Chronique du quinquennat

Tweet !

Ah la sublissime connerie ! l'invraisemblable faute ! l'inénarrable sottise !

Bien sûr la presse en fit-elle ses choux gras ; évidemment la droite en fit-elle des gorges chaudes. C'est de bonne guerre. Les uns de s'offusquer, les autres de minimiser : chacun son rôle. Et les plus sérieux de tenter d'y voir clair en tentant de poser la question du statut de la compagne d'un président.

Je ne suis pas convaincu que l'affaire mérite la place qu'on lui accorda. Trois remarques néanmoins :

- cette dame est journaliste, elle sait ce qu'elle fait. Elle eût parfaitement pu apporter son soutien en privé : le téléphone existe ; les SMS aussi. Le faire via un tweet, en public n'est pas anodin. Qui a voulu quoi ? qui aura manipulé qui ? D'ailleurs au nom de qui parle-t-elle ?

- la question du statut de la première dame ne devrait même pas se poser. Elle n'a pas été élue - fermez le ban ! Qu'elle ait une équipe de sept collaborateurs autour d'elle est déjà douteux mais au moins si elle l'accepte, qu'elle assume en même temps les contraintes de ce pseudo statut. Qu'elle veuille rester libre et journaliste, soit ! mais alors qu'elle renonce à paraître à l'Elysée et à participer à quelque cérémonie officielle que ce soit !

- si cette période électorale qui s'achève aura été, décidément, celle de l'omniprésence des réseaux sociaux et sites de partage, celle où, journalistes comme personnages politiques aura joué de leurs présences sur tweeter (Morano et Bachelot notamment à droite) elle aura été aussi celle d'un véritable laboratoire de communication avec d'inévitables réussites et superbes plantages.

Apprendre l'usage raisonné des outils de communication ?

C'est peut-être cela le plus intéressant dans l'histoire ! 2007 avait vu la prolifération des blogs, des échanges en live qui avaient fait rêver d'une démocratie plus participative. Entre temps la vogue a disparu au profit des réseaux sociaux et de Tweeter dont au début on pouvait légitimement se demander quelle utilité, fonction et valeur il allait prendre. 2012 aura été le règne du direct live, tant pour les sites d'information (voir Le Monde par exemple) que pour les journalistes et acteurs politiques.

L'usage passera ou se modérera, inéluctablement. Au même titre que les courriels qui apparurent rapidement comme trop intrusifs, trop envahissants et qui se révélèrent bientôt outil magnifique de transmission d'informations brutes mais certainement pas l'espace possible d'échange ou de conversations polémiques.

Tweeter fonctionne sur l'immédiat, sur ce temps si court qu'il ne permet ni le recul, ni la réflexion ni au fond la responsabilité. C'est tout le paradoxe de cet outil qui est de l'ordre de la réaction, de l'ordre du compulsif : on y répond sans responsabilité. Le Moi sans sur-Moi ! Comme si je sujet, totalement désinhibé, pouvait ici tout se permettre. On peut toujours s'interroger sur le besoin que l'on aurait à offrir au monde entier nos plus intimes et infimes complexions mais après tout nul n'est contraint de s'abonner à vos tweets.

En tout cas, le petit message obligera demain à une formidable maîtrise de la langue: la concision est un art dont le politique n'est pas particulièrement coutumier. Entre le silence distant où vous réduit la responsabilité protocolaire et l'envolée tribunicienne, il y a désormais, ce petit gazouillis qui peine à trouver sa place.

Qui n'en a peut-être pas d'ailleurs.


lire ce petit billet amusant Faire court

lire édito du Monde

 

Un tweet, un simple tweet de 135 signes, a fait voler la "normalité" hollandienne en éclats, mardi 12 juin.

"Courage à Olivier Falorni qui n'a pas démérité, qui se bat aux côtés des Rochelais depuis tant d'années dans un engagement désintéressé." Par ces quelques mots, Valérie Trierweiler, qui partage la vie du président, a apporté son soutien public à l'adversaire électoral de Ségolène Royal, ex-compagne de François Hollande et mère de leurs quatre enfants, qui a elle-même le soutien du PS, du premier ministre et du chef de l'Etat.

A juste titre, le président de la République avait jugé que les Français avaient besoin d'"apaisement " après l'hyperactivité de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Candidat, il lui avait reproché son goût des coups d'éclat, la confusion de sa vie privée ou familiale avec les affaires publiques. Et voilà que, cinq semaines à peine après son élection, il se trouve à son tour pris au piège d'un mélange des genres qui réunit tous ces ingrédients à la fois.

L'ironie de l'affaire est que c'est sa propre compagne qui le met ainsi en contradiction avec lui-même, rappelant les pires heures du couple Cécilia et Nicolas Sarkozy. Le moment choisi - entre les deux tours du scrutin législatif - offre en outre un refuge médiatique providentiel à la droite, aux prises avec ce qui aurait dû être le sujet du jour : les embarras de l'UMP face au Front national.

Le tweet de Mme Trierweiler est une authentique erreur politique. Sa première victime en est l'image d'un président cohérent, serein et maître de son message.

La deuxième victime est Valérie Trierweiler elle-même. Depuis la victoire de M. Hollande, la compagne du président débat très publiquement du rôle qui devrait désormais être le sien. Ce rôle n'est jamais aisé pour les conjoints de hauts dirigeants, tout particulièrement en régime présidentiel. Dans le cas de Mme Trierweiler, il se trouve compliqué par son passé de journaliste politique. D'autres avant elle, comme l'épouse du chancelier allemand Gerhard Schroeder, ont choisi de mettre leur carrière journalistique entre parenthèses le temps du mandat de leur conjoint. Valérie Trierweiler se refuse à cette idée, comme le montre l'article quasi psychanalytique qu'elle a consacré dans Paris-Match à une biographie récente d'Eleanor Roosevelt.

Les déchirements de Mme Trierweiler ne sont pas étrangers aux femmes, qui, plus souvent que les hommes, ont à choisir entre leur réussite professionnelle et leur famille. Mais sa situation à elle est exceptionnelle et relève de son couple. Elle ne rend pas service aux femmes en réglant ses comptes dans l'arène publique. D'autres débats, plus urgents et plus graves, s'imposent.

Journaliste ou première dame, il faut choisir. De toute évidence, Valérie Trierweiler souhaite occuper un rôle aux côtés du président. Dans ce cas, elle doit suspendre ses activités journalistiques, quelles qu'elles soient, et éviter d'émettre des avis politiques contraires à ceux de l'Elysée. Un dernier conseil, peut-être : oublier Twitter.