Palimpsestes

Au PS, chacun s'attribue une part du sursaut inattendu
LE MONDE | 18.06.07

De mémoire de socialiste, un tel retournement de situation après une défaite n'avait pas eu cours depuis belle lurette. "Ah si ! Aux municipales de 1983, un sursaut s'était produit, et puis aux législatives de 1967, la gauche avait failli gagner au deuxième tour, mais c'était un autre contexte...", se souvient Alain Bergounioux, secrétaire national aux études et historien du parti. La liste des élus socialistes, égrenée dimanche soir 17 juin sur les écrans de télévision, arrache des cris de joie dans la cour du PS. Il y a des prises de guerre qui font plus plaisir que d'autres. "Juppé au Canada !", scandent les militants.

Avec 184 députés élus, et trois dissidents qui se voient attribuer l'étiquette d'apparentés, le Parti socialiste respire un grand coup. A 20 h 02, François Hollande s'avance vers le micro pour saluer les résultats et appeler à une "opposition utile". La rénovation promise prend des airs de reconquête.

Jean-Christophe Cambadélis veut quelque chose de "collectif, profond, sans tabou". "Faut toucher à tout, affirme le député réélu à Paris. La refondation, c'est pas un rendez-vous mais un processus." En un aller-retour, avant et après les plateaux de télévision, Laurent Fabius estime que les résultats "donnent une ligne sur la refondation : c'est sur le terrain économique et social que nous devons affirmer nos différences". Depuis Melle, dans les Deux-Sèvres, Ségolène Royal incite à poursuivre "le travail commencé" et reprend ses thèmes, "la République du respect", "l'ordre juste"...

La catastrophe annoncée n'ayant pas eu lieu, tout le monde peut s'arroger une part de la digue contre la vague bleue. D'ailleurs, les spécialistes ont tôt fait de dresser la géographie du groupe à l'Assemblée : hier menacés, les royalistes, une cinquantaine, sont de retour à quelques exceptions près et comptent dans leurs rangs des nouveaux députés comme Pierre-Alain Muet, élu dans le Rhône.

Avec plus de 50 élus, les hollando-jospinistes sont les plus nombreux, suivis des fabiusiens, entre 45 et 50, et des amis de Dominique Strauss-Kahn, une trentaine, sans oublier quelques proches d'Henri Emmanuelli et une poignée d'inclassables. "Ça ne permet pas du tout à Ségolène Royal d'imposer quoi que ce soit", calcule avec satisfaction un bon connaisseur du parti.

CONSULTATIONS

Avec un groupe socialiste de cette taille, les appétits s'aiguisent pour la désignation, le 26 juin, de son président, du président de la commission des finances promis à l'opposition et du questeur. Dimanche soir, François Hollande confirmait au Monde n'être "candidat à aucun de ces postes". Le premier secrétaire a bien l'intention d'achever son mandat, renouvelé au congrès du Mans de 2005 comme prévu, en 2008. Sa place, pourtant, est convoitée, à commencer par sa désormais ex-compagne, Ségolène Royal. Dès dimanche soir, le député (réélu) de la Nièvre Gaëtan Gorce en a appelé au "changement et d'abord, au changement de direction". "La logique politique, écrit-il dans un communiqué, comme le simple bon sens, exige qu'après ce second échec en cinq ans, notre premier secrétaire se retire." De son côté, dans un livre à paraître intitulé Parti pris (Plon), M. Cambadélis dresse un constat sévère du bilan de M. Hollande, entravé, selon lui, par sa "volonté présidentielle".

Personne n'étant cependant en mesure de se prévaloir, à l'heure actuelle, d'une majorité, les consultations vont aller bon train d'ici au conseil national prévu samedi 23 juin. Les royalistes se sont donné rendez-vous en milieu de semaine, les fabiusiens déjeuneront ensemble mardi, et les strauss-kahniens ont fixé sur leur agenda la date de vendredi. Dès lundi, un groupe de jeunes fabiusiens et partisans de "DSK" a, par ailleurs, pris l'initiative de dîner ensemble dans un restaurant du 20e arrondissement de Paris pour, selon Laurent Baumel, "occuper le terrain de la rénovation générationnelle et ouvrir un dialogue politique sur les contradictions qui ont bloqué le PS pendant quatre ans". Un site Internet : gagner2012.net devrait être ouvert dans la foulée.
Isabelle Mandraud