Elysées 2012

Main

Une photo, comme cela, parmi d'autres, qui illustre le grand barnum d'une campagne électorale, qui dément cruellement la fiction de la rencontre d'un homme avec le peuple.

L'impétrant n'est jamais seul, mais toujours, entouré, compressé, non tant par la foule, non tant par le public, non pas tellement par les futurs électeurs, mais par des sympathisants déjà acquis, mais surtout par la presse.

C'est que cette rencontre est médiatisée : elle l'est physiquement d'abord. Entre le candidat et le public une haie de micros, une frontières de caméras ... Je ne dis pas que la presse s'interpose ; ni qu'au lieu de traduire, elle trahirait. Non, ce serait un peu trop facile. Mais ce qui est certain, c'est combien l'arroseur est constamment arrosé, le représentant toujours/déjà représenté, ce qui, pour le moins, explique les relations souvent si difficiles entre la presse et le pouvoir (1)

Oppressant, non ?

Car, quand ce ne sont pas les caméras ou les micros, ce sont les appareils photos ou les smartphones prompts à saisir l'instant comme pour mieux attester qu'on y était. Vivons-nous encore le réel ? ne nous contentons-nous pas de le représenter ? Entre nous et la réalité, des écrans, toujours ; des objectifs, sempiternellement ; ou des concepts, des représentations théoriques. Et cela revient peut-être, finalement, au même !

Alors, simplement, là, sur la gauche, cette main désespérée qui tente de toucher le président : il est le seul, tous les autres se contentent de l'entourer, protéger, et les micros de le saisir, et les appareils de le photographier. Cette main est la seule petite part d'humanité dans ce décor ou la ferveur a sa part, mais l'illusion tellement !

Autrefois le monarque touchait les écrouelles, façon de consacrer sa réalité thaumaturgique. Désormais c'est le monarque que l'on touche.

Là, dans ce qui se touche se joue autant le tactile que l'émotion. Ce réel qui nous échappe et que nous ne croyons saisir qu'en en touchant les stigmates... St Thomas n'était pas incrédule, il savait seulement qu'il n'est de réalité que saisie.


1) dont l'invective contre Médiapart n'est que l'ultime et inévitable expression