Palimpsestes

Ségolène Royal rend publique sa séparation d'avec François Hollande
LE MONDE | 18.06.07

Une double défaite, un sursaut, et une séparation. Depuis l'élection présidentielle, le Parti socialiste vit à un rythme décousu, passant de l'espoir à l'abattement. La journée du dimanche 17 juin n'a pas connu de trêve. Au soir du second tour des élections législatives, alors que les socialistes se réjouissaient de résultats meilleurs que prévu, la nouvelle de la séparation entre Ségolène Royal et François Hollande s'est répandue, au risque de polluer les messages sur la résistance du PS face à la vague bleue.

L'ex-candidate à l'élection présidentielle s'était confiée, il y a quelques jours, dans un livre rédigé par deux journalistes de l'AFP, Les Coulisses d'une défaite (l'Archipel), à paraître le 20 juin. "Si vous pouviez éviter, dans vos dépêches, de présenter François Hollande comme mon compagnon... Ce n'est plus le cas, prévenait-elle. J'ai demandé à François Hollande de quitter le domicile, de vivre son histoire sentimentale de son côté, désormais étalée dans les livres et les journaux et je lui ai souhaité d'être heureux." Mais l'information a commencé à circuler dès samedi.

Prise de court, Mme Royal enregistre alors un entretien sur France Inter destiné à être diffusé au lendemain du second tour, le 18 juin, à 7 h 40. Après un long soupir audible, elle confirme sa séparation : "Ça fait un certain temps qu'un certain nombre de supputations circulent sur moi et François Hollande. C'était nécessaire à un moment de clarifier les choses. Je le dis très simplement : nous avons décidé de ne plus être ensemble." Faisant état "comme tous les couples, de difficultés", elle dit avoir décidé "de les mettre de côté pendant la campagne présidentielle, puis législative. [...] C'était pour moi aussi une nécessité de protéger mes enfants." Mme Royal justifie sa confession : "Aujourd'hui, je crois que nous rentrons dans une nouvelle étape et c'est important de dire les choses telles qu'elles sont" pour être "bien au clair vis-à-vis de nous-mêmes et des autres". Elle refuse de donner des détails sur son "organisation familiale". "C'est vrai que j'ai proposé à François Hollande de vivre sa vie de son côté et qu'il l'a accepté. Nous ne sommes plus au même domicile et ça correspond à la réalité de notre relation", dit-elle.

Lorsqu'elle fait sa mise au point auprès des journalistes de l'AFP, la séparation est déjà bien réelle. Depuis quinze jours, le couple ne partage plus le même domicile. Blessée par les indiscrétions et les commentaires sur son couple qui n'ont cessé d'aller crescendo, notamment depuis la publication par Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin de La Femme Fatale (Albin Michel), Mme Royal les qualifie, sur France Inter, de "rumeurs qui ont fait beaucoup de dégâts" et évoque "leur dimension particulière au regard de l'impact qu'elles ont eu sur mes enfants. Pour eux aussi, la clarification est un élément d'apaisement".

Candidate à la succession de M. Hollande à la tête du PS, elle nourrit l'espoir que cette opération de transparence permettra de lire les aspirations de l'un comme de l'autre avec "un regard différent" et "une libre détermination". Mais rien n'est moins sûr, même si Mme Royal assure qu'elle ne fera "rien contre lui", car M. Hollande possède une réelle popularité parmi les militants.

Ainsi prend fin, au vu de tous, l'histoire d'un couple pacsé mais non marié qui s'est rencontré sur les bancs de l'ENA, il y a trente ans, et qui a fini par se trouver en situation de concurrence. M. Hollande, premier secrétaire du PS depuis dix ans, a dû s'effacer devant Ségolène Royal, préférée par les militants pour l'investiture présidentielle. Depuis, leurs relations ont alimenté la chronique. Il a refusé le poste de directeur de campagne présidentielle et toute photo commune. Elle n'a pas hésité à revendiquer, dans les jours qui ont suivi sa défaite, la direction du parti. Et un seul meeting, à Limoges, le 29 mars, avait réuni le couple.

Il y a un an tout juste, il était pourtant question de... mariage. Le 29 juin 2006, alors qu'elle se rendait à un meeting à Rennes, Mme Royal avait glissé à trois journalistes dans un train qu'elle envisageait de se marier avec son conjoint (Le Monde du 1erjuillet) - une perspective que M. Hollande avait choisi de clore aussitôt. Dans son livre de campagne, Maintenant (Hachette Littératures), l'ex-candidate était revenue sur le sujet, accusant "l'entourage" du premier secrétaire de l'avoir "dissuadé". De la même façon, son propre entourage a souvent été accusé d'ajouter de l'huile sur le feu. "Ils m'ont protégée parce qu'ils ont été témoins de ma souffrance", affirmait en aparté Mme Royal, le 13 juin, en revenant dans un avion privé d'une série de déplacements pour soutenir des candidats aux élections législatives. Ce jour-là, elle n'avait fait qu'entrouvrir la porte.
Isabelle Mandraud