Palimpsestes

Marine Le Pen s'estime justifiée dans "sa stratégie de dédiabolisation"
LE MONDE | 18.06.07

Pour les militants et les sympathisants frontistes, le score obtenu par leur candidate - 41,06 %, contre 24,47 % le 10 juin et 32,08 % au second tour de 2002 - représente une victoire.

HÉNIN-BEAUMONT (Pas-de-Calais) ENVOYÉE SPÉCIALE - Il y a des défaites au goût de victoires et des victoires vécues comme des défaites. Le député socialiste sortant, Albert Facon, qui, dimanche 17 juin, a sauvé son siège que lui disputait Marine Le Pen, vice-présidente du Front national, dans la 14e circonscription du Pas-de-Calais, n'a fêté sa victoire que du bout des lèvres.

Bénéficiaire d'un front républicain, il espérait obtenir au moins autant de voix qu'au second tour de 2002, soit 67,92 %, or il n'en a recueilli que 58,94 %. Rendant la presse responsable de son recul de 9 points, il a refusé, dimanche soir, de répondre aux journalistes qui ne sont pas venus le voir avant de se rendre au siège du FN. Un siège où là, en revanche, les bouchons de champagne ont sauté à la publication des résultats, tandis qu'à l'extérieur, plusieurs dizaines d'opposants manifestaient.

Pour les militants et les sympathisants frontistes, le score obtenu par leur candidate - 41,06 % contre 24,47 % le 10 juin et 32,08 % au second tour de 2002 - représente une victoire. C'est au cri de "Marine présidente" qu'ils l'ont accueillie. Façon de lui dire qu'ils la verraient bien reprendre le flambeau de son père le jour venu. Un sentiment partagé par ses soeurs Yann et Marie-Caroline, venues la soutenir.

"La reconquête nationale part ce soir d'Hénin-Beaumont, de ces terres populaires, un symbole", s'est exclamée Mme Le Pen, qui a souhaité une "reconstruction" de son parti, toujours handicapé par "la scission de décembre 1998", afin qu'il puisse "accueillir l'ensemble des déçus de la droite sarkoziste et de la gauche". "Le score que nous avons fait ce soir est exceptionnel. C'est un immense message d'espoir pour l'avenir, a-t-elle lancé, c'est quasiment un tremblement de terre." "Nous représentons une force de rassemblement du peuple contre les appareils, contre les partis traditionnels qui va bien au-delà de notre famille", a-t-elle affirmé en pointant des résultats : ceux de Courcelles, une commune socialiste où se trouvait Métaleurop (49 %, 32,24 % au 1er tour) ; de Noyelles-Godault, où le maire Jean Urbaniak (MoDem) avait appelé à voter Facon (47,85 %, 16,61 % au 1er tour) ou de Hénin-Beaumont (44,54 %, 29,23 % il y a une semaine), où Steeve Briois, son suppléant, briguera la mairie en 2008.

"SOUSCRIPTION NATIONALE"

Unique représentante frontiste à s'être qualifiée pour le second tour des législatives, elle présente son score comme une deuxième victoire. Elle y voit la démonstration "de la justesse de la stratégie de dédiabolisation" qu'elle défend et attend de pied ferme ceux qui, au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, avaient condamné cette stratégie. De même se sent-elle renforcée face à ceux qui contestaient sa légitimité à prétendre à la succession de son père en lui reprochant de ne pas avoir fait ses preuves.

Invité en duplex par les télévisions, Jean-Marie Le Pen a "salué le résultat exceptionnel" de sa benjamine. Résultat qu'il a qualifié de "très prometteur pour l'avenir, aussi bien sur le plan local que sur le plan national". Il a aussi lancé une "souscription nationale" pour aider les 300 candidats du FN qui n'ont pas passé la barre des 5 % et ne pourront pas se faire rembourser leurs frais de campagne.
Christiane Chombeau