Palimpsestes

François Hollande : "Je suis élu par les militants pour aller au terme de mon mandat. Toute autre formule serait du bricolage"
LE MONDE | 18.06.07

Les résultats étant meilleurs que ce qui était attendu au deuxième tour des législatives, quel message allez-vous adresser au parti ?

La correction, par rapport au premier tour, est impressionnante. Non seulement la vague bleue a été endiguée, mais le PS progresse en voix et en sièges par rapport à 2002. Mais ces résultats ne font pas d'une défaite, celle du 6 mai comme celle du 10 juin, une victoire. Ils en donnent l'interprétation : la gauche reste une référence pour une "presque" majorité des Français et le PS est, par rapport à l'UMP, la seule force autour de laquelle l'alternative est possible. En même temps, nous n'avons pas su convaincre les Français de choisir Ségolène Royal comme présidente et de nous donner une majorité à l'Assemblée. Nous avons été regardés davantage comme une protection contre la droite que comme une espérance pour le pays. Mais nous partons, grâce à ces 210 sièges, soit près de 30 % de plus qu'en 2002, avec un acquis qui nous permet de redresser et de renouveler la gauche.

Nous devons être une opposition utile, capable de critiquer mais aussi de proposer. C'est pourquoi nous aurons trois exigences : d'abord porter le juste diagnostic de la société et notamment sur l'individualisation des comportements, la nécessaire efficacité de nos systèmes de solidarité, et le respect des règles au sein de la nation; ensuite trouver les réponses qui permettent de conjuguer le défi de la compétition dans la mondialisation avec l'aspiration à la sécurité professionnelle ; et enfin, trouver la bonne stratégie politique permettant de fédérer en une seule force l'ensemble de la gauche et de régler une fois pour toutes la question du rapport avec les électeurs du centre.

Vous voulez créer une UMP de gauche ?

Oui, un grand parti qui irait de la gauche jusqu'au centre.

Dans cette refondation annoncée, vous voulez insister sur quoi ?

La place de l'individu dans la société et le défi du "vivre ensemble". Le PS doit s'adresser à chacun en inscrivant son projet personnel dans des valeurs communes. Depuis longtemps, les socialistes ont fait leur aggiornamento sur l'économie, c'est une plaisanterie de dire le contraire. Comme si nous n'avions pas reconnu depuis 1981 l'économie de marché et obtenu des résultats sur la désinflation, la croissance et l'emploi ! Mais cette fois, il faut agir dans un cadre d'économie mondiale, clarifier le rôle de l'Etat sans le priver de moyens, concilier souplesse pour les entreprises et stabilité pour les salariés, utiliser l'impôt sans en faire un frein à l'initiative...

Irez-vous jusqu'au terme de votre mandat de premier secrétaire prévu en 2008 ?

Je suis élu par les militants pour aller au terme de mon mandat. Seul un congrès peut défaire ce qu'un autre a fait. Toute autre formule serait du bricolage, même au nom d'un coup de jeune qui ne serait qu'un coup de vieux.

La nouvelle génération du PS de moins de 35 ans doit prendre sa place. Il ne s'agit pas d'empêcher quiconque de prendre le parti, mais d'engager le travail de réflexion sur les causes de l'échec et les enjeux pour la décennie qui vient. Je ne laisserai pas personnaliser un débat alors que nous avons besoin de tous. Si nous voulons travailler collectivement et efficacement, il faut que les questions de personnes soient mises de côté, le temps que durera la refondation jusqu'au congrès de 2008, après les municipales. Si on veut faire l'inverse, on ne réglera bien ni la question des personnes ni celle de fond.

Quelles étapes allez-vous proposer pour cette refondation ?

Je proposerai un calendrier jusqu'en 2012, après m'être assuré qu'il correspond à l'intérêt général. Le conseil national du 23 juin aura à se prononcer dessus et, le cas échéant, les militants.

Mais d'ici là, il nous faut être tout de suite utiles à nos concitoyens puisque des lois vont nous être présentées et que nous devrons faire apparaître des contre-propositions. Ensuite, l'université d'été, des conventions thématiques ou des états généraux précéderont des assises de la gauche qui nous permettront de préparer les municipales.

Ségolène Royal a annoncé votre séparation, rendue publique au soir de ce deuxième tour des élections législatives. Etait-ce aussi votre décision ?

Ségolène Royal a livré ces propos dans un livre. Je confirme cette séparation et, voulant distinguer vie politique et vie privée, je ne ferai aucune autre déclaration.


Propos recueillis par Isabelle Mandraud