Palimpsestes

La démission d'Alain Juppé oblige à un ample remaniement ministériel
LE MONDE | 18.06.07

Le reflux de la vague bleue a conduit, lundi matin, François Fillon à présenter sa démission à Nicolas Sarkozy. Il y a deux jours, le premier ministre pensait encore pouvoir échapper à cette formalité pour n'effectuer qu'un remaniement a minima, avec la nomination de sept ou huit secrétaires d'Etat supplémentaires. Mais la défaite d'Alain Juppé, numéro deux du gouvernement, oblige le couple exécutif à rebattre les cartes. Défait d'une courte tête à Bordeaux, le ministre d'Etat à l'écologie, au développement et à l'aménagement durables a annoncé, dès dimanche soir, qu'il démissionnait de son poste pour se conformer à la règle édictée fin mai par François Fillon, obligeant tout battu aux législatives à quitter le gouvernement.

En composant ce département ministériel aux compétences incluant les transports et la politique de l'énergie, MM. Sarkozy et Fillon avaient voulu signifier que la protection de l'environnement serait prise en compte de façon prioritaire dans toutes les grandes politiques de l'Etat, notamment dans celles des grandes infrastructures. Mais la crédibilité du redécoupage ministériel et la création d'un"super-ministère" reposaient en grande partie sur la personnalité du ministre choisi pour l'animer : un ancien premier ministre, poids lourd politique et rompu à l'action gouvernementale. Inspiré par Nicolas Hulot, le périmètre de ce ministère ne devrait pas être modifié ainsi que l'a expliqué, dimanche soir, la porte-parole du gouvernement, Christine Albanel.

Du coup, le remplacement de M. Juppé semble encore plus délicat. "Il faut un poids lourd", affirme le conseiller d'un ministre. Une phrase qui semble exclure la nomination de la députée de l'Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet, spécialiste des questions d'environnement à l'UMP. Les noms le plus souvent cités pour succéder à M. Juppé sont ceux de Michel Barnier, ancien commissaire européen, qui fut ministre de l'environnement et des affaires étrangères, Jean-François Copé, qui vise pour le moment la présidence du groupe UMP, et Jean-Louis Borloo, l'actuel ministre de l'économie.

Ce transfert ne serait pas forcément une promotion pour le vice-président du Parti radical. Après sa "gaffe" sur l'augmentation de la TVA, à l'origine du débat de l'entre-deux tours, M. Borloo - qui n'a jamais joui de la confiance totale de M. Sarkozy - est désigné comme l'un des responsables des résultats mitigés de son camp. Sa nomination obligerait à trouver un nouveau titulaire à Bercy. France 2 évoquait, dimanche soir, le nom d'Henri de Castries, actuel PDG d'Axa et proche du président de la République qu'il a conseillé pendant sa campagne.

Pour garantir l'ensemble des équilibres politiques, bouleversés par le départ de M. Juppé, MM. Sarkozy et Fillon devront certainement revoir aussi la liste des nouveaux secrétaires d'Etat, en y intégrant un nouveau chiraquien. La volonté d'ouverture, réaffirmée par M. Fillon dimanche soir, risque aussi d'être compromise par le réveil de la gauche. "Qui voudra aujourd'hui trahir son camp ?", s'interroge un ministre. "Il y aura probablement une ou deux personnalités de gauche au gouvernement", voulait pourtant croire Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.

Le premier ministre, lui, veut tourner la page au plus vite. "Le temps de l'élection est fini, le temps de l'action a commencé", a-t-il affirmé dimanche soir. M. Fillon semble même avoir l'intention d'accélérer le tempo. Alors que quatre réformes étaient prévues pour la session extraordinaire (travail, emploi et pouvoir d'achat, sécurité, universités, service minimum), il a ajouté, dimanche soir, le texte sur l'immigration. "Tout dépendra de la durée de la session extraordinaire, et si on peut aller jusqu'au 10 août", indique un conseiller de Matignon.


Christophe Jakubyszyn et Philippe Ridet