Elysées 2012

Manoeuvres

C'est à ceci que l'on s'aperçoit que l'échéance du premier tour approche : prolifèrent désormais les articles (1) sur l'après, sur l'entre-deux-tours et notamment sur l'attitude de Bayrou. C'est à ceci aussi que l'on s'aperçoit que dans l'esprit des journalistes en tout cas l'affaire est pliée.

Or, nous l'avons déjà relevé, il y a effectivement quelque chose qui a peu été abordé : ce sont les contours de la future majorité présidentielle. On est vraiment très loin de 81 - tout autant de 97 avec la gauche plurielle : alors il y avait des accords de gouvernement. Là ? rien ! et ceci en arguant que la logique présidentielle n'est pas celle des législatives.

Soit ! Pour autant, à droite s'il se révélait une élection étriquée pour Sarkozy ; à gauche dans tous les cas de figures, il faudra bien demain constituer une majorité - et pour peu que les temps soient durs, et ils le seont - de préférence une majorité élargie. Sarkozy laisse dire et parfois entendre. Hollande appelle qui voudra bien venir mais ne négocie rien.

Revoici donc Bayrou avec cet étonnant paradoxe qu'il pourrait bien plus peser cette année qu'il y a cinq ans avec pourtant un résultat moins bon. Suaves délices des partis charnières : Mitterrand sous la IVe en avait fait son fonds de commerce, qui parvint en ne représentant pourtant rien, à être onze fois ministres ...

Mais pour quoi faire ?

C'est ici que se pose, se repose, la question constitutionnelle et donc celle de l'équilibre des pouvoirs **: elle s'imposera à mesure que percera l'éventualité d'une majorité parlementaire qu ne coïncidera pas nécessairement avec la présidentielle. Evoquée déjà ici, qui pourrait être un parfait contre-point, une forme d'avertissement que l'électorat donnerait au nouvel élu pour lui intimer l'ordre d'un rassemblement en période de crise, cette situation n'est pas complètement inédite puisqu'en 88 déjà, Mitterrand n'avait pas réussi à obtenir une majorité absolue aux législatives qui suivirent, comme si l'électorat avait voulu indiquer que 88 n'était pas 81 dont il ne voulait pas de la réédition. Or, et ce ne me semble pas étonnant, cette perspective commence a être évoquée - à droite pour le moment en agitant le chiffon rouge d'une possible nouvelle cohabitation 2

Ce qui est sûr d'ores et déjà : on voit mal une majorité PS/FG/Modem ; on voit tout aussi difficilement une alliance Sarkozy/Bayrou quoiqu'on laisse ici entendre. On n'a assurément pas fini de le voir avec les yeux de Chimène ...

Mais c'est peut-être Bayrou qui a raison : la constitution prévoit un fusil à deux coups. Le vrai vainqueur de ces élections ne sera peut-être connu qu'en juin.

Dans l'affaire je vois moins des paradoxes que des dilemmes : Hollande penche naturellement vers le centre, mais ne peut se passer ni donc tenir pour nulles les voix du Front de Gauche. Sarkozy penche naturellement vers sa droite mais ne pourrait gagner qu'avec l'appui du centre.

C'est l'électeur qui tranchera dans ces dilemmes : cela risque de faire mal.

Dérives ?



Matinale spéciale : François Bayrou dans 5... par franceinter 

 


Matinale spéciale : François Bayrou invité du 7/9 par franceinter 

 


1)dans le Monde du 12 avril

François Bayrou peut-il être le faiseur de roi ?

Tous les proches de François Bayrou l'affirment : "Il n'en parle pas." Certains cherchent des réponses chez les journalistes : "Que vous a-t-il dit ? Vous en savez peut-être plus que nous..."

Pas vraiment. C'est d'ailleurs, parmi ceux qui suivent la campagne du candidat centriste, devenu une figure imposée. Poser "la" question: "Et si, M. Bayrou, vous ne vous qualifiez pas pour le second tour, que ferez-vous ? Choisirez-vous entre François Hollande et Nicolas Sarkozy ?" La réponse fuse immanquablement : "On ne fait pas de politique avec des si!"

A deux semaines du premier tour, le candidat du MoDem demeure, à bien des égards, un mystère. Il y a ce paradoxe, qui n'en finit plus d'étonner : en dépit d'une cote de popularité au zénith, sa courbe d'intentions de vote décline. Dans deux études, publiées mardi 10 avril par Ipsos et l'IFOP, il est passé sous la barre symbolique des 10 %, à 9,5 %. Et il y a donc, aussi, l'énigme de sa trajectoire politique.

"FAIRE MONTER LES ENCHÈRES"

En 2007, M. Bayrou avait fait durer le suspense, pour finalement... ne rejoindre personne. Et cette fois ? "Il sera le faiseur de roi. Sarkozy ne peut pas se passer de lui s'il veut gagner. Quant à Hollande, pour faire face à la crise, il ne peut pas faire un gouvernement avec les Verts et le Front de gauche. Il faut qu'il élargisse sa majorité", veut croire Robert Rochefort, vice-président du MoDem.

C'est l'espoir de ses partisans : avec un score plus faible qu'en 2007, M. Bayrou pourrait avoir, en 2012, veulent-ils croire, un rôle politique plus important. "Il faut faire monter les enchères. Ce n'est pas de la petite politique : il s'agit de défendre nos idées. Le président qui sera élu aura besoin d'affronter les problèmes que met M. Bayrou sur la table", estime M.Rochefort.

François Bayrou en "faiseur de roi" ? Toutes les versions ne sont pas aussi optimistes. "Il y a deux questions : le veut-il et le peut-il ?", confie un membre du premier cercle. "Il n'acceptera qu'à condition que des propositions de fond lui soient faites. Son électorat doit gagner quelque chose", prévient ce proche.

La balle est donc dans le camp de ses adversaires. Et, savent les uns et les autres, le rapport de force dépendra des scores du premier tour. "Ce ne sera pas pareil si on est à 10 % ou à 1 5%", convient M. Rochefort.

PRUDENCE SOCIALISTE

Chez les socialistes, on se montre prudent. "Je ne sais pas ce que fera Bayrou, mais dans un second tour, j'aurai à m'adresser à ses électeurs. Il y aura des messages à passer, notamment sur la moralisation de la vie politique et l'envie de changement", a confié M. Hollande, mardi, à Besançon.

Le PS est, cette année, loin de la "danse du centre" de 2007, qui avait vu Ségolène Royal, dès le lendemain du premier tour, multiplier les appels du pied à M. Bayrou, jusqu'à lui proposer Matignon. "En 2007, il y avait un élément de surprise. Il était au centre de l'entre-deux tours", rappelle Delphine Batho, porte-parole de M. Hollande et proche de MmeRoyal.

Ce n'est plus le cas. L'ancien premier secrétaire du PS considère, dans la perspective du second tour, qu'il vaut mieux s'assurer 80 % de report des voix d'un Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) à 15 % plutôt qu'un tiers environ des suffrages d'un François Bayrou à 10 %... Même si officiellement, il n'est pas question de courtiser l'un plus que l'autre.

RENDEZ-VOUS MANQUÉ

En privé, M. Bayrou raconte l'histoire d'un rendez-vous manqué avec M. Hollande. Les deux hommes se sont vus à plusieurs reprises avant la primaire PS. A priori alors sur la même longueur d'onde. Mais ce n'est plus le cas. "Je suis plus proche humainement de M. Hollande, mais programmatiquement plus proche de M. Sarkozy", a confié M. Bayrou à des proches.

La rupture, dans son esprit, s'est produite quand M. Hollande a mis sur la table sa proposition de créer 60 000 postes dans l'éducation nationale, ouvrant les vannes des promesses "irréalisables".

A droite, l'équipe de Nicolas Sarkozy renvoie à l'entre-deux tours, qui pourrait donner lieu à des concessions politiques et à des négociations de postes. En attendant, "la seule stratégie, c'est on n'en parle pas, on n'y pense pas, on ne lui répond pas", explique Brice Hortefeux, ami de M.Sarkozy.

Cela n'empêche pas de s'y préparer. "On peut lui donner de la proportionnelle aux législatives, des choses utiles sur la moralisation de la vie publique, de l'anti-Guéant, de l'habeas corpus", explique un proche du président.

Le patron de l'UMP, Jean-François Copé, et le premier ministre François Fillon, pour une fois d'accord, sont toutefois contre toute concession sur le mode de scrutin législatif, l'une des revendications clés de M. Bayrou, qui veut s'assurer un groupe à l'Assemblée nationale. Plusieurs fois, l'hypothèse de lui donner Matignon a aussi filtré.

"Premier ministre, cela n'a aucun sens. Si Bayrou y va, c'est pour tenter, en 2017, le coup de l'alternance à la Giscard, à l'intérieur de la majorité. Il lui faut se protéger. Il pourrait être garde des sceaux, ministre des affaires étrangères ou, mieux, prendre la défense", tempère un proche du président.

"POLITIQUE-FICTION"

Officiellement, dans le camp de M. Sarkozy, on ne parle pas de négociations avec M. Bayrou pour les législatives. "C'est de la politique-fiction. On n'a pas à s'occuper de cela. Après la présidentielle, les compteurs sont remis à zéro, recommence une autre campagne", commente Franck Louvrier, conseiller de l'Elysée. Un autre conseiller précise : "Le débat n'a pas lieu avec Bayrou, mais avec ses électeurs. On n'est pas propriétaire de ses voix."

M. Bayrou peut-il s'accorder avec celui qu'il qualifia, en 2009, sans son livre réquisitoire Abus de pouvoir (Plon), d'"enfant barbare" ? "Je peux me tromper, mais je crois que c'est impossible", estime un proche du centriste. En privé, le candidat du MoDem estime que le président sortant va être battu.

"Il ne peut pas être le faiseur de roi. Le roi est fait", cingle Jean-Louis Bourlanges, figure du centre en désaccord depuis 2007 avec la stratégie d'indépendance du Béarnais.

Reste une troisième voie. "L'un des enjeux de cette élection est d'assurer l'existence d'un centre indépendant", explique M. Bayrou. "Si Hollande est élu, il peut être le chef de l'opposition", espère une proche. Un scénario fragile fondé sur une deuxième hypothèse : l'éclatement de l'UMP.

Pierre Jaxel-Truer, Arnaud Leparmentier et David Revault d'Allonnes


2) sur les cohabitations revoir

3) voir sur ce point les récentes déclarations de Hollande