouvait qu'aggraver la situation. U obtint que Darnand n'eût pas le visa des passeports pour l'étranger, qu'il ne pût prendre les mesures d'Internement et que le préfet de police conservât ses attributions, il pensa même s'en aller. Il resta et " nombreux sont, sans doute, ceux qui sont dans la salle et qui lui doivent de pouvoir s'y trouver ". Comme Waffen S.S., Darnand avait prêté serment à Hitler, mais il assura Laval que ce serment ne pouvait Jouer dans l'exercice de ses fonctions.

Une digression a propos des internements : il y avait 25.000 internés quand Laval revint au gouvernement; Il en a laissé 5.000.

Le président. - En quoi cela intéresse-t-il le maréchal?

Pierre Laval. - Il était associé avec mol dans toutes ces mesures de Justice. Je veux bien que vous m'interrogiez quand ça le charge, mais quand ça le décharge pourquoi voulez-vous que je le taise?

Malheureusement, Darnand et surtout ses collaborateurs ont couvent dépassé la mesure et on a interné des gens à mon insu.

Le président - Quelles ont été ses réactions du maréchal à propos des expéditions contre le maquis ut des exécutions?

Pierre Laval. - Le maréchal assistait aux conseils des ministres; Darnand y rendait compte. Au moment do sa nomination, le maréchal n'avait pas paru mécontent. Il me dit que Darnand était énergique et qu'il accomplirait bien son devoir. Il reçut, comme moi-même, des protestations contre les agissements de la milice. Je passais mon temps à protester et j'ai souvent fait relâcher des internés.

Les cours martiales

Il n'y avait pas que des " résistants " dans le maquis, et il y a eu des actes abominables des deux cotés, c'est vrai. On me reprochait d'être faible dans la répression.

Or, des magistrats des sections spéciales ayant été assassinés parce qu'ils avaient condamné à, mort, les autres se sont récusés. Ils sont courageux, mais pas téméraires. (Aires.) Ils ont suggéré de créer des cours martiales. Je suis l'adversaire des juridictions d'exception, mais, par la faiblesse des uns, par les encouragements des autres, Darnand gagnait peu à peu. On m'a soumis une lui instituant les cours maritales : elle visait les faits de propagande terroriste ou communiste; j'ai fait supprimer le mot " communiste ", qui aurait permis tous les abus, et demandé que ne fussent frappés que les hommes pris les armes à la main. Et j'ai refusé de signer une autre loi plus sévère.

Je mettais le maréchal au courant. Il m'approuvait quand je défendais notre pays. J'étais en plein accord avec lui.

M. Poupon, Juré. - Approuvait-Il les tribunaux d'exception ?

Pierre Laval. - Je n'ai pas pris ces mesures sans lui rendre compte. Il ne les approuvait pas plus que mol.

M. Poupon. - Et les internements, la lutte contre le maquis ?

Pierre Laval. - Nous y étions contraints. Nous avons réduit au minimum la portée de ces mesures.

Le procureur général. - Voici une lettre du maréchal à Laval :

" Des mesures sévères devront être envisagées en ce qui concerne les perturbateurs de l'ordre public.

" Je vous ai dit depuis longtemps que je ne répugnais pas a la création de cours martiales... Il vaut mieux, en " effet, quelques exécutions spectaculaires que le trouble et l'émeute. " en ce qui concerne la nomination de Darnand :

" En ce qui concerne la police, général Bridoux pourrait faire appel a

M. Darnand dont je connais le courage et l'énergie, mais qui, en raison des oppositions qu'il a soulevées, doit être subordonné a un secrétaire d'État capable de le contrôler et de le diriger. "

Laval assure alors qu'il n'a jamais dénoncé personne, ni facilité aucune arrestation. Il pense que le maréchal est dans le même cas.

M. Pierre Bloch, Juré. - Le 11 novembre 1042, il y avait dans les prisons de la zone libre des officiers français, des hommes des réseaux de la Résistance. Vous n'avez pas donné l'ordre de les libérer. Vous les avez donc livrés aux Allemands.

Pierre Laval. - Je ne les ai pas livrés. Jamais les Allemands ne m'ont fait savoir qu'ils allaient les prendre.

M. Pierre Bloch. - Vous ne saviez pas que ces hommes étaient en prison?

Pierre Laval, - Je n'en avais pas la liste. Je n'ai connu votre arrestation qu'en apprenant votre évasion.

De Paris à Sigmaringen

Le président. - La libération arrive. M. Herriot nous a dit que vous aviez essayé aiors do prendre contact avec lut. Le maréchal était-il d'accord avec vous ?

Cette question amène un long récit de Pierre Laval - qui n'apprend rien de nouveau, sinon qu'il s'agit la d'une affaire n'intéreesant que lui. Interrogé ensuite sur le gouvernement " de Sig-maringen, il fournit d'abondantes explications sur son départ de Paris - qui! assure avoir été " forcé ", - son arrivée a Belfort, son refus d'aller au Q. G. de Hitler, qui voulait que continuât à exister un gouvernement français, la constitution de la " commission " présidée par de Brinon, lequel n'obtint aucune signature du maréchal...

Le maréchal Pétain. - J'ai refusé toutes ses demandes.

...enfin le séjour a Sigmaringen, où lui, Laval, ne s'est mêlé de rien.

M. Perney, juré, demande à Laval si. a participer à la rédaction du message du 28 avril 1944, dans lequel le maréchal, après avoir montre l'Allemagne défendant l'Europe et la civilisation contre le bolchevisme et recommandé a la population d'avoir une attitude " correcte et loyale " envers les troupes d'occupation, qualifiait la libération de " tromperie et mensonge " et déclarait que quiconque participait a la Résistance compromettait l'avenir du pays.

Pierre Laval. - Je n'y suis pour rien. Le maréchal me lisait quelquefois ses messages ; Je n'ai jamais participé à leur rédaction. Le maréchal avait des collaborateurs qui les rédigeaient avec lui.

M. Pierre Bloch.- Croyez-vous qu'il y avait un code secret entre le maréchal et les généraux d'Algérie ?

Pierre Laval. - Le maréchal est plus qualifié que mol pour vous répondre. (Rires.) Mais je n'en serais pas surpris, étant donnés l'entourage du maréchal et la présence ? Vichy de nombreux résistants.

M. Germinal. - Vous m'avez terriblement choqué en affirmant que voue ignoriez l'existence des camps de concentration, des chambrée de torture."

Laval répond qu'il n'a connu qu'un seul cas, celui d'un jeune homme de Vichy, qui avait été arrêté par la milice après avoir été martyrisé. Il ?? fait aussitôt relâcher. Il réprouve ces actes abominables.

Me Isorni.- Le maréchal a-t-il signé le décret instituant les coure martiales ?

Pierre Laval. - Non, car, depuis le 13 novembre 1943, date ? laquelle, ayant voulu lire un message relatif à la Constitution, il avait reçu de M. von Ribbentrop une lettre très inconvenante. Il ne signait plue rien et m'avait donné délégation. Mais il présidait toujours les conseils des ministres; il était au courant de tout ce que Je faisais d'important ; J'avais avec lui des contacts tous les matins ; je lui rendais compte et je tenais compte de ses avis dans la mesure où je le pouvais.

Le président. - La comparution est terminée. Emmenez le témoin.

Pierre Laval se retire, encadré par des gardes.

Un brouillon du maréchal

La demande d'un Juré, le procureur général donne lecture d'un document écrit au crayon par le maréchal, et dont voici les passages essentiels :

" Les nouvelles qui m'arrivent de l'extérieur signalent un mai qui se répand dans nos possessions d'outre-mer, qui agit sur les toutes comme un poison subtil, qui tend à leur faire perdre le sens du réel et à les détourner de leurs devoirs envers la mère patrie. Ce mal s'appelle le gaullisme, du nom de l'??-général français de Gaulle. "

" Ici, un passage qui a été rayé, mais qu'il cet peut-être intéressant de lire néanmoins; c'était la première Inspiration

" Le général a abandonné la France nu lendemain de l'armistice pour prendre du service en Angleterre. "

" Je constate que ce premier jet a été barré au crayon.

De Gaulle n'en veut qu'aux Français et ne se bat que contre les Français.

Il a attiré a lui de Jeunes Français qu'il a abusés en leur faisant croire que les moyens de sauver la France étaient de reprendre la guerre.

Sans connaitre exactement le plan gaulliste, on peut penser que le premier acte aurait consisté a s'emparer de l'Afrique du Nord, à y organiser une armée moitié française moitié indigène, capable de défendre l'Afrique du Nord.

A une telle tentative aurait certainement répondu l'occupation de la France entière.

De Gaulle s'était engagé a ne pas porter les armes contre les Français, voyons comment il a tenu sa parole. "

Et puis, ici, en marge :

Dakar, Brazzaville, Libreville. "

De Gaulle a eu des émules : Catroux, Larminat.

Les tentatives faites pour ramener ces trois anciens chefs sous l'obédience du gouvernement français ont échoué, ils sont déclarée traîtres a la patrie, et la rentrée en France leur sera fermée pour eux et pour leurs enfants. Il en sera de même pour les jeunes gens qui auraient franchi la frontière à la suite de de Gaulle, de Catroux et de Larminat.

Quelle honte pour ces malheureux :...

Quelle honte pour ces malheureux déserieurs du devoir, condamnés à finir leur vie en terre étrangère !... Quelle misère pour leurs familles dont les noms seront marquée de la tache infamante de la désertion !...

Aucune excuse ne serait plus valable à partir d'aujourd'hui. L'esprit d'aventure ne peut plus être invoqué pour justifier une trahison. Il appartient aux personnes de sens droit, aux chefs de famille, a tous ceux qui détiennent dans le pays une parcelle d'autorité, de guider les jeunes gens, de les empêcher de s'engager dans une aventure qui les expose a de grands regrets pour toute leur vie.

Pour donner du crédit en faveur de la propagande de de Gaulle, on n'a pas hésité à proclamer mon accord avec lui pour l'exécution d'un plan commun d'action; on est allé jusqu'à affirmer qu'il existe entre lui et moi des liens de famille; dans des propos qui n'ont aucune portée et qui... "

Le document s'arrête là.

Le bâtonnier Payen. - Qu'est-ce que cela? Un message du maréchal?

Le maréchal Pétain. - Cela, par exemple, c'est trop fort!

M. Isorni. - Il n'y a rien d'écrit sur l'enveloppe ?

Le procureur général. - Il y a " document appartenant au docteur Mènetrel. Projet de message." pas prononcé "

Me Isorni. - Pas prononcé.

Le procureur générâl - Pas prononcé, c'est une affaire entendue, mais projet écrit de la main du maréchal.

Le bâtonnier Payen. - Serait-on poursuivi pour avoir éprouvé une tentation? On peut avoir une tentation, mais si on n'y succombe pas?

Le procureur général. - J'estime que des écrits comme celui-là sont des actes

Me Lemaire. - Cela juge votre accusation.

A la demande d'un autre Juré le procureur général donne ensuite lecture du procès-verbal du conseil des ministres du 26 juin 1942. - quatre jours après la déclaration de Laval : " Je souhaite la victoire de l'Allemagne procès-verbal qui commence ainsi : " La séance est ouverte à 10 h. 30 sous la présidence du maréchal, chef de l'État. Le chef du gouvernement expose au conseil les raisons qui l'ont amené à prononcer, avec l'autorisation du maréchal, une importante allocution le lundi précédent... "

Le bâtonnier Payen. - Il aurait mieux valu lire cela pendant que M. Lavai était présent.

Le président. - L'audience est levée.