Histoire du quinquennat

Calendrier électoral : et la proportionnelle?
Libération du 3 juin 2012
GÉRARD GOUZES
Ancien président de la Commission des lois de l'Assemblée


Il était de bon ton de dénoncer, à gauche notamment, l’inversion du calendrier des élections législatives en 2002 comme en 2007. Cette réforme, voulue par Lionel Jospin, alors Premier ministre, s’imposait pourtant de manière évidente à l’époque comme elle apparaît nouvelle aujourd’hui.

Les Français avaient décidé par référendum, le 24 septembre 2000, d’élire le président de la République pour cinq ans. Nous étions nombreux à considérer que le quinquennat devait ainsi permettre au peuple souverain de choisir pour un temps plus court et donc plus adapté à la démocratie moderne la femme ou l’homme qui exercerait la responsabilité la plus haute de la République. Cette méthode permettait aussi de tirer les conséquences de la véritable naissance de la Ve République que l’on peut dater de l’année 1962 avec, autre réforme approuvée par les Français, l’élection au suffrage universel du président de la République. Celui-ci est devenu la clé de voûte des institutions, grâce à la légitimité sans partage qu’il tient de cette élection, mais aussi grâce au fait majoritaire qui lui permet de bénéficier en temps normal d’une majorité lui garantissant la possibilité de mener à bien les réformes pour lesquelles il a été élu.

Dès lors, il est indéniable que l’élection du président de la République est l’acte fondamental de la vie politique française. La majorité législative envoyée par les Français pour les représenter doit être élue en pratique sur les orientations et les propositions de celui qu’ils ont choisi d’installer à l’Elysée. L’élection législative ne pouvant donc être que la suite logique de l’élection présidentielle.

Or, une des conséquences de la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac en 1997 allait amener en 2002 à faire précéder de quelques mois l’élection présidentielle par les élections législatives. Si rien n’était modifié, on allait demander aux Français de choisir ceux qui allaient être chargés de mettre en œuvre un programme, avant de connaître les grandes orientations présidentielles définissant ce programme. Un pareil calendrier remettait indéniablement en cause, plus que la pratique même de la cohabitation après une dissolution, la logique majoritaire de la Ve République.

Cette situation était d’autant moins acceptable qu’elle était due à un autre hasard : celui d’une élection présidentielle se déroulant fin avril, début mai, en raison du décès du président Pompidou le 2 avril 1974. Or, c’est parce que les élections législatives ont pour vocation de dégager une majorité parlementaire chargée de mettre en œuvre un programme proposé par le président dans sa campagne électorale, que la logique et les précédents convergeaient hier comme aujourd’hui pour indiquer qu’une présidentielle juste avant les législatives garantissait mieux la cohérence majoritaire et la stabilité politique plutôt que le blocage des institutions ! Il fallait bien changer un calendrier électoral qui pour des raisons accidentelles, marchait sur la tête ! Qui se plaint, aujourd’hui, à gauche, de ce qui fut à l’époque, le résultat d’une proposition de loi organique modifiant la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale ?

Mais il faudrait peut-être maintenant aller plus loin. Les expériences successives de l’histoire de notre pays depuis 1871 ont démontré qu’avec plus de treize lois en cent trente ans, le législateur a constamment hésité entre l’efficacité procurée par des systèmes majoritaires plurinominaux ou uninominaux et des systèmes proportionnels plus soucieux de représentativité. Aujourd’hui, alors que de nouveaux courants politiques sont apparus, force est de constater qu’avec le scrutin majoritaire actuellement en vigueur pour les élections législatives, des millions de voix peuvent se porter au premier tour sur des candidats de partis qui sont exclus du second tour et, de ce fait, de toute représentation à l’Assemblée nationale.

Si de nombreuses raisons s’opposent au choix d’une représentation proportionnelle intégrale dont les principaux défauts seraient l’émiettement politique, l’accentuation du poids des appareils des partis et l’aggravation de l’incompréhension entre les citoyens et la politique, il est urgent de proposer un système plus juste alliant le fait majoritaire avec une part de représentation proportionnelle.

Les élections législatives suivant l’élection présidentielle dégageraient une majorité parlementaire chargée de mettre en œuvre le programme présidentiel choisi tout en mettant fin au reproche fait à l’Assemblée nationale de ne pas représenter certains courants de la société française actuelle.

Si cela a été dit pendant la campagne présidentielle par les deux candidats du deuxième tour, alors il faut vite mettre cette réforme en place… et pourquoi pas redonner une vie démocratique à l’Assemblée nationale en supprimant le droit de dissolution et l’article 49-3 si décrié !

Gérard Gouzes est député honoraire, ancien président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, maire de Marmande (Lot-et-Garonne)