Elysées 2012

Inaudible !

Très joli billet de D Pourquery samedi dans le Monde sur ces candidats supposés inaudibles qui ne seraient pas pour rien dans la lassitude éprouvée devant la campagne présidentielle.

A rapprocher d'ailleurs de l'inénarrable Hulot déclarant dans une ITV du même numéro :
Je suis frappé par la myopie des discours !

Deux remarques toutes simples :

- entre l'ouïe et la vue, on nage en plein sensualisme. Est-à-dire qu'on aurait à ce point abandonné la rive de la raison et du concept pour patauger dans les délices des sens ? Du scoop au coup de com comment ne pas s'étonner alors qu'enivré d'hyperboles et de coups de coeur, l'électorat, à la fin, ne finisse par se détourner d'un spectacle qui n'offre plus assez de coups de théâtre - étymologiquement de catastrophes.

- qui demeure le médiateur entre la parole politique et l'électorat sinon les médias, sinon la presse ? Qui rend inaudible à force de crier à l'inaudible ? qui lasse à force de dire que le public se lasse ? qui fustige tel ou tel candidat de l'amateurisme de sa campagne (Joly) pour sitôt après regretter que le politique ne soit plus affaire que de professionnels ? ou déplore les maladresses d'une campagne pour le lendemain s'étonner avec une naïveté de Tartuffe que l'écologie ne fasse pas le centre des débats ? Qui ne commence à relayer une campagne que sitôt les sondages dessinant la montée de tel ou tel ? qui aura jeté l'anathème de populisme sur tel candidat au risque de la plus dangereuse confusion idéologique, pour finalement lui offrir étal ouvert sitôt le succès venu ? qui pourfend le côté nostalgique d'une campagne pour ne retenir que son côté bon spectacle tribunicien - au lieu de valoriser la leçon républicaine ou l'argumentaire rationnel ou encore le travail réel de dénonciation du FN ?

Oui, c'est vrai, sans doute la presse écrite pèche-t-elle un peu moins que les flux d'infos en continu ou que cette presse gratuite qui ne vit que de la dépêche à peine commentée.

Néanmoins, dans l'ivresse tourbillonnante des sondages qui dégrade l'élection en simple tiercé la presse écrite n'est pas exempte de tout reproche. Si la campagne reste inaudible - mais est-ce vraiment le cas - n'est-ce pas aussi parce qu'elle, dont la vocation est celle du transmetteur, de l'interprète ou du traducteur, défaille, rongée de ses influences, de ses crises, de ses affèteries de bien-pensant ?

Comment ne pas songer à La Fontaine ? Quand l'ange se fait démon et s'assied sur le canal de la relation pour la bloquer, quand le rat des villes se fait si bruyant qu'il en vient à réveiller le fermier général, alors oui on a à la fois la figure du parasitage, mais plus ironiquement encore celle de l'arroseur arrosé. Nous avions cru pouvoir nous offrir la grande fête de la communication : nous croyions vivre la Pentecôte ! Las, il est tant de bruit qu'on ne s'entend plus ! Alors oui, c'est plutôt à Babel qu'il faut songer.

C'était oublier qu'une campagne est une éducation, une leçon, une réflexion menée qui en appelle à la raison et suppose une mise en mots, c'est-à-dire en concepts - ce que Mélenchon avait parfaitement compris.

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