Chronique du quinquennat

Proportionnelle

Dans ces éditos Th Legrand est revenu deux fois cette semaine sur la question les 4 et 6 juin.

On connaît les préventions à l'encontre de la proportionnelle : elles sont anciennes et datent du catéchisme gaulliste à l'encontre de la IVE. Productrice d'instabilité gouvernementale faute de pouvoir dégager des majorités consistantes, disait-on. Remarquons que ceci demeure exact pour un régime où l'Assemblée est triomphante et tient l'exécutif à sa merci, l'argument vaut moins pour la Ve.

La seconde prévention est plus justifiée qui consiste à remarquer que ce sont les partis qui désignent les futurs élus en les plaçant à leur guise en position d'éligibilité sur les listes qu'ils présentent condamnant ainsi l'électeur à se contenter de légitimer des notabilités définies ailleurs. L'argument est imparable sauf à considérer que le scrutin majoritaire n'empêche pas non plus ces carrières longues : nombreux sont les députés sortants à avoir déjà été réélus plus de trois fois ... Ayrault en tête élu depuis 86 c'est-à-dire se présentant aujourd'hui pour la 7e fois !

A l'inverse on connaît les objections faites au scrutin majoritaire qui écrase les minorités et enfle parfois démesurément les majorités : ainsi en 68 pour le parti gaulliste, en 81 pour le PS, ce scrutin offrit les délices d'une chambre introuvable où un parti seul détint la majorité absolue des sièges ( 289/577). Il peut être politiquement convénient de voir un FN autour de 15% n'avoir aucune représentation nationale ; ce n'est manifestement pas satisfaisant d'un point de vue démocratique. Et ceci est vrai également pour le Modem ...

On remarquera néanmoins que le seul scrutin à la proportionnelle intégrale de 86 n'empêcha pas une majorité de se construire non plus qu'un gouvernement de cohabitation de se former - tout juste évita-t--il un désastre électoral au PS tel qu'il put le connaître sept ans plus tard dans les mêmes conditions mais au scrutin majoritaire cette fois en 93. (en 86, 196 sièges pour le PS ; plus que 52 en 94)

Projections *

Les projections faites sur les élections de 2007 ont l'avantage de montrer qu'aucun mode de scrutin n'aurait empêché la formation d'une majorité conforme à l'élection de Sarkozy. Que de manière générale, sauf le cas de blocs homogènes et de taille équivalente on ne voit pas comment la proportionnelle pourrait empêcher les institutions de fonctionner et le fait majoritaire de se réaliser.

Le fait d'ailleurs que personne n'envisage réellement un retour à la proportionnelle intégrale mais un simple redressement à la marge, de l'ordre vraisemblablement de 15 à 20% montre qu'il n'y a pas grand danger : après tout ce type de redressement proportionnel fonctionne bien aux élections municipales sans réel inconvénient.

Stratégie de l'alliance plutôt que du conflit

Le grand avantage de la proportionnelle demeure assurément l'obligation faite aux partis de forger des alliances politiquement claires pour avoir une chance d'accéder au pouvoir ou au moins d'obtenir une représentation parlementaire consistante. Obligation donc de définir la majorité parlementaire face à cette majorité présidentielle trop césarienne pour demeurer résolument républicaine.

Car il n'en demeure pas moins surréaliste d'avoir vu un parti définir à l'unanimité son programme, puis désigner son champion qui immédiatement s'écarta de ce programme pour définir son équation personnelle qui forme le socle du quinquennat.

Qu'élisons-nous aujourd'hui ? une majorité parlementaire qui n'aura pour seul objectif de réaliser le programme présidentiel ou bien une majorité parlementaire axée sur un programme ? C'est ici toute l'ambiguïté de cette constitution ; tout l'enjeu de la manière dont Hollande remplira les fonctions de sa charge.

Mais si effectivement il ne s'agit que de constituer une majorité à la botte du président, moyeu indispensable à la mise en musique du programme présidentiel, alors, effectivement, il ne faut pas s'étonner du désintérêt de l'électorat qui peut à juste titre arguer s'être déjà prononcé le 6 mai.


1) Agoravox pour les élections de 2007

2) sur le Monde