Elysées 2012

Retour sur le débat

On attendait la bagarre ... on l'a eue ! Au point d'escamoter souvent la discussion sur les projets et de couvrir d'un voile trouble la réalité sur les chiffres. Les décodeurs de la presse s'attacheront dès ce matin à décrypter qui dit vrai, qui se trompe ... qui s'arrange avec les chiffres qui l'arrangent ... c'est la loi du genre et, on l'a dit, cette loi relève plus du spectacle que d'autre chose.

La presse ce matin s'attache à repérer qui des deux protagonistes l'aurait gagné ou fût meilleur que l'autre et, comme d'usage, les partisans de chacun des deux camps aura trouvé évidemment que son champion fur le meilleur.

L'essentiel n'est sans doute pas ici : on se demandait si Sarkozy, redoutable débateur allait croqué son interlocuteur ; ce ne fut pas le cas Hollande aura plutôt bien résisté, ne laissant rien passer qui ressemblât à une remise en question de sa stature, de son discours ou de ses projets. Au fond le script était écrit d'avance : les deux sont des professionnels et rompus à des exercices de ce genre.

Une erreur stratégique ?

La stratégie de Sarkozy qui ne pouvait quand même pas tenir la même posture polémique que dans ses meetings - et c'est logique - qui sait qu'une charge trop violente le renverrait à son image d'hyperactif agressif qui lui aura collé à la peau, n'avait pas d'autre choix que de débusquer les fragilités de son adversaire, ses manque d'expérience, incohérence, contre-vérités voire mensonges. A l'inverse Hollande n'avait pas d'autre choix que de ramener systématiquement Sarkozy à son bilan en opposant ce dernier à la cohérence de son projet.

D'où la bataille d'experts, brouillonne souvent, confuse parfois, ennuyeuse toujours.

La grande faiblesse de Sarkozy - sans doute depuis plus d'un an - aura été de sous-estimer son adversaire : il avait peu d'estime pour Aubry, encore moins pour Hollande et a cru longtemps qu'il pourrait ne faire qu'une bouchée de ce dernier dans un débat de ce type où il avait pour lui l'avantage d'en avoir déjà mené un il y a cinq ans. Sa seconde faiblesse aura été d'être le président sortant nécessairement englué dans son bilan à quoi Hollande évidemment tentera systématiquement de le ramener.

Mais, à mon sens, sa grande erreur stratégique ce soir-là, aura été, tout obsédé qu'il fut de vouloir débusquer Hollande, de parler finalement assez peu de son propre projet et beaucoup de celui de Hollande. Du coup le débat s'est mené sur les thèmes de Hollande pas sur les siens renforçant encore plus la position paradoxale de challenger où il s'est d'emblée placé. Du coup Sarkozy aura été au moins aussi allusif sur son propre projet que ce qu'il aura constamment reproché à Hollande d'être.

L'antienne du mensonge

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A plusieurs reprises, dans cet effort pour disqualifier Hollande, il aura repris des éléments usés à foison lors des meetings sur ce Hollande qui ment matin midi et soir. Qui aura souvent donné au débat ce rythme heurté, violent, où l'on s'interrompt souvent, où l'on parle en même temps que l'autre quitte à rendre la parole inaudible. Sans doute plus que dans les débats des élections précédentes, l'invective en aura été le centre de gravité. Pour autant que c'était assurément cette bagarre qu'attendait le téléspectateur, qui fait décidément de ces deux-là de bons clients pour la TV, on peut dire que le débat a tenu ses promesses.

Outre le fait que Hollande s'est révélé plutôt bien résister aux assauts au point de parfois pousser Sarkozy dans ses ultimes retranchements (cf le passage répondez ! ) cela aura eu aussi l'inconvénient majeur pour Sarkozy d'exacerber son côté agressif en tout cas de minimiser la dimension présidentielle de rassembleur.

De façon assez étonnante, il n'aura ainsi même pas interrompu la longue anaphore moi président ce qu'il eût parfaitement pu faire, anaphore qui ne manquait pas de cohérence

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mais qui sonnait quand même à la fois comme une charge implicite contre son adversaire mais surtout comme une leçon apprise par coeur, une anaphore trop finement mitonnée avant le débat *. Il en aurait eu l'occasion et les échanges précédents ont montré que ni l'in ni l'autre n'aura hésité à interrompre son interlocuteur ... mais pas à ce moment-là comme si Sarkozy avait eu endossé définitivement son costume de challenger, ou que la stature présidentielle n'eût déjà plus été la sienne.

Remarquons par ailleurs à côté de la posture droite et posée de Hollande, le dos voûté de Sarkozy et les tics et grimaces (2) qui réapparurent comme pour mieux souligner sinon l'embarras en tout cas trahir l'hyperactif en lui qu'il cherchait pourtant à camoufler .... Sentiment étrange où, tour à tour, Sarkozy semblait combattif comme il nous avait habitués à l'observer, puis paraissait laisser filer le débat, se laisser interrompre comme s'il renonçait.

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Le point d'orgue assurément aura été atteint par ce vous êtes un petit calomniateur qui curieusement tomba à plat mais qui aura en fin de compte concrétisé combien ce jeu sur vérité/mensonge n'aura pas fonctionné et, en réalité, se sera retourné contre lui.

Il avait commencé son intervention, en début de débat en espérant que ce fût un moment d'authenticité ; il se sera fourvoyé dans la dénonciation du faux et se sera en conséquence empêché de déployer véritablement sa vérité. Erreur stratégique vraiment ! Plutôt étonnante même si les ripostes suscitées permettront le lendemain à ses partisans de déclarer que l'agressivité était du côté de Hollande !

Au fond, et quitte à se répéter, de tels débats ne sont certainement pas l'occasion d'une rationalité à l'oeuvre et force est bien d'admettre qu'à ce jeu de la vérité et du mensonge on arrive, au mieux, à la juxtaposition d'un à chacun sa vérité qui ne peut manquer de faire sourire le logicien ; au pire, à laisser s'écarter l'électeur qui n'aura aucune difficulté à dénicher la ressemblance des deux impétrants. Le mimétisme est ici à son comble même si on peut préférer ici le reproche des actes ou, là, l'ambiguité des propos.

La victoire n'est pas gagnée par les hommes en armes qui manient la pique et l'épée, mais par les trompettes, les tambours et les musiciens de l'armée *

Ce fut le cas.

Ce débat ne laissera pas grand souvenir ... ne fera sans doute pas grand effet.

Il m'arrive parfois de m'étonner devant cette rage à conquérir le pouvoir au moment où, jamais, les marges de manoeuvre d'un président n'auront été aussi étroites... Faut-il aimer les délices de l'empire !

Au moins reprendre cette formule prêtée à Mitterrand au soir du 10 Mai : enfin les ennuis commencent !

 

 


1) il suffit de penser à l'homme du passif du débat de 81

2)la grimace faite au moment où il prononce ce terme, la moue à la fois méprisante et menaçante en disent long sur la gêne mais aussi sur le peu d'estime nourrie à l'égard de son contracdicteur.

 

voir le commentaire d'A Duhamel

 

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anaphore qu'il nie avoir préparée à l'avance


François Hollande par franceinter