Palimpsestes

L'UMP aurait obtenu la majorité quel que soit le mode de scrutin
LE MONDE | 18.06.07

Si le mode de scrutin est un paramètre non négligeable dans le résultat d'une élection, la liberté de choix des électeurs reste l'élément décisif. Les Français viennent d'en administrer la preuve en atténuant fortement, dimanche 17 juin, l'effet amplificateur du scrutin majoritaire tel qu'il se dessinait au vu des résultats du premier tour des élections législatives.

Si la vague bleue n'est pas la déferlante attendue, et si l'opposition a finalement obtenu des effectifs décents au Palais-Bourbon, le résultat de ces élections ne mettra pas un terme, il s'en faut, au débat sur le mode de scrutin. Fervent partisan de la proportionnelle, François Bayrou - qui n'a pu faire élire que quatre députés sous l'étiquette du MoDem - a affirmé, dimanche soir, que son parti "gagnera d'autant mieux quand les scrutins seront plus justes" ; allusion aux élections municipales, qui introduisent une dose de proportionnelle dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Pour contribuer à éclairer ce débat sur le mode de scrutin, Le Monde a réalisé plusieurs simulations, en transposant les résultats du premier tour des législatives à différents modes de scrutin : la proportionnelle départementale, appliquée en France en 1986 ; l'instauration de deux doses de proportionnelle nationale, sans ajout de sièges : l'une appliquée à 15 % des 577 sièges, l'autre à 50 % d'entre eux ; les modes de scrutin allemand (proportionnelle nationale pour les partis obtenant plus de 5 % des voix) et anglais (majoritaire à un tour).

Le principal biais de ces simulations est que l'offre et la demande électorales s'adaptent au mode de scrutin en vigueur. On peut notamment imaginer que, si la proportionnelle était de nouveau instaurée en France, l'argument du "vote utile" perdrait de son efficacité : les "petites" listes obtiendraient sans doute davantage de suffrages que n'en ont effectivement gagnés les "petits" candidats le 10 juin.

Cela étant, plusieurs constats s'imposent, qui vont souvent à l'encontre de certaines idées reçues : primo, la proportionnelle ne conduit pas forcément à l'instabilité, l'UMP conservant largement la majorité absolue des sièges dans tous les cas de figure. Secundo, les formations qui réclament à cor et à cri l'instauration de la proportionnelle ne trouveraient pas leur salut dans le seul changement du mode de scrutin. Sur la base des résultats du premier tour, le MoDem ne disposerait que de 32 sièges si la règle du jeu était celle préconisée par M. Bayrou (50 % de proportionnelle). C'est le mode de scrutin proportionnel allemand qui serait le plus favorable au MoDem, en lui attribuant 61 sièges.

Enfin - l'élection de dimanche en est l'illustration -, le scrutin à deux tours permet aux électeurs de moduler leur premier choix en se mobilisant plus ou moins en fonction du résultat du premier tour.

Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, Dominique Reynié a lui-même fait des simulations de ce genre, à partir des résultats enregistrés aux législatives de 1988, 1993, 1997 et 2002. Se situant "plutôt dans le camp des partisans du scrutin majoritaire", M. Reynié juge que la proportionnelle est adaptée "aux sociétés pacifiées et bien régulées". "Elle ferait réellement courir certains risques dans un pays comme la France, qui peut connaître des moments de fièvre", prévient-il, en évoquant le spectre d'"Assemblées ingouvernables". On en est loin aujourd'hui.


Jean-Baptiste de Montvalon et Vincent Truffy Article paru dans l'édition du 19.06.07