Chronique du quinquennat

Petite analyse des discours de Toulon et de Toulouse
(entre deux tours de la présidentielle)

1) lieux communs avec FN
2) Deux remparts
3) Premier ennemi : l'immigré
4) Second ennemi : la gauche
5)La république sarkozyste
6) La Nation
7) La frontière

rappel Introduction 2 remparts Quatre ennemis solutions
Maurras lieux communs entre droite et extrême droite La France l'immigré la République nouvelle
anti-lumière   La République l'anti-France La Nation
antisémitisme     la gauche La frontière
nationalisme intégral     les corps intermédiaires  
vidéos

Debray

Toulon

Toulouse

affiches

Héritage

clip

refus de l'ailleurs

La France

Le peuple de France

 

la gauche

hontes

contre le socialisme

frontières

sincérité

la Nation

Ce qu'est la République

Ce qu'elle n'est pas

 


D'où deux attitudes différentes selon que l'on s'adresse au proche ou à l'autre. D'où deux ennemis ...

Premier ennemi : du métèque à l'Islam radical

L'autre, c'est celui que Maurras appelait le métèque - celui qui est gênant précisément parce qu'il est ici et non pas chez lui ; celui à l'endroit de qui il faut dresser comme un cordon sanitaire parce qu'il est d'ailleurs et risque de contaminer. L'autre, qui n'est admissible qu'à condition d'avoir fait patte blanche, de s'être intégré, assimilé c'est à dire à condition de n'être plus autre, mais même. Celui-là qui n'a pas de terre, ou l'a quittée, est dangereux par ceci même qu'il ne peut que rechercher à recréer ici ce qu'il a quitté là-bas. Ce n'est pas qu'il soit un sous homme, on n'est plus dans le racisme ordinaire du XIXe, mais il est homme d'ailleurs, d'une autre culture, d'un autre mode de vie et pour cela même, indésirable. Cette République est peut-être universelle mais sûrement pas universalisante. On a évidemment changé de registre en un siècle : on ne se trouve plus dans une perspective racialiste - au pire - ou aimablement ethnocentriste - pour le moins pire - et tous les clivages seront retraduits en terme de culture, de morale ou de valeurs. Mais le schéma demeure tristement identique qui appartient strictement au processus victimaire.

Comment ne pas penser à ce que disait Serres qui relevait combien désormais nos difficultés n'étaient point tant de résoudre nos relations à l'autre qu'avec le même, le proche dans un monde ouvert où tous sont proches. Combien résolument nous avons effectivement difficulté à former groupe, à soigner nos relations avec celui qui s'approche ?

L'antisémitisme de Maurras avait un sens bien précis : ce que Maurras hait dans le juif c'est certes d'avoir devant lui un être sans terre, un être hors sol, prompt à toutes les traîtrises, mais quand on y regarde bien c'est surtout d'avoir affaire à un homme qui ne se dissout pas. Un juif converti, disait-on autrefois dans ces milieux-là, cela fait peut-être un chrétien de plus ; cela ne fait sûrement pas un juif de moins ! qui ne se soumet pas non plus. Représente ainsi ce qui résiste à tout pouvoir tout absolu fût-il. Sans doute le maurrassisme fut il plus sensible au premier point, et le fascisme surtout dans sa version nazie au second ; néanmoins dans les deux cas c'est bien le maintien de la différence, l'affirmation d'une identité qui semble faire problème.

D'où le procès intenté à la gauche d'être laxiste et d'ouvrir grandes les portes du communautarisme au nom d'une tolérance bon enfant et naïve ; d'avoir en réalité trahi les fondamentaux de la République - et en particulier la laïcité. Souvenons-nous, par exemple, de cet extrait déjà mentionné, où Rioufol évoque ce qui est, selon lui, la vraie question, la question inabordable : 1

la difficulté à se retrouver sur une cohésion nationale, sur une cohésion sociale dit-il, sur un vivre ensemble et reproche à son interlocuteur -

Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash

ici Mélenchon - de ne pas vouloir s'interroger sur la fracture identitaire, sur le communautarisme, sur les atteintes à la laïcité

la question inabordable c'est celle de savoir comment nous allons pouvoir vivre ensemble comment faire une France aujourd'hui dans une démocratie ouverte, est ce que la France doit continuer à imposer ses règles sur sa manière de vivre son mode de société ou doit-elle faire des compromis

Il faudra attendre un peu plus loin pour lui faire présenter la société française comme menacée par une tentative de subversion du domaine public par une idéologie issue d'une religion - l'islam radical - portée par une immigration de peuplement .

Les mots ont un sens : immigration de peuplement est un assez joli euphémisme pour dire invasion ! qui permet, avec la circulaire Guéant et le concept d'immigration choisie de comprendre l'arrière-pensée de la démarche : l'étranger est une menace presque toujours ; il n'est désirable qu'en tout petit nombre et à condition que sa présence soit utile à la communauté nationale - étudiants, métiers où il y a déficit en France etc.

Petits glissements sémantiques

Maurras est d'un temps où l'on peut nommer l'ennemi : pour lui ce sont ces fameux quatre États confédérés : le juif ; le protestant ; le maçon et le métèque. Il est d'un temps où le racisme pouvait se dire explicitement. On le sait l'Affaire Dreyfus fera définitivement passer l'antisémitisme à droite ; on le devine depuis 45, le racisme, a fortiori quand il est d'Etat comme le voulait Maurras, n'est plus véritablement avouable.

Alors désormais, on procède par glissements successifs : ce n'est plus le juif ou l'arabe qui sera pointé du doigt mais l'immigré ; ce n'est plus la race qui est pointée comme un danger mais la culture ou la civilisation. Ce semble assurément plus élégant, moins vulgaire ou haineux mais en réalité cela revient strictement au même.

Mélenchon n'a pas tort quand il évoque un artéfact: le terme est amusant ; il désigne finalement le processus classique de victimisation que l'on connaît bien. De la même manière que le nazisme à partir des années 30 en Allemagne, et la droite maurrassienne dès l'Affaire Dreyfus mais de manière très virulente à partir des années trente auront réussi à persuader qu'il y avait un problème avec les juifs, de la même manière désormais on canalise l'angoisse, et on détourne la violence vers l'immigré.

On va, par exemple fustiger - à propos des inégalités homme/femme- des idées qui sont d'un autre temps et d'ailleurs. On va, comme ce fut le cas avec Guéant (2) , réentamer le débat sur une hiérarchie des civilisations. Mais ce glissement, de la race à la civilisation

Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash

n'est qu'un cache-sexe - même pas habile - pour oreilles encore sourdes. Et procède de la même manière : il s'agit de canaliser l'angoisse devant la crise et les difficultés en lui donnant un objet - seule condition on le sait pour que l'angoisse cesse d'être paralysante et devienne source possible d'action ou de réaction. Cet objet que l'on se donne c'est l'immigré.

Sauf à considérer, et cela est sensible à droite comme à l'extrême-droite, ce qu'attestent assez bien les affiches électorales du FN depuis 30 ans, qu'on sera passé, insensiblement, d'une menace économique (immigré = chômeur) à une menace culturelle et nationale. Progressivement, au FN, à côté de l'argument économique, pointe l'argument national. Mais cet argument national est lui-même systématiquement associé à la menace culturelle que représenterait sinon l'islam en général en tout cas l'islamisme.
(Je cherche encore la différence pouvant exister entre la posture d'un Rioufol et celle du FN ... je ne trouve pas).
Ce que simplement on va trouver au FN et pas systématiquement dans cette droite réactionnaire qu'il se targue de représenter c'est l'anti-mondialisation et donc aussi un argumentaire anti-européen pour autant que Bruxelles,l'euro seraient les fauteurs de cette mondialisation D'où le thème de la frontière.

On sait la polémique suscitée par le clip de campagne 3 du second tour et surtout par cette image représentant le panneau des douanes avec la mention en langue arabe. S'il y a une différence entre le discours sarkozyste et le discours FN sur ce point c'est que le premier voit dans l'Europe, à condition qu'elle s'en donne les moyens, la capacité de se défendre contre l'invasion, alors que le FN voit dans l'Europe le problème lui-même dans la mesure où elle serait l'outil de cette mondialisation permettant l'invasion.

Le triptyque est donc effectivement bien en place : d'un côté le problème - les immigrés - de l'autre les conséquences - à la fois le chômage et la perte de l'unité de la société, pour ne pas dire de la civilisation - et enfin le remède - la Nation.

Ce glissement, insensible, de l'argument économique à l'argument national - d'un argument qui est discutable économiquement mais qui n'est pas sulfureux en lui-même - à un argument idéologique qui est plus que surinvesti par l'histoire politique, non seulement de la France mais de toute l'Europe, ne saurait être anodin.

C'est ce glissement qui est maurrassien.

Sarkozy a réinventé le quadrilatère : le danger c'est l'étranger qu'il se présente comme flux migratoire ou comme instillation culturelle ; c'est l'immigré, présent sur le territoire - le métèque - qui constitue une immigration de peuplement et qui remet en question l'espace public, et donc à la fois les valeurs culturelles et la République ; c'est encore la gauche qui trahit (voir ci-dessous) ; c'est évidemment, même si légèrement déplacé, le protestantisme retraduit en libéralisme outrancier ...

On va retrouver ce même glissement du côté du remède c'est-à-dire de la Nation. Bien entendu il n'est pas question de refonder une quelconque monarchie mais, de la même manière que Maurras voyait la solution dans un antisémitisme d'Etat, de la même manière, Sarkozy voit dans une réorganisation de l'Etat, mais aussi de l'Europe, la solution à ces flux migratoires perçus comme délétères.

Du côté de l'Europe, c'est revenir sur les accords de Schengen ou, en tout cas, renforcer les frontières extérieures de l'Europe pour éviter qu'elle ne soit cette passoire que l'on dénonce. Mais du côté de la France, prête à se substituer à l'Europe si celle-ci devait être déficiente, c'est une tout autre affaire. C'est bien un combat sur les valeurs qu'il s'agit de mener et, en première ligne, celle du travail, dont, reprise de l'argumentaire de 2007, on va déplorer la dévalorisation, en même temps que celle du mérite.

C'est, assez habilement, à la fois la République et la Nation, qui sont chargées de cette reprise en main idéologique. Assez habilement parce que, ce faisant, tous ceux qui ne rejoindraient pas ce grand combat idéologique pourront être immédiatement taxés d'anti-France. (voir vidéo)

 

Second ennemi : de l'Anti-France à la gauche

 


1) relire et réécouter :

Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash

2) relire

revoir Mélenchon sur l'extrême-droitisation

3) c'est sur cette image que Sarkozy affirme :

La vérité, c'est que l'Europe ne peut plus continuer à être une Europe passoire, Que l'Europe doit vous protéger, Que l'Europe doit vous défendre

ce qui implicitement signifie qu'il faut se défendre contre une invasion arabe ?

voir affiches électorales

4) voir R Rémond

5)Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Paris, Éditions de Fallois/Fayard, 1994.