Palimpsestes

"Perdant" du scrutin, le MoDem de M. Bayrou a constitué un appui décisif pour la gauche
LE MONDE | 18.06.07

François Bayrou a le sourire, il triomphe... dans sa circonscription des Pyrénées-Atlantiques. Avec 61,21 % des voix au second tour, il améliore de près de 6 points son score de 2002. Dans le même temps, son ami Jean Lassalle obtient, lui aussi, une nette victoire dans la circonscription voisine, la seule ayant donné lieu à une triangulaire.

A ces deux élus du MoDem s'en ajoutent deux autres, plus inattendus. Thierry Benoit a créé la surprise en Ille-et-Vilaine en battant au second tour l'ancienne secrétaire d'Etat (UMP) Marie-Thérèse Boisseau. Enfin, c'est à Mayotte que le MoDem est allé décrocher un nouveau député qui n'avait même pas sollicité son investiture avant le premier tour. Abdoulatifou Aly, enregistré comme candidat des "Forces de l'alternance" (divers droite), a demandé à rejoindre le MoDem entre les deux tours. Avec 56,29 % des voix, il écarte le député (UMP) sortant Mansour Kamardine.

Dans sa déclaration, M. Bayrou n'a pas évoqué la réélection de Jean-Christophe Lagarde. Le député sortant de Seine-Saint-Denis, investi par le MoDem, l'emporte avec 59,87 % des suffrages. Mais, se disant prêt à travailler avec la majorité présidentielle, qui le courtise activement, il a d'ores et déjà annoncé son intention de ne pas siéger avec le MoDem.

Au final, le mouvement de M. Bayrou, arrivé en troisième position au premier tour de la présidentielle avec 18,57 % des voix, ne comptera donc que quatre élus dans la prochaine législature. Insuffisant pour former un groupe, bien peu pour "représenter à l'Assemblée nationale tous ceux qui en sont injustement écartés", comme s'y est engagé M. Bayrou. Corinne Lepage a jugé le résultat "modeste" : "Le MoDem est le perdant de ce soir", a estimé la fondatrice de Cap 21, partie prenante de la création du Mouvement démocrate. De son côté, Jean-Marie Cavada, qui a échoué dans le Val-de-Marne, a admis que le MoDem "n'est pas dans une situation confortable".

Pourtant, le résultat de ce second tour apparaît à M. Bayrou comme une première brèche dans la domination annoncée comme écrasante des partisans de Nicolas Sarkozy. "Les Français ne voulaient pas donner de chèque en blanc, ils ont donné un timbre-amende au gouvernement", a estimé le député des Pyrénées-Atlantiques. Il persiste à plaider pour "un nouveau chemin politique". "Ce chemin politique que nous avons tracé, il existe, et les Français sont prêts à le choisir pourvu que le mode de scrutin leur en laisse le choix", a-t-il commenté dans la soirée.

Faute d'avoir pu concrétiser aux législatives le résultat obtenu à la présidentielle, M. Bayrou et le MoDem n'en ont pas moins exercé un rôle important dans le renversement de tendance entre le 10 et le 17 juin. Se gardant, à quelques exceptions près, de donner toute consigne de vote entre les deux tours, les candidats du MoDem s'étaient toutefois prononcés pour la défense du "pluralisme". Le transfert des voix des électeurs du MoDem semble avoir constitué un appui décisif pour permettre à la gauche de conserver ses sièges, notamment dans les grandes métropoles comme Paris et Lyon, ou d'en conquérir de nouveaux comme à Bordeaux, avec la victoire de la candidate PS face à Alain Juppé. Si M. Bayrou n'a pas répondu au message laissé sur son portable par Ségolène Royal, ses électeurs, eux, ont majoritairement choisi d'appuyer sur la touche "rappel".
Patrick Roger