Chronique du quinquennat

Petite analyse des discours de Toulon et de Toulouse
(entre deux tours de la présidentielle)

1) lieux communs avec FN
2) Deux remparts
3) Premier ennemi : l'immigré
4) Second ennemi : la gauche
5)La république sarkozyste
6) La Nation
7) La frontière

rappel Introduction 2 remparts Quatre ennemis solutions
Maurras lieux communs entre droite et extrême droite La France l'immigré la République nouvelle
anti-lumière   La République l'anti-France La Nation
antisémitisme     la gauche La frontière
nationalisme intégral     les corps intermédiaires  
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la Nation

Ce qu'est la République

Ce qu'elle n'est pas

 


Prenons garde néanmoins à ne pas confondre : entre les textes de Maurras, qui se veulent théoriques et sont souvent journalistiques, d'une part, et les textes de discours de campagne, écrits par Guaino, il y a une évidente différence de nature, de portée et de contenu. Ce pourquoi ce ne peut être une analyse comparative, tout au plus peut-on esquisser ici une analyse de discours permettant de relever les items choisis et la relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres. Sarkozy n'est pas un intellectuel mais un pragmatique prompt à faire flèche de tout bois - on le sait et il le dit lui-même.

On peut néanmoins tirer des discours quelques enseignements sur cette droite qui se cherche depuis qu'elle a enterré le gaullisme et avait cru se trouver dans le libéralisme qui lui était plutôt étranger dans les années 60.

Tirer quelques enseignements du tricotage idéologique qui inscrit politique d'immigration, politique sécuritaire et politique fiscale dans un long développement sur la République.

La France

Elle aura été dans les dernières manifestations, et, en particulier, celles du 1 Mai, l'objet à la fois de l'évidence et de la diatribe. Le florilège de drapeaux tricolores dans les meetings - par opposition avec les drapeaux rouges des manifestations syndicales, aura été l'occasion d'instiller l'idée qu'ici on était patriote et résolument français quand là on ne cherchait que la lutte ou la division.

La France est d'ailleurs derechef le slogan que l'UMP défaite aux présidentielles se donne pour partir à l'assaut des législatives. Choisissons la France comme si voter pour l'autre camp eût été ne pas choisir la France, ou une autre France, ou l'anti-France.

On ne joue plus ici sur les mêmes cordes patriotiques ou nationalistes qu'au début du XXe : le guerrier a cédé sa place à l'homme de lettres, au moraliste, aux valeurs ... mais c'est la même tendance ici observée - que l'on retrouvera d'ailleurs avec le thème de la frontière - de faire de la France non pas ce qui rassemble mais ce qui distingue ; non pas ce qui unit mais ce qui divise.

Sarkozy, à Toulon, fait l'éloge - exercice convenu - de la région pour en venir immédiatement à la France, au génie français. Et ce n'est certainement pas un hasard.

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Derrière ce mot : il y a effort, travail, autorité, mérite qu'il érige en synonymes de la Nation. Parler de génie français n'est pas si différent de la race qu'évoquèrent tour à tour Barrès ou Maurras. Car c'est suggérer que celui qui participe de cette entité possède en partage, comme spontanément, comme naturellement, ces valeurs. Ce qui signifie aussi que celui qui ne les partage pas dit en même temps qu'il ne participe pas de cette réalité plus haute que lui, qu'est la France. C'est d'ailleurs très exactement ce qu'il indique dans le discours du Trocadéro du 1 mai où il oppose le drapeau tricolore au drapeau rouge des partis ;

 

 

 

La République

Dans la seconde partie du discours de Toulon par une de ces anaphores qui sont le tic de langage de Guaino, Sarkozy évoque la République. Remarquable d'emblée qu'il l'évoque de deux manières successives : négative d'abord, ce que la République n'est

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pas en la détaillant à la fois par la liberté, l'égalité puis la fraternité ; positive ensuite en lui conférant un contenu éthique. Mais il mettra plus de trois minutes pour la dimension négative ; une quarantaine de secondes seulement pour offrir une perspective ouverte à la République. Ce qui illustre le propos polémique, le discours de combat, évidemment.

Mais à y regarder de plus près, on observe :

- la liberté n'est pas associée à la souveraineté politique du peuple ou même seulement au libre exercice de la volonté individuelle, n'est pas présentée comme un droit naturel mais au contraire comme le droit de profiter des fruits de son labeur et de le transmettre. Ce qui n'est pas du tout la même chose. Droit fondamental, certes, mais droit social plus que droit politique.

- liberté comme égalité sont toujours ramenés à l'autre non pas au sens où il importerait que nos droits n'empiètent pas sur ceux des autres mais au contraire que les droits des autres ne contre viennent pas aux miens. Sous l'aune d'une justice étonnamment entendue, il s'agit toujours d'entendre l'autre soit comme une menace soit comme celui qui bénéficierait de droits exorbitants qui seraient atteinte aux nôtres. Que le chômeur par exemple ne gagne pas plus que celui qui travaille en est le meilleur exemple.

- la liberté est ramenée au mode de vie et implicitement à la question de la civilisation et, ici encore, comme quelque chose de toujours menacé de l'extérieur, par des idéologie, une façon de vivre d'un autre temps ou d'ailleurs. D'où la nécessité de se protéger derrière des frontières. La liberté n'est pas quelque chose que l'on conquiert, ou, éventuellement, que l'on propose comme modèle aux autres. C'est, au contraire quelque chose que l'on défend contre les empiétements extérieurs. Elle est donc explicitement présentée comme une valeur négative et pas du tout positive.

- enfin, la fraternité est présentée, ici encore comme l'antithèse du laxisme et de la fraude. L'autre n'est pas celui que l'on appelle, que l'on espère ou que l'on accueille mais bien celui contre qui il faut se défendre, ou, au moins se protéger, parce qu'il triche, ne joue pas le jeu ...

C'est cela d'abord qui ressort de cette approche : à l'instar de la pensée maurrassienne qui tourne autour de la décadence et considère toujours que quelque chose de la grandeur de la Nation a été irrémédiablement perdu, le discours de droite de cette campagne, sans pour autant avaliser le thème de la décadence, appel électoral à l'espérance oblige, joue constamment sur la menace extérieure. Pas sur une menace politique, diplomatique ou militaire mais bien sur une menace culturelle, de civilisation. La grande différence est évidemment que Maurras en appelait aux fondamentaux monarchiques de l'histoire quand Sarkozy en appelle aux fondements républicains. Autre temps, autres moeurs ! mais finalement ceci ne revient-il pas au même ?

La République est ramenée à quelque chose comme un code génétique français que chacun recevrait, à la naissance, et qui ne peut se réaliser que via la transmission, des biens ou de la morale, ce pourquoi il y a ici, comme à l'époque d'ailleurs, tant de diatribes jetées à l'égard de l'école. Dans les deux cas, c'est bien dans le passé, non pour le prolonger, mais pour le restaurer que l'on va chercher les réponses. A ce titre, déjà, il s'agit d'une démarche réactionnaire. La France est bien entendue encensée pour son modèle, son universalité, son histoire mais non pas pour ce qu'elle peut devenir de modèle pour les autres nations mais pour l'unité qui la constitue et qui peut lui permettre de résister. Il y a quelque chose ici comme la hantise devant l'invasion barbare qui joue sur les frilosités et les peurs diverses.

Plus grave, finalement, le rapport à l'autre que tout ceci suggère - et qui n'est pas si éloigné que cela de la préférence jadis proclamée par Le Pen. L'autre n'est pas ce qui me constitue et hominise ; l'autre n'est pas ce qui fait de moi une conscience ou un visage ; non ! l'autre est une menace voire un ennemi sitôt qu'il est autre, c'est-à-dire différent de moi.

D'où deux attitudes différentes selon que l'on s'adresse au proche ou à l'autre. D'où deux ennemis ...

Les deux ennemis