Chronique du quinquennat

l’échec du Front de gauche

Il y a quelque chose de l’ordre de la déréliction dans la succession de résultats décevants depuis le 1e tour de la présidentielle

Quelque chose sans doute aussi de l’ordre de la méprise.

Méprise

Parti de loin – et même de très loin – le FG aura connu une sorte d’acné aux alentours du mois de mars au point que certains dont Mélenchon lui-même  finirent par croire qu’il pourrait devancer le FN. Mirage d’une campagne réussie, effet de com après que les medias eurent dirigé le feu de leurs projecteurs sur lui ? toujours est-il qu’à la fin, prenant les mots pour la chose, et l’effet pour la cause on aura fini par confondre campagne réussie avec résultats électoraux et, plus insidieusement, par croire que ce que la presse eût élu, dût nécessairement être oint par la souveraineté populaire.

Las il y a toujours loin des mots à la chose ; de la coupe aux lèvres.

1e déception : le score aux présidentielles pour honorable qu’il fût comparé à celui du PC seul il y a  5 ans, n’attint pas les cimes espérées. A tout prendre il correspond, nous l’avions écrit, à celui du PC et de l’extrême-gauche que Mélenchon aura eu le mérite de rassembler mais certainement pas d’amplifier. Par calcul ou réalisme, l’électeur aura fini pour une partie à simplement vouloir marquer le PS sur sa gauche ; pour l’autre de jouer le vote utile.

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2e déception : après quelques atermoiements, après, surtout, avoir longtemps déclaré qu’il ne se présenterait pas aux législatives, Mélenchon succombera finalement à la tentation en voulant prendre sa revanche sur Le Pen à Hénin-Beaumont.  Voulant profiter du discrédit d’un PS local englué dans les affaires, il espéra passer devant le candidat PS et député sortant. Encore raté et, accord républicain oblige, le voici xondamné à se désister pour lui. Au prix d’ailleurs d’une campagne sordide, de coups bas, de faux tracts et d’ignominies superfétatoires.

 

Entre καιροσ et ὕϐρις

Chaque élection comporte une surprise et une révélation. 1965 révéla Lecanuet et mit de Gaulle en ballottage. 69 révéla Duclos au grand public qui n'oublia pas de sitôt son accent rocailleux ni sa bonhommie : jamais depuis le PC ne fit un aussi beau score. 74 révéla Laguillet etc ... 2007 fut la grande année de Bayrou ; 2012 manifestement celle de Mélenchon. Chaque élection offre ainsi le kairos à l'un ou à l'autre : Mitterrand tira sa légitimité d'opposant en 65 en bousculant de Gaulle. Jospin en se qualifiant au second tour en 1995 quand tout le monde s'attendait à ce que la gauche fût éliminée dès le premier tour. Bayrou - troisième homme surprise de l'élection de 2007 - en bénéficia sans pour autant parvenir à renouveler l'exploit. Le choix de Mélenchon pour fédérer la gauche de la gauche fut un choix judicieux qui sembla d'abord porter ses fruits au delà de toute espérance.

L'apex fut sans doute atteint à la Bastille en Mars où il faut se souvenir de la surprise non feinte de Mélenchon devant foule si nombreuse. Peut-être faut-il réentendre ce rire jubilatoire : il dit tout à la fois de l'ébahissement de l'homme devant un mouvement qui tout à coup le dépassait, de vant le sentiment ou l'illusion qu'il avait réussi alors ce que nul ne fut plus parvenu à réaliser depuis plus de vongt ans.

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Ce moment est peut-être celui-là, même où du καιροσ Mélenchon sombre dans l'ὕϐρις. Ce moment où l'homme, volontairement humble qui n'a jamais voulu qu'on scande son nom dans les meetings mais la cause qu'il défendait, subitement aura cru pouvoir saisir les fils du destin, saisir les choses. Ce moment c'est celui, non du pouvoir mais de la puissance. Et ce moment-ci reste celui où tout bascule.

Qu'il est étroit le passage de la grandeur à la mégalomanie ; de la parole à la grandiloquence ; du pouvoir à l'abus.

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Lui qui s'était donné comme modèle Cincinnatus ; lui qui s'était moqué de Hollande pour avoir évoqué ses qualités exceptionnelles et la transcendance de l'élection, ne serait-il pas tombé lui-même dans le piège de se croire sauveur face à l'hydre frontiste ? n'aurait-il pas subrepticement dépassé les bornes et, pris dans le tourbillon pathogène des luttes électorales, cédé aux délices de l'ubris ? Certes, il ne faut pas négliger l'invraisemblable pression que représentent deux élections successives ni la discipline à quoi se soumettre sous les feux des médias qui représentent autant de pression peu compatible avec le recul, la réflexion la mise à distance.

Et pourtant !

Il n'a pas fait comme Cincinnatus : il n'est pas rentré chez lui, tenté manifestement par le combat de trop.

Des erreurs ?

J'en vois au moins trois :

- avoir confondu législatives et présidentielles : le discours haut, la tentation radicale ont valeur, plus encore de témoignage, celle de rapport de force au moment des présidentielles. Ces dernières offrent le paysage idéologique du moment, ses lignes de fracture, ses tendances. Au contraire, aux législatives qui n'ont pas toujours valeur nationale mais où comptent souvent implantation locale, proximité et logique de fief, il s'agit d'élire aussi le représentant d'une circonscription au moins autant qu'un législateur - effet indéniable du scrutin d'arrondissement. Ce pourquoi le parachutage est souvent mal perçu. L'arrivée de Mélenchon à Hénin-Beaumont fut aussi vu comme une lutte fratricide.

- avoir fait mine de vouloir prendre revanche : faisant ainsi prendre à cette campagne un tour personnel, souvent sordide, désagréablement mesquin - et perdre sa dimension idéologique. D'où ces noms d'oiseau, si fréquents. D'où l'incontournable égotisme pourtant dénoncé.... En émerge la figure détestable d'un Mélenchon héros antique prompt à affronter l'hydre - et suffisamment mégalomane pour s'imaginer être seul à pouvoir le faire.

- avoir donné des gages à la sur-médiatisation : lui qui s'offusquait d'entendre la presse le comparer à une rock-star ; s'agaçait qu'on ne vît dans sa démarche que la forme tribunicienne au lieu de rendre compte de la démarche à la fois pédagogique et politique ; voici qu'il tombe lui-même dans le panneau de la peopolisation - fût-elle à l'envers. Le voici paraissant mauvais perdant ; mine sombre ...

Demeure la question cruciale : comment lutter contre le FN ?

J'avais écrit, et le maintien, que ce fut tout l'honneur de la campagne présidentielle de Mélenchon d'avoir pris la lutte anti FN à bras le corps quand Hollande trop souvent jeta un voile pudique sur la question faisant mine qu'elle ne se posait pas.

Or elle se pose.

Sans doute en en faisant un des thèmes essentiels de sa campagne prit il le risque de trop la personnaliser et, en tout cas, de tendre à la presse les verges pour se faire battre tant cette dernière insistera toujours plus sur la dimension spectaculaire qu'idéologique de cette lutte. Mélenchon crut pouvoir prendre la presse a son propre piège ! Ce fut le contraire.

Ne nous méprenons pas : le score de Le Pen eût-il été plus faible que l'on eût encensé Mélenchon ; fût il passé devant elle au premier tour des présidentielles qu'on l'eût acclamé comme un héros. Le pari fut perdu : l'opprobre s'en suivit. Loi du genre.

Il n'en reste pas moins, tant il se confirme qu'une partie de la droite flirte sans vergogne et que l'autre rejoue l'argment des valeurs comme cache-sexe de ses turpitudes, n'en reste pas moins, oui, que c'est à la gauche désormais, de prendre la question et ce d'autant plus qu'elle est au pouvoir.

Il n'en reste pas moins que c'est politiquement que le combat doit être mené dans la vieille tradition de la gauche et non avec ce soupçon de mépris pour le peuple égaré ui sent parfois son bourgeois samaritain.

Cela c'est la tâche de toute la gauche pour les cinq années à venirau moins autant que de réussir la politique qu'elle se propose de mener. Au jeu de massacre électoral des trente dernières années, la gauche a toutes les chances de perdre en 2017 - sauf miracle.

Mais au profit de quelle droite ?

Hollande se promet d'installer la gauche dans la durée : logique ! mais au moins, si elle devait perdre dans cinq ans, qu'elle le fasse dans l'honneur - en ayant mené fièrement ce combat-là !