Il y a 100 ans ....
Le procès Pétain
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Procès Pétain II

M. PAUL REYNAUD A LA BARRE

 

Le premier président rappelle qu'il avait l'intention de présenter les charges relevées contre le maréchal, sans se prendre à son compte et avec toute l'objectivité désirable. Mais tenant essentiellement à sa réputation de magistrat impartial, il y renonce, l'accusé ayant d'ailleurs refusé de répondre à toute question.

Dans ces conditions, on peut procéder à l'audition des témoins cités par l'accusation, dont le premier est M. Paul Reynaud.

M. Paul Reynaud est introduit et prête serment. Il affirme que les griefs qu'il pourrait avoir en raison de l'attitude du maréchal à son égard - puisqu'il l'a emprisonné, calomnié, jugé et livré à l'ennemi - n'influeront en rien sur sa déposition.

M. Paul Reynaud. - Ma seule ambition, venant déposer ici comme témoin, en remplissant mon devoir de témoin, en éclairant la justice est d'éclairer en même temps beaucoup de bons Français qui ont été égarés par le maréchal Pétain quand nous avons assisté a ce drame affreux de voir l'élite française se scinder en face de l'ennemi, parce qu'un homme a trompé une partie de cette élite.

" Car s'il y a dans ce procès un accusé, il y a aussi une victime, et la victime c'est la France. C'est à elle qu'il faut songer.

" On parle de reconstruire la France. On ne reconstruira pas la France tant que les Français ne se seront pas mis d'accord et ne seront pas redevenue unanimes sur les questions d'honneur. Et ce qui est au fond de ce procès, c'est l'honneur de la France. "

Entamant la première partie de son exposé, l'ancien président du conseil rappelle que, le 18 mai 1940, date à laquelle il a fait appel au maréchal, il y avait huit jours que l'offensive allemande avait commencé. Comme il l'avait prévu, cette offensive avait été lancée à travers la Belgique et un désaccord s'était produit entre lui et le général en chef sur la question de savoir s'il fallait aller en Belgique. Après avoir rendu hommage au général Gamelin et à sa loyauté totale, le témoin retrace les opérations d'alors en Belgique, puis la rupture de front à Sedan, la retraite de l'armée Gorap, la ruée des panzer. Il s'agissait an moins de sauver l'honneur.

Pour pouvoir changer le commandant en chef, M. Paul Reynaud prit le ministère de la guerre, M. Daladier le remplaçant aux affaires étrangères ; il remplaça le général Gamelin par le général Weygand ; fit entrer le maréchal dans le gouvernement et confia l'intérieur à Georges Mandel.

M. Paul Reynaud. - Il faut faire un grand effort d'imagination, messieurs, aujourd'hui, pour réaliser ce qu'était le maréchal Pétain en mai 1940, car, dans cette affaire, nous sommes tous coupables : nous avons tous travaillé à le diviniser. Mais la marque particulière de la gloire du maréchal Pétain, c'est que les généraux, les maréchaux ont une audience naturelle dans la droite des Assemblées ou de l'opinion publique.

" Lui l'avait, mais il avait, en outre, l'audience de la gauche. Il passait pour un homme de gauche parce qu'il était l'homme de la défensive, et que la défensive était de gauche.

" Il passait pour le chef ménager du sang dos soldats, et des éloges lui ont été adressés qui, peu à peu, ont bâti sa renommée, sa gloire, au fur et à mesure que les autres maréchaux descendaient dans la tombe, et l'on voyait s'élever, environnée de silence, cette figure très belle, cette figure marmoréenne qui est un des facteurs décisifs de la gloire du maréchal Pétain.

" Aussi, lorsque le maréchal Pétain est entré dans mon gouvernement, ce fut du délire dans la presse ! "

Le témoin fit aussi appel au général Weygand, âgé alors de 73 ans, mais doué d'une prodigieuse agilité physique et cérébrale. C'était " la maison Foch ", il avait un immense prestige dans l'armée Homme de droite ? Certes, Foch l'était aussi.

L'entrée de Pétain et de Mandel dans le gouvernement, l'arrivée de Weygand produisirent un effet considérable dans l'armée et le pays. A cette époque l'accord était conclu avec les Anglais, aux termes duquel nous nous interdisions réciproquement tout armistice, toute paix séparée. Pétain et Weygand le savaient.

M. Paul Reynaud rappelle que le plan de Weygand pour arrêter les Allemands, qui avaient dépassé Saint-Quentin, ne put être exécuté. C'est alors qu'il eut la douloureuse surprise de voir Pétain et Weygand faire bloc pour dire : " Si la bataille de France est perdue, il fout demander l'armistice.

Cependant, M. Paul Reynaud organisait la poursuite de la guerre en Afrique de Nord, malgré les innombrables objections de l'état-major. Tout de suite Pétain s'opposa à ce que le gouvernement quittât la France, et Weygand insistait dans le sens indiqué ci-dessus.

M. Paul Reynaud. - Mon plan, messieurs, c'était d'imposer par la volonté unanime ou quasi unanime du gouvernement ma volonté à ces deux hommes considérables, à ces deux gloires de l'armée française. Et ici je reconnais tout de suite que j'ai commis une erreur fondamentale de laquelle tout a découlé. J'ai cru au patriotisme de ces deux hommes, nu, pour serrer ma pensée, j'ai cru que le patriotisme de ces deux hommes passerait avant leurs haines politiques et leurs ambitions personnelles. Je l'ai cru comme tous les Français ; comme tous les Français, je me suis trompé ; mais comme c'était moi le chef, c'est moi qui sois responsable.

Ce fut alors le conseil suprême de Briare, le 16 juin, avec M. Churchill, où contrairement à ce que l'on a dit, Weygand déclara que l'on pouvait encore arrêter l'ennemi, et il fut entendu que la France, comme l'Angleterre, continuerait la lutte.

La 12 juin, au conseil des ministres de Cangé, Weygand présenta la situation comme désespérée et réclama un armistice. A son argument de l'ordre le témoin répliqua en disant que l'honneur passait avant l'ordre. C'est toujours sur l'honneur que le conflit éclatait. Il y avait aussi la nécessité de ne pas nous séparer du monde anglo-saxon. Le gouvernement fait de cet avis et le témoin put espérer que Pétain et Weygand accepteraient le départ pour l'Afrique du Nord au lieu de rester en France pour " dénoncer les fuyards ". Le lendemain, à Tours, entrevue de M. Paul Reynaud avec M. Churchill, qui lui dit, à propos de l'armistice qui pourrait être demandé par un autre gouvernement français : " Nous ne perdrions pas notre temps en vaines récriminations contre la France. Mais si l'Angleterre gagnait la guerre la France serait rétablie dans sa dignité, dans sa grandeur. "

M. Paul Reynaud. - Il faut ici, messieurs, nue l'on ne se trompe pas. Ce n'est pas du tout une autorisation de demander l'armistice que m'a donnée AL Churchill. Pour une raison simple, c'est que je ne la lui demandais pas. Et si j'insiste sur le point : c'est que les partisans de l'armistice tenteront de se servir de cotte conversation que j'ai eue à Tours avec M. Churchill, le 13 juin, pour contenir que ce jour-là M. Churchill nous avait autorisés à demander l'armistice malgré l'engagement du 26 mars 1940. Ce n'est pas vrai.

" En sortant de cette réunion à Tours, je me rendis au deuxième conseil des ministres de Cangé. Nous sommes le 13. Et là nous pouvons passer encore la parole au général Weygand qui a fait une déposition très étudiée et qui déclare qu'à mon arrivée, lorsque j'eus signifié que M. Churchill m'avait dit que l'Angleterre ne perdrait pas son temps en vaines récriminations contre la France, j'ai ajouté d'ailleurs : La question ne se pose pas, Noos ne demanderons jamais l'armistice,

" Le général Weygand prétend que le conseil a protesté. Le conseil était surtout de mauvaise humeur parce qu'il espérait voir M. Churchill et quelques membres du conseil.

Le témoin décida d'attendre l'arrivée du gouvernement à Bordeaux pour mettre chacun en face de la situation. Il ajoute :

" Le maréchal Pétain prit alors la parole, non pas pour parler, il n'a jamais parlé dans un conseil des ministres, mais pour lire une déclaration dont je ne sais pas par qui elle a été faite, - peut-être par lui, - dont je me permets de penser qu'elle était évidemment démagogique, dans laquelle il faisait entendre aux ministres que s'ils quittaient la France. - en gros je résume, - ils seraient traités de fuyards.

" Et alors, ici, messieurs, il y a quelque chose de bien intéressant : c'est le témoignage du maréchal Pétain lui-même. Son historiographe, le général Laure, n'assistait pas, et pour cause, au conseil des ministres, pas plus à celui de Cangé qu'à aucun autre. C'est le maréchal Pétain qui lui a raconté ce qui s'est passé. Et qu'est-ce qu'ajoute l'historiographe du maréchal Pétain après le texte de cette déclaration lue par lui ? Il ajoute : " M. Paul Reynaud déclare : C'est contraire à l'honneur de la France. " Un point à la ligne. Ou bien l'argument est jugé sans valeur, ou il est jugé sans réplique.

" J'ajoutai d'ailleurs : Vous croyez que vous allez vous entendre avec Hitler ? Que vous le prendrez pour un vieux " gentleman " comme Guillaume Ier qui vous a pris deux provinces ? Et puis la vie a recommence. Vous vous trompez, Hitler, c'est Gengis Khan ! "

Arrivé à Bordeaux le 14, M. Paul Reynaud reçut la visite de l'ambassadeur britannique qui insista pour l'application de l'accord excluant tout armistice séparé. Puis il reçoit Weygand.

M. Paul Reynaud. - Le général Weygand me dit : " Il faut demander l'armistice, l'armée est en train de se décomposer. "

" Je lui répondis : Pardon, le jour où vous, chef militaire, estimerez que la lutte n'est pas sur le terrain militaire, je suis prêt à vous autoriser à faire ce qu'a fait le commandant en chef de l'armée hollandaise, c'est-à-dire à faire capituler vos troupes sur place. Mais il reste autre chose que l'armée métropolitaine battue dans la métropole. Il reste la flotte qui est intacte et qui est la seconde flotte d'Europe. Il reste l'Empire qui est intact et il y a 400.000 hommes en Afrique du Nord. C'est là que j'entends continuer la guerre.

" Je le lui avais écrit d'ailleurs le 29 mai, je le lui avais répété dans une note du 13 juin. Il ne répondit que cette capitulation couvrirait de honte nos drapeaux.

" Ainsi donc, messieurs, d'après cette étrange conception, il faut faire manquer la (France à sa parole pour ne pas (couvrir de honte nos drapeaux. Je rappelle d'ailleurs, sauf erreur, qu'en Syrie on a mis fin aux hostilités, le maréchal Pétain en personne a mis fin aux hostilités sans avoir conclu l'armistice.

" La conclusion de ma conversation avec le général Weygand fut que j'allai le relever de son commandement, je n'avais plus autre chose à faire. Et ce serait la conclusion logique de la réunion du conseil des ministres.

" J'arrive maintenant au récit de ce long conseil des ministres. "

C'est à cet endroit de la déposition de l'ancien président du conseil que le président Mongibeaux décide de lever l'audience. Il est 18 heures.

 

2e audience (suite de la déposition de P Reynaud)

 

L'audience est ouverte à 13 h. 20. Le maréchal Pétain a été introduit quelques instants avant. Le bâtonnier Charpentier assiste à l'audience.

Dans la galerie du public, on remarque M. Langeron, ancien préfet de police.

Tout de suite, le président Mongibeaux donne la parole à M. Paul Reynaud, premier témoin à charge, pour continuer sa déposition commencée à la fin de l'audience d'hier.

L'ancien président du conseil en était resté au conseil des ministres qui se tint à Bordeaux le 15 juin 1940, après l'arrivée du gouvernement dans cette ville.

Le témoin rappelle qu'il a posé tout de suite la question de la continuation de la guerre en Afrique du Nord.

Le rôle de M. Chautemps

M. Chautemps protesta contre ce qu'il appelait " le massacre de nos soldats ". M. Paul Reynaud fit observer qu'il faudrait plusieurs jours pour obtenir un armistice, tandis que l'autorité militaire pouvait faire cesser le feu immédiatement. Il demanda au maréchal de faire savoir au général Weygand que celte deuxième solution n'était pas contraire à l'honneur de l'armée. Le maréchal revint disant qu'il n'avait pu convaincre Weygand. Il fallait en finir.

Alors se produisit le coup de théâtre, l'opération de Chautemps, lequel Chautemps, vice-président du conseil, avait été tenu au courant des difficultés avec Pétain et Weygand.

- Lors de l'Anschluss et de Munich, Chautemps ne s'était pas montré particulièrement ferme. Mais il m'avait soutenu de son mieux au début de mon ministère et s'était déclaré d'accord avec moi pour ne jamais envisager de capitulation. Chautemps ne prit pas la même position que les deux chefs militaires ; il ne refusa pas de quitter la France, mais insista pour qu'on demandât les conditions de l'ennemi.

Elles seraient inacceptables et justifieraient le départ du gouvernement. Cette proposition impressionna certains membres du conseil. Sur une feuille de papier, j'inscrivis treize noms à droite pour la proposition Chautemps et six noms à gauche pour la mienne. Les Allemands m'ont pris ce papier. Je me tournai vers M. Lebrun et lui dis que j'allais démissionner. Le président de la République protesta avec violence, mais il se considérait comme un arbitre... Dans une question en partie militaire, il devait tenir compte de l'avis des chefs militaires et aussi de celui du vice-président et de plusieurs ministres. Un débat de conscience cruel s'élevait pour moi. Je pensais que si le gouvernement britannique ne m'autorisait pas à demander l'armistice, je pourrais revenir devant le conseil et lui demander à nouveau de continuer la lutte.

J'eus la triste mission d'aller trouver l'ambassadeur britannique pour lui poser la question. La réponse fut affirmative à condition toutefois que la flotte française gagnât les ports anglais. Je répondis que c'était impossible sous peine de voir l'Afrique du Nord attaquée par la flotte italienne.

L'offre d'union franco-britannique

Le lendemain, les présidents Jeanneney et Herriot déclarèrent au conseil qu'ils étaient d'accord pour le départ en Afrique du Nord. Alors le maréchal se leva et lut une lettre de démission motivée par le temps qu'on perdrait à demander l'armistice.

Peu après, je reçus de Londres un coup de téléphone du général de Gaulle m'annonçant la proposition d'union franco-britannique. Je répondis que j'étais d'accord sur le principe. Au conseil des ministres j'exposai cette proposition d'inspiration généreuse qu'il faudra bien réaliser un jour.

Chautemps s'écria que la France ne pouvait devenir un Dominion. Plusieurs ministres se joignirent à lui, mais je posai de nouveau la question : " Devons-nous, oui ou non, continuer la guerre ? " Et Chautemps répéta qu'il fallait d'abord connaître les conditions allemandes avant de quitter la France.

J'en veux bien davantage à ceux qui, dans les coulisses, prétendaient que l'Angleterre n'en avait plus que pour trois semaines, à Weygand qui a qualifié mon projet de chimérique et d'odieux. Il faut se rappeler l'état de la France, l'exode a. ce moment...

J'avais donc contre moi, les deux vice-présidents du conseil et plusieurs ministres. Étaient-ils la majorité ? Je ne sais plus, mais je ne pouvais plus gouverner dans ces conditions.

J'ai dit que le gouvernement se réunirait à 10 heures du soir pour démissionner.

Le président Lebrun me dit que je pouvais garder le pouvoir si je devais faire la politique de la majorité. Je lui répondis : " Adressez-vous au maréchal Pétain ! " J'avais encore des illusions sur ce dernier et je croyais l'avoir convaincu de sauver la flotte, quoi qu'il advînt.

Donc, après dîner, le gouvernement se réunit avec les présidents des deux Chambres. On approuva mon point de vue et M. Lebrun appela le maréchal. Celui-ci fut introduit et sortit de sa poche un petit papier : c'étaient les noms des membres de son gouvernement : Paul Faure y figurait. Le président Lebrun sursauta à ce nom et Pétain déclara : " On m'avait dit que cela embêterait Blum. "

Le cabinet Pétain se forma donc sans Laval, d'abord écarté à la demande de M. Charles-Roux comme indésirable à l'égard des Anglais. Mais Laval était en contact permanent avec Pétain.

Deux jours après ma démission, le 18, Baudouin vint me demander de la part de Pétain d'être ambassadeur à Washington. Je refusai naturellement, ne pouvant représenter un gouvernement hostile à ma politique,

La question de la flotte

Puis, le maréchal me convoqua et, au nom de la patrie, me reprocha mon refus, insistant avec force. Pensant que les conditions allemandes seraient repoussées et que le maréchal pourrait être le président d'une commission administrative, comme en Norvège, je demandai à connaître d'abord ces conditions.

Le 23, le maréchal me les communiqua, et je remarquai tout de suite les dispositions relatives à notre flotte. Darlan, convoqué, se troubla quand je lui demandai ce qu'il pensait de cet article 8. Auparavant, il s'était déclaré prêt à prendre la mer si l'on devait capituler. Darlan affirma que des ordres seraient donnés pour que la flotte ne tombât jamais entre les mains de l'ennemi, ce qu'il fit. C'était l'ordre de se saborder, qui fut exécuté deux ans plus tard.

Quelques jours après, j'appris que Laval menait une violente campagne parce qu'on m'avait offert le poste de Washington.

L'aide des États-Unis nous était indispensable et cette campagne le prouvait bien. J'eus un moment l'idée que, si brève que fût ma mission, elle pouvait être utile, mais j'y renonçai bientôt, et M. de Saint-Quentin fut prie de ne faire aucune démarche à Washington. Dès mon refus définitif, je devins l'ennemi n 1, ainsi que Georges Mandel.

Le lendemain de ma démission, Georges Mandel était arrêté quelques heures. Sous sa dictée le maréchal lui écrivit une lettre d'excuses.

Ce n'était qu'un répit et l'on sait comment Mandel, arrivé au Maroc, fut arrêté et inculpé. Deux juges d'instruction se succédèrent Le second, le lieutenant-colonel Noireau, fut prévenu que sa carrière dépendait de ce procès et qu'un voulait une décision capitale. Le lieutenant-colonel Noireau rendit un non-lieu. Le maréchal fit alors une loi dessaisissant cet officier au profit de la cour de Riom. Le lieutenant-colonel Noireau fut mis à la retraite d'office et dut, pour vivre, se faire commis voyageur. Entre son modeste veston et l'uniforme étoile du maréchal, l'histoire jugera.

Je fus entendu par le lieutenant-colonel Leprêtre, qui refusa de m'inculper. Le maréchal le dessaisit et renvoya le dossier à Riom. Et on alla chercher au Conseil d'État un auditeur qui passait pour être d'Action française. Mais il se révéla honnête homme et fit comme les officiers. On décida alors d'expertiser ma fortune, puisque j'avais été ministre dos finances.

Après plusieurs mois, l'expert désigné déposa un rapport prouvant que ma vie publique m'avait appauvri et que j'avais vendu mes valeurs étrangères alors que d'autres personnages avaient fait sortir de l'or pour se constituer des rentes viagères. Croyez-vous que la France peut vivre si elle à sa tête des hommes qui ont si peu de respect pour la conscience humaine que le maréchal et ses complices ?

Le rôle militaire du maréchal

En prison, j'ai étudié les causes de la défaite. Comment Pétain avait-il pu être un grand homme dans la guerre précédente ?

M. Paul Reynaud raconte comment, d'après les Mémoires de Joffre, Pétain, qui allait avoir l'oreille fendue en 1914, fut sauve par Joffre à qui il doit son étonnante fortune. Que dit Joffre de Pétain ? Qu'à Verdun Pétain n'avait aucune foi et qu'il allait évacuer la rive droite de la Meuse lorsqu'un ordre formel le lui défendit. Et, pour l'éloigner de Verdun, Joffre le mit à la tête d'un groupe d'armées. Joffre dit : " Le sauveur de Verdun, ce ne fut pas Pétain, mais Nivelle. " La défensive à Verdun nous a coûté plus de monde qu'aux Allemands.

Ce manque de foi, on le retrouve en mars 1918. Poincaré, Clemenceau, Lloyd George sont d'accord sur ce point : c'est Foch qui a pris Pétain dans sa poigne et l'a conduit de force à la victoire. C'est malgré Pétain que nous avons gagné la guerre. Et Joffre dit à Poincaré : " Pétain est ici ce qu'il était à Verdun. "

M. Paul Reynaud en vient maintenant à cette question : quels sont les faits survenus ou révélés depuis l'armistice qui prouvent que Pétain avait monté un complot pour s'emparer du pouvoir grâce à l'armistice ?

En 1934, ministre de la guerre du cabinet Doumergue après le 6 février, Pétain semble " mordu " par la politique. La question de la fortification des frontières du Nord se pose ; par deux fois, celui-ci s'y était déjà opposé. En 1934, il reçoit les doléances des parlementaires du Nord et dépose un projet comportant 1.200 millions de crédits. En réalité, la plus grande partie de ces crédits, un milliard environ, correspondait à des dépenses engagées, à des dépassements de crédits. C'est avec 200 millions que Pétain prétendait défendre notre frontière du Nord !

Autre question. Celle de la loi de deux ans, motivée par la période des classes creuses. Devant la commission de l'armée de la Chambre, Pétain affirme que les deux ans ne sont pas nécessaires. Plus tard, il écrira dans la Revue des Deux Mondes que ce service était indispensable.

Le maréchal écoute, un léger sourire sur les lèvres.

 

 

Le " complot "

En 1935 parait la brochure de Gustave Hervé : C'est Pétain qu'il nous faut, imprégnée d'esprit nazi, où est dépeint le régime qui sera celui de Vichy. D'où venait l’argent nécessaire à cette publication ?

Vient la guerre. En septembre 1939, l'accusé refuse d'entrer dans le cabinet Daladier, sous prétexte qu'il y avait, dans ce gouvernement, des gens qui ne lui plaisaient pas. En réalité, le général Laure l'a écrit, " il n'avait pas confiance dans la politique de guerre de M. Daladier Pourquoi, alors, n'a-t-il pas exprimé clairement ce manque de confiance ?

En février 1940, le bruit court, dans certains milieux syndicalistes, qu'avant cinq mois l'armistice interviendra et sera suivi d'une dictature.

Le 30 mars, Pétain, ambassadeur en Espagne, va voir M. de Monzie, ministre des travaux publics, et, d'après M. de Monzie lui-même, lui déclare qu'il a envie de passer la moitié de son temps à Saint-Sébastien, et l'autre à Paris, ajoutant : " Dans la deuxième quinzaine de mai, ils auront besoin de moi. "

S'il prévoit une catastrophe militaire pour le mois de mai, pourquoi ne le dit-il pas au ministre de la guerre et au généralissime ?

Le 14 mai - c'est le général Laure qui le rapporte - conversation entre Pétain et Chautemps : il faut en finir et demander l'armistice. Qui à donc débauché Chautemps ?

Le 11 juin, à Briare, Pétain emmené Darlan en auto, pour aller au devant de M. Churchill, et lui dit : "Je suis dégoûté des incertitudes du gouvernement. [Ces incertitudes étaient inventées, mais il fallait une entrée en matière.] Il faut changer de régime. Il nous faudrait une sorte de consulat et si l'on me demande qui doit être premier consul, c'est vous que je désignerai, mon ami "

A ce moment, la tôle peu solide de l'amiral tourna et, dans son esprit, la flotte capitula.

Peut-on douter d'une déclaration qui fut publiée quand Darlan était vice-président du conseil, et contre laquelle le maréchal n'a pas protesté ?

Après l'armistice

Telles sont les manœuvres auxquelles se sont livrés ceux qui devaient en être les bénéficiaires.

Ce qui s'est passé aptes l'armistice devait corroborer les faits énoncés ci-dessus.

Le premier soin de l'accusé est de renverser la République " responsable de la défaite". Il y avait des raisons antérieures à la défaite pour modifier la Constitution de 1875. Mais il y a aussi une chose plus difficile que d'avoir des textes tout nouveaux : c'est d'avoir des hommes. Les hommes ont manqué.

En août 1940, Hitler annexe l'Alsace et la Lorraine. A-t-on entendu une voix s'élever contre un acte aussi affreux ?

En septembre, la Revue des Deux Mondes publie un - appel " du maréchal, où il est dit que, dans les méthodes de nos adversaires, nous retrouvons sans cesse la plus pure et la plus authentique tradition française.

En octobre, c'est Montoire, où Pétain met sa main dans celle de l'homme qui nous arracha l'Alsace et la Lorraine.

Le 13 décembre, Laval est chassé, puis arrêté. Il est sauvé par Abetz. Darlan lui succède, mais son régime est encore pire. Il sollicite l'entrevue de Berchtesgaden, et ose dire que l'Allemagne s'est montrée plus généreuse que l'Angleterre. Le maréchal l approuve.

Darlan déclare : " Comme dans la guerre précédente, c'est la liberté qui a servi de prétexte pour nous faire entrer dans celle guerre. " Pétain approuve.

Puis c'est l'atroce opération de Syrie. Double jeu ? " Qu'importe qu'il y ait eu deux jeux, et l'un d'eux était infâme ! " Et ce jeu qui consistait à recommander aux éducateurs : " N'oublies pas de répéter d'abord aux jeunes que nous sommes battus "!

Laval revient et le maréchal " marche avec lui, la main dans la main ".

A Nancy, à la veille du débarquement, Pétain dit à la population : " Ne vous occupez pas des affaires des autres ! " Les affaires des autres, c'était le drapeau à croix gammée sur la place de la Concorde.

M. Paul Reynaud. - Je crois que ma démonstration est faite. Si je devais résumer ce que je vous ai dit, je vous dirais que jamais un peuple ne s'est aussi entièrement trompé sur un homme que le peuple français sur le maréchal Pétain, et que jamais un homme n'a fait autant de mal à un peuple que le maréchal Pétain, au peuple français.

Le spectacle qu'il nous a donné quand il a été au pouvoir ç'a été celui d'un homme qui, ayant une première fois manqué à l'honneur, ne peut plus jamais se redresser, à qui on peut tout imposer, et que nous avons vu descendant, courbé, marche à marche, aux applaudissements insultants de la presse allemande, l'escalier du déshonneur.

Il nous était réservé, hier, de l'entendre, lui qui porta un coup au cœur des Français le 17 juin 1940, de l'entendre essayer de se mettre à l'abri du général de Gaulle, qu'il avait d'abord fait condamner à quatre années d'emprisonnement, et ensuite, à la peine de mort. On aurait dû nous épargner cela !

Maintenant, messieurs, ma tâche est terminée. J'ai apporté ma modeste contribution à l'œuvre de clarté que la Haute Cour a à faire. J'ai la conviction qu'une fois que tous les Français seront éclairés la France pourra repartir, modifiée, changée, épurée, les Français unanimes regardant au loin le destin de la France.

LES QUESTIONS DE LA DÉFENSE

Le bâtonnier Payen prend aussitôt la parole. Faut-il tout de suite répondre, " non à une déposition, mais, au choix, à un plaidoyer pro domo ou à un réquisitoire contre le maréchal, réquisitoire à coups d'abominables et calomnieuses accusations ? " Il y faudrait plusieurs audiences, d'autant plus que les autres témoins à charge sont des hommes politiques qui, comme M. Paul Reynaud, voudront " se refaire une virginité ". M. Paul Reynaud ne perdra rien pour attendre les plaidoiries. Mais M. Paul Reynaud " a l'habitude des accusations calomnieuses trop légèrement formulées et qu'il doit ensuite rétracter ou que l'opinion publique rétracte pour lui. C'est lui qui a accusé le général Corap en juin 1940. C'est lui qui a accusé le roi des Belges de félonie et de trahison en juin 1940. C'est lui qui a accusé la IXe armée de n'avoir pas fait sauter tous les ponts... "

Le président. - Vous n'avez pas à faire un réquisitoire contre le témoin. Ne tombez pas dans l'erreur que vous lui reprochez. Posez des questions précises.

Le roi des Belges

Mais M. Paul Reynaud tient à répondre. En accusant le général Corap, il n'a fait que répéter ce que lui avaient dit le général Gamelin, puis le général Weygand, qui a pris des sanctions. Quant au roi des Belges, il ne l'a jamais accusé de félonie ni de trahison. Le témoin rappelle les conditions dans lesquelles il a appris la décision du souverain de capituler en rase campagne.

Le bâtonnier Payen lit alors la déclaration faite à la radio le 27 mai par M. Paul Reynaud. Les mots incriminés ne s'y trouvent pas et l'assistance ne peut s'empêcher de rire.

Le président. - Donc, de cette calomnie il ne reste rien.

Munich

C'est le tour de Me Isorni : le gouvernement Daladier a signé les accorda de Munich, et M. Paul Reynaud en faisait partie.

M. Paul Reynaud ne le nie pas. La radio tchèque ayant annoncé que le gouvernement français faisait pression pour que le gouvernement tchèque s'inclinât devant les exigences allemandes, il est allé, avec Georges Mandel et M. Champetier de Ribes, demander des explications à M. Daladier et lui dire que la parole de la France ne devait pas être contestée. M. Daladier a répondu que l'information en question était fausse, qu'il mobilisait la " couverture " et que quitter à ce moment son gouvernement serait une désertion. Nous sommes restés.

Me Isorni. - Vous estimez donc qu'on peut rester au gouvernement quand ce gouvernement accomplit un acte contraire à ce qu'on pense - et par nécessité nationale.

M. Paul Reynaud. - Je viens de vous dire le contraire.

Me Isorni. - Enfin, vous êtes resté et vous êtes devenu munichois. (Rires.)

M. Paul Reynaud. - C'est la première nouvelle. Il y a de l'originalité dans la défense. (Rires.)

Les lois anticommunistes

Me Isorni pose ensuite la question de la dissolution du parti communiste et des lois anticommunistes dues au gouvernement Daladier et que l'on a ensuite reproché au maréchal d'avoir appliquées.

M. Paul Reynaud, qui était alors ministre des finances, répond qu'il s'agit d'un décret-loi pris à la fin de 1939 contre ceux qui saboteraient la production des usines de guerre. Ce texte ne visait pas seulement les communistes, puisqu'il a été appliqué plus tard au témoin par le maréchal, qui avait supprimé la garantie représentée par la commission chargée d'examiner les motifs des incarcérations par mesure administrative.

Me Isorni - Le parti communiste a été dissous.

M. Paul Reynaud. - Vous poserez la question à M. Daladier.

Me Isorni - Cette mesure était-elle en rapport avec les événements de politique extérieure ?

M. Paul Reynaud. - On ne nous en a pas parlé. Vous entendrez M. Daladier.

Me Isorni entame ensuite avec le témoin une longue polémique à propos des deux télégrammes de M. Churchill du 16 juin 1940, relatifs au sort de la flotte française en cas d'armistice. Ces télégrammes, M. Paul Reynaud les a-t-il lus au conseil des ministres ?

M. Paul Reynaud répond qu'il les a résumés et que c'était suffisant, le second télégramme ayant annulé le premier.

Me Isorni invoque alors le témoignage de M. Charles-Roux, mais le président fait observer et admettre qu'une confrontation serait préférable.

On en vient aux clauses de l'armistice, dont le procureur général Mornet rappelle les plus importantes.

M. Pierre Bloch, juré. - Y a-t-il eu des clauses secrètes ?

M. Paul Reynaud. - Pas à ma connaissance.

Me Isorni fait maintenant état de conversations téléphoniques, à Bordeaux, en juin 1940, entre le témoin et diverses personnes.

Conversations téléphoniques

M. Paul Reynaud répond qu'il a en effet parlé, le 16 juin, avec le général de Gaulle, à propos de l'offre d'union franco-britannique. Il indique que la mairie de Bordeaux faisait écouter ses conversations et en donnait des comptes rendus faux et injurieux, allant jusqu'à imaginer une conversation avec un collaborateur rie M. de Lequerica.

Me Isorni - M. Louis Marin estime qu'il s'agit d'écoutes du 2e bureau.

M. Paul Reynaud. - Il se trompe. Nous verrons cela avec lui.

Me Isorni s'étonne que le témoin n'ait pas assisté à l'Assemblée nationale du 10 juillet 1940, à Vichy. M. Paul Reynaud rappelle qu'il venait d'être victime d'un grave accident d'automobile, et qu'il s'est rendu à Vichy contre l'avis de ses médecins, pour se défendre s'il était attaqué - ce qui n'eut pas lieu - mais qu'il ne put assister à la séance en raison de son état de santé.

Lettres au maréchal

Vient ensuite une allusion à une lettre écrite le 8 juillet 1940 au maréchal par le témoin, et disant : " J'ai gardé de notre travail en commun un tel souvenir qu'il me serait odieux qu'il pût être terni par un soupçon. "

M. Paul Reynaud. - Je ne savais pas alors ce qu'était le maréchal. Je l'ai appris dans mes prisons.

Me Isorni - Vous considériez cependant l'armistice comme une trahison.

M. Paul Reynaud. - Non, mais comme contraire à l'intérêt et à l'honneur de la France. Je l'ai écrit dix fois au maréchal. J'avais gardé pour le maréchal Pétain, je l'avoue...

Me Isorni - Malgré l'armistice ?

M. Paul Reynaud. - Malgré l'armistice, parfaitement. Comme l'immense majorité des Français. Il n'est pas douteux que s'il y avait eu un référendum à ce moment-là, la majorité des Français n'eût voté pour le maréchal Pétain, parce que pas plus que moi la majorité des Français ne savait ce qui s'était passé.

Enfin Me Isorni assure que, le 25 mai 1940, M. Paul Reynaud a offert à Mussolini, à l'insu de l'Angleterre, le condominium sur la Tunisie et l'A. E. F.

M. Paul Reynaud s'écrie : " C'est du roman. " Me Isorni invoque, une fois de plus, le témoignage de M. Charles-Roux, et une discussion interminable s'engage autour d'un projet de télégramme, du remaniement de ce télégramme - qui ne fut jamais envoyé, - de négociations avec les Anglais, du rôle de M. Daladier, discussion qui devient si confuse qu'on décide de la reporter à la confrontation prévue avec M. Charles-Roux.

D'ailleurs, un juré, le commandant Lévêque, finit par demander : " Faisons-nous ici le procès Reynaud ou le procès Pétain.

Le procureur général. - C'est une question que je me proposais de poser. Le commandant Lévêque. - Si nous continuons ainsi, cela pourra durer deux mois !

L'ambassade de Washington

Et voici que Me Lemaire revient encore sur l'affaire de l'ambassade manquée à Washington, ce qui lui donne l'occasion de lire les déclarations faites, le 9 juin 1942, à son retour aux États-Unis, par l'amiral Leahy, déclarations favorables, dans l'ensemble, à l'altitude du maréchal " pour lequel il maintenait une haute estime personnelle ". Me Lemaire ajoute :

- Si vous aviez été à Washington, monsieur Reynaud, auriez-vous fait d'aussi bonne politique que le maréchal ? "

M. Paul Reynaud répond qu'il aurait fait la politique contraire et que les déclarations en question s'expliquent par la courtoisie habituelle des ambassadeurs. D'ailleurs l'amiral Leahy semble avoir oublié certaines affaires, comme celle de Syrie.

L'assassinat de Georges Mandel

Deuxième question de Me Lemaire :

" M. Paul Reynaud a dit : " Le maréchal nous a livrés aux Allemands.

Mandel et mot. " Ignore-t-il la lettre adressée le 24 novembre 1942 à Abetz, et dans laquelle le maréchal " protestait solennellement " contre l'enlèvement des deux hommes politiques par les Allemands et demandait qu'ils soient rendus à son gouvernement ? "

Me Lemaire ajoute :

" Y a-t-il beaucoup de gens, qui disent avoir été des résistants, qui peuvent, dans leur dossier de résistants, inclure une lettre qui soit une protestation aussi solennelle que la protestation du maréchal Pétain, en date du 24 novembre 1942 ? - (Vives protestations sur les bancs du jury.)

Un juré. - Nous protestons très énergiquement au nom de la Résistance. Vous n'avez pas le droit de dire cela.

M. Perney, juré. - Monsieur le président, vous avez été pris à partie ; nous sommes pris à partie. Seulement, nous serions très désireux qu'on ne s'adressât pas à nous continuellement et qu'on ne nous adressât pas, je ne dirai pas des injures, mais presque. Le commandant Lévêque. - Noua n'acceptons pas de leçons.

Le procureur général. - Je répondrai à la question. C'est la réponse d'un mort : c'est la réponse de M. Georges Mandel :

" Je vous rappelle qu'au moment où le maréchal m a fait arrêter. C'est une lettre adressée à Laval, et que depuis vingt-neuf mois, sans que j'aie jamais été jugé, ni même entendu, je suis détenu au mépris de tout droit. Me maintenir au Portalet quand la France entière va être occupée...

Nous sommes à la veille du 11 novembre 1943.

" ...maintenir au Portalet quand la France entière va être occupée équivaut à me livrer à l'ennemi. "

M. Paul Reynaud répond à son tour.

Le 20 novembre 1942, Georges Mandel et lui ont été transférés à Bordeaux, d'où ils devaient partir pour l'Allemagne, et Bordeaux a été choisi à la suite de négociations. Ils ont donc bien été livrés. Georges Mandel n'est revenu d'Allemagne que pour être assassiné, dans la forêt de Fontainebleau, par les tueurs de Darnand.

" Le lendemain, le conseil des ministres du maréchal Pétain donnait à la presse un communiqué qui était mensonger, affirmant que Mandel avait été tué dans une échauffourée par des gens voulant le délivrer. Ce n'est pas vrai.

" Et depuis, alors que ces honteux assassinats de patriotes avaient été opérés par les tueurs de Darnand, que s'est-il passé ? Est-ce que Darnand a été ignominieusement chassé du ministère de l'intérieur ? Pas du tout. Il s'est toujours assis su conseil des ministres à la table du maréchal Pétain. "

Il est 17 h. 20. L'audience est suspendue au milieu d'une profonde émotion.