Chronique du quinquennat

Petite analyse des discours de Toulon et de Toulouse
(entre deux tours de la présidentielle)

1) lieux communs avec FN
2) Deux remparts
3) Premier ennemi : l'immigré
4) Second ennemi : la gauche
5)La république sarkozyste
6) La Nation
7) La frontière

rappel Introduction 2 remparts Quatre ennemis solutions
Maurras lieux communs entre droite et extrême droite La France l'immigré la République nouvelle
anti-lumière   La République l'anti-France La Nation
antisémitisme     la gauche La frontière
nationalisme intégral     les corps intermédiaires  
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Ce qu'est la République

Ce qu'elle n'est pas


 

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Qu'attend-il de la république ?

En 51 secondes, il dit beaucoup, dans des termes acceptables par tous, notamment que

la République c'est la promesse et la capacité pour chacun de s'extraire de son milieu, de sa communauté, c'est le contraire de l'entre-soi

quitte à reprendre une formule de Jaurès en disant qu'elle est le bien de ceux qui n'ont rien.

Mais, et ce n'est pas rien, il y a aussi une charge contre ces corps intermédiaires qu'il n'aura cessé de pourfendre tout au long de la campagne. On se trouve ici dans la dénonciation classique de l'intermédiaire, du parasite qui vient bloquer le système en interrompant la relation. Ou quand l'ange se fait diable. Ces corps intermédiaires, la campagne nous a aidé à le comprendre, ce sont d'abord les syndicats, mais aussi les lourdeurs administratives, ais aussi tous ces intérêts particuliers qui empêchent le peuple de communiquer correctement avec le pouvoir. La République dit-il au fond ce n'est pas

les corps intermédiaires qui confisquent le pouvoir du peuple

c'est au contraire ce dialogue direct entre le peuple et l'exécutif qui gouverne et le parlement qui légifère. On sait l'appel qu'il fit au référendum pour contourner ce blocage et c'est, évidemment, toute la question de la différence entre référendum et plébiscite qui se pose ici.

C'est surtout celle du césarisme. 4

Même si, historiquement, le césarisme s'incarne dans la dynastie bonapartiste et que le courant légitimiste est différent de la droite césarienne, on trouvera néanmoins plus d'un point commun entre la perspective ici dessinée et le projet maurrassien. Il s'agit bien d'une relation directe entre le chef et le peuple, sauf à considérer que si pour Sarkozy cette relation est assise sur l'élection et, pour les décisions importantes, le référendum, elle est au contraire fondée sur l'histoire et le sacre du monarque pour ce dernier. En réalité dans les deux cas on a :

- un pouvoir en haut qui doit s'exercer dans toute la plénitude de son essence

- un peuple en bas qui doit pouvoir librement s'organiser et s'exprimer par une parole directe.

De ce point de vue, l'hyperprésidentialisation du régime sous le mandat Sarkozy ne saurait être pris tout à fait à la légère non plus que comme une accident constitutionnel due à un facteur psychologique individuel. Elle est, au contraire, parfaitement logique. On sait les sources monarchistes du gaullisme ; il se dit même parfois que de Gaulle ne se rallia à la république que parce qu'il savait les français y être attachés

Je n'aime pas la république pour la république. Mais comme les Français y sont attachés, j'ai toujours pensé qu'il n'y avait pas d'autre choix.
De Gaulle cité par Peyrefitte 5

On sait bien qu'il y a quelque chose, des rituels de passation de pouvoir à l'exercice gaullien du pouvoir, qu'il y a effectivement un fond monarchique dans la Ve République. Mais justement, c'est un fond, quelque chose comme un arrière-goût, comme une ultime rémanence de l'histoire, mais qui ne couvre pourtant pas la réalité républicaine du régime. Même si l'exécutif y est sans doute excessivement enflé,même si pour reprendre l'avis de Mendès France on a sans doute excessivement déplacé le curseur du côté de l'exécutif quand la IVe avait hypertrophié le législatif, il n'empêche que, de manière ambiguë ou souple, selon les avis, ce régime demeure un régime parlementaire où les pouvoirs sont distincts, à défaut d'être toujours soigneusement séparés ; où le monarque n'est pas seul mais entouré et soumis au double contre-pouvoir du parlement et de la presse. Or ce qu'aura installé le dernier quinquennat ç'aura été, de manière à la fois tapageuse et insidieuse, le monopole de la présidence au point de réduire toutes les autres instances en simples organes subalternes d'exécution. Privé de tout relais, le président, seul, finit bien par ne plus trouver dans les médias l'outil suffisant d'autant que ces derniers peuvent subitement tourner casaque. D'où l'appel au référendum.

C'est, de toute façon, un travers à tous les pouvoirs que de considérer, à la première difficulté, que soit il aura été mal compris, soit mal relayé, soit enfin, signe officiel d'humilité, qu'il se serait mal expliqué. S'en prendre aux médias est la loi du genre.

Mais ici on va plus loin ; bien plus loin. On s'en prend à tous les corps intermédiaires : administration, syndicats, justice ...

En parallèle, la décentralisation qu'avait déjà voulue Maurras : oui, décidément, ce qu'il y a de furieusement maurrassien c'est bien cette idée d'une organisation où le dialogue se ferait entre le monarque et le peuple sans intermédiaire ; où la nation serait simplement décomposée entre peuple et monarque, entre incarnation et corps social. Tout n'est ici qu'affaire de corps et ce ne saurait être un hasard.

On pourrait reprendre le Léviathan de Hobbes ... on ne trouverait rien de différent. Rien n'obsédait plus Hobbes que le risque dans le contrat social que le peuple se coupe du monarque et finisse par s'y opposer. Ce pourquoi il considérait que dans e contrat le peuple se donnait tout entier. Comme on ne peut pas s'opposer à soi-même, la question était réglée ab ovo. C'est bien toute la différence avec l'approche de Rousseau qui considère que dans le contrat l'homme ne renonce pas à lui-même mais seulement à son droit de vengeance et de poursuite et s'engage à se prononcer en raison de l'intérêt général seulement, une fois admis qu'il ne peut y avoir de franche contradiction entre intérêt général et particulier. Ce contrat consacre et crée le citoyen, n'annule pas l'individu.

Cette différence, essentielle, c'est bien celle qui distingue radicalement, définitivement la gauche et, plus généralement l'esprit républicain, de la droite extrême : dans le premier cas l'individu demeure le socle de la vie politique et sociale ; dans le second il est dissous dans ce grand corps qu'est le Léviathan. Avec Hobbes, comme avec Maurras, le peuple, pris collectivement, s'incarne dans le monarque au même titre que le monarque incarne le peuple. Nulle différence entre les deux et celles qui pourraient survenir ne sauraient être que les troubles et divisions instillés par les fauteurs de troubles.

On n'est pas dans le registre de la représentation mais bien dans celui de l'incarnation. On n'est pas dans une approche mécanique du pouvoir où il s'agit d'ajuster surtout prérogatives, relations et expressions. Non ! on se trouve dans une ontologie du pouvoir.

La relation n'est pas médiate, passant par des intermédiaires, des discours, la raison et des argumentaires mais, au contraire, comme dans la révélation divine, la relation est immédiate, qui relève de l'intuition, de la foi. Le monarque est celui qui se révèle et révèle : il ne parle pas au nom de il parle à ou, plus exactement, il dévoile chemin vérité et vie.

Si la pensée nationaliste a quelque chose de résolument chrétien c'est bien dans cette représentation de la Nation sous l'aune de l'incarnation.

On l'a retrouve ici à peine modifiée. A ce titre, il n'est pas étonnant que Sarkozy retrouve le chemin de de Gaulle mais n'est pas de Gaulle qui veut.

Ce dernier plongeait sa légitimité dans l'histoire, la trempait dans l'épopée de la France libre et se concevait assurément comme celui qui reliait l'histoire et l'avenir, entre la France et son peuple. Mais, on le sait, une bonne constitution est faite pour des temps ordinaires et des hommes ordinaires .... De Gaulle, certes, n'hésitait pas à jouer du chantage avec ses referenda ; pour autant ils étaient d'abord sur les questions fondatrices, l'occasion de retremper sa légitimité dans le lit de la souveraineté populaire - constitution ; question algérienne etc. Ils ne consistaient pas à contourner les corps intermédiaires.

Sarkozy ne se situe pas dans cette trajectoire-ci. Nulle question de légitimité, moins encore de rendre intangible une loi par la consécration du suffrage universel mais bien plutôt, en contournant tous les relais, établir l'unité entre le chef et le peuple, le dialogue permanent entre les deux.

On ne peut pas ne pas se souvenir de la distinction, opérée par Rousseau entre le chef et le maître : si le prince est au-dessus des lois, alors c'est à lui qu'on obéit ; c'est un maître - et nous, des esclaves. Si au contraire il est lui-même soumis aux lois, alors c'est aux lois que nous obéissons ; il est un chef et nous demeurons libres.

Sauf à considérer qu'ici il y a identité ontologique entre le prince et la loi. Il est celui qui ordonne et légifère. Obéir aux lois, c'est se soumettre à lui. C'est le prolonger.

De la possibilité de s'organiser et de ménager des adaptations locales à la loi via des conventions contractuelles, qui est le dada du libéralisme moderne, à la diatribe contre les corps intermédiaires, on a effectivement là tous les ingrédients d'un maurrassisme adapté au contexte moderne. Car c'est bien sur cela qu'il faut insister : ce que désirait Maurras et avait annoncé à sa façon Sarkozy, sauf à ne considérer plus ceci que comme des tirades électorales sans conséquences, c'est bien d'une Nation qui n'aurait plus besoin de médiation dans la mesure où le prince lui-même est le médiateur. Sous les formes démocratiques du référendum, voici réinstallé le rite du sacre.

Liberté sociale en bas ; autorité politique en haut ! France d'en bas, France d'en haut ... on connaît cela.

La Nation


4) voir R Rémond

5)Alain Peyrefitte, C'était de Gaulle, Paris, Éditions de Fallois/Fayard, 1994.