Elysées 2012

Césarisme

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Mot bien trouvé, s'agissant de l'appel au référendum revendiqué par Sarkozy dans la mesure précisément où il cache l'invective contre les élites dites intermédiaires et suppose un lien direct entre le sommet et la base, entre le président et le peuple.

C'est se souvenir de l'analyse de R Rémond qui avait repéré dans l'histoire de la droite française, à côté du courant légitimiste et orléaniste, un courant césarien évidemment incarné par le bonapartisme et son usage non du référendum mais du plébiscite.

Ce n'est, certes, pas un hasard que l'histoire de la République ait égrené ainsi les différentes formes d'exercice du pouvoir, elle qui ne s'est d'une certaine manière pas remise de la trahison de Varennes et de la mort du Roi. De la monarchie constitutionnelle à la Terreur Robespierriste ; du parlementarisme monarchiste muselé de la Restauration à la royauté libérale d'un Louis Philippe ; de la République monocamérale de 48 vite enterrée par le césarisme triomphant à la république parlementaire de 1875 ; de la régression fasciste de 40 à la république présidentielle de 58, au fond tout aura été essayé et force est de constater que les deux seuls régimes à avoir pu dépasser le demi-siècle restent encore la IIIe et la Ve République c'est-à-dire les deux extrêmes républicains du parlementarisme accompli et du présidentialisme achevé - quoiqu'il ne dise pas véritablement son nom.

Il n'en reste pas moins vrai et l'on peut reprendre ici l'analyse de Mendès-France, que la Ve tient sa longévité à la fois de son ambivalence - en maintenant à la fois une présidence forte, un gouvernement responsable politiquement et un parlement bi-caméral - ce qui lui permet de s'adapter en toute circonstance (voir les cohabitations) tout en maintenant le primat de l'exécutif, d'une part ; et d'autre part d'une conception plutôt césarienne de la présidence - à la fois guide et arbitre. L'hyper-présidence tant reprochée à Sarkozy est en réalité dans les gènes de la Ve République : que même de Gaulle se fût abstenu de pousser la logique césarienne jusqu'à son terme, atteste de sa culture profondément républicaine - en dépit de ses origines maurrassiennes - mais aussi de son sens de l'histoire et de l'opportunité politique ; néanmoins son usage répété du référendum où à chaque fois il remit son poids dans la balance, montre assez - et le reproche plébiscitaire qu'on ne manqua alors jamais de lui opposer l'atteste - combien la tendance à passer au-dessus de la représentation nationale était forte. Ce que de Gaulle nomme majorité nationale, mais aussi l'avènement du peuple en tant que tel et collectivement , impliquent dans son esprit que le président soit le seul à être le représentant de la nation tout entière et entame avec elle un dialogue spécifique, mais n'impliquent pas quoiqu'on lui en fît grief, un pouvoir solitaire ou personnel, non plus qu'il s'isolât des corps intermédiaires. D'où dans cette conférence de presse de septembre 65 la liste ironique de toutes ses consultations et de toutes ses visites.

C'est en ceci qu'il y aura eu changement, aggravation de la dérive présidentielle ! Césarisme. Que ceci vînt de son affectation si particulière pour le modèle américain, ou d'une tendance propre, ou même encore de l'importation des normes modernes du management de l'entreprise importe peu : en cinq années, le régime aura, en dépit de ses promesses et de sa réforme constitutionnelle, vidé le parlement de son restant de substance, réduit le gouvernement à une armée de collaborateurs subalternes, et constitué autour de lui un gouvernement bis de conseillers plus ou moins occultes.

C'est en ceci qu'il y a césarisme : non point tant, en soi, par le recours au peuple qui demeure en république l'éminente et seule source de légitimité que par la dénégation des autres légitimités - intermédiaires peut-être, partielles sans doute, mais réelles - qui tout ensemble forment l'organisation de l'Etat. Qu'on le veuille ou non, qu'on se désespère parfois de la lenteur et des contradictions que ceci implique ou qu'on s'en félicite importe peu : la république ne se suffit pas de l'affirmation du peuple souverain mais implique, suppose et impose dialogue, négociation, transaction et non exercice solitaire du pouvoir. Historiquement comme étymologiquement la république est anti monarchie c'est-à-dire contre le pouvoir d'un seul.

Que dans sa recherche de l'efficacité, la Ve République ait, comme le souligne Mendès France, commis l'excès inverse de la IVe, en misant tout sur l'exécutif au détriment d'un législatif dès lors anémié est évident et sans doute faut-il le regretter - ce que souligne à l'envi le vieux rêve communiste et celui de Mélenchon d'un retour à un véritable régime parlementaire - mais, même si le danger demeure entier, à tout instant, d'une dérive monarchiste (Mendès dit tyrannique) du régime ; que l'aggravation et la répétition des crises mondialisées impliquent la nécessité d'une action rapide et donc l'existence d'un exécutif fort, il n'est néanmoins pas inscrit ni dans les textes, ni dans l'esprit de la Constitution, mais seulement dans la dérive de sa pratique, que ce renforcement -largement suffisant - de l'exécutif depuis 58 dût s'accompagner de l'escamotage de tout l'appareil d'Etat au profit d'un dialogue exclusif avec le peuple.

En réalité, sur ce sujet comme sur les autres - chômage, immigration - on perçoit bien combien le pouvoir en se cherchant des boucs émissaires tente simplement de jeter le discrédit sur tout ce qui n'est pas lui ( ce n'est pas ma faute mais celle des corps intermédiaires) cherche à se dédouaner en commettant ce qui est la pire des fautes politiques qui soit : diviser ! Sans compter qu'ainsi, le pouvoir jouant sur son expérience, mise avant tout sur un pseudo-dépassement du clivage gauche/droite, sur une dépolitisation ou technicisation des problèmes qui place au pinacle la compétence au lieu de la légitimité et contredit ainsi l'essence même de la démocratie. Si l'on veut bien ne pas oublier que le fascisme - politiquement entendu et tel qu'il n'a jamais réellement fonctionné vu les circonstances - n'est autre qu'une variante de la technocratie, il faut bien admettre que ce à quoi nous assistons n'a d'autre nom que la tentation fasciste au pire ; ou bonapartiste, ce qui n'est guère plus souhaitable.

La question de l'opportunité politique d'une telle dérive est ici accessoire quoiqu'il ne soit pas évident que Sarkozy puisse en tirer avantage vu le rejet dont il fait l'objet. Non, ce qui est plus grave et plus marquant pour l'avenir, demeure bien cette grande tentation absolutiste qui n'est autre qu'une vaste régression démocratique, déjà observée au niveau de l'Europe, qui fait la part belle aux technocrates de tout poil et rend assez bien compte de la montée électorale - ici et là - de la peste brune. Que ceci sous-entende, aujourd'hui ou demain, une collusion avec l'extrême-droite, et, après-demain, une alliance se comprend de soi seul et devrait suffire à nous alerter. La digue - fragile - que Chirac avait dressée entre la droite et le FN est rompue !

Il n'est pas de sauveurs suprêmes :
Ni Dieu, ni César, ni tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes ?
Décrétons le salut commun !
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l'esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer quand il est chaud !

Tout est dit, dans ces vers de l'Internationale : du refus de l'homme providentiel à la prise en charge par le peuple de ses propres affaires ; du refus de se voir confisquer le pouvoir à l'espérance d'un salut commun, c'est-à-dire d'une action politique commune. C'est ici toute la délicate question du pouvoir qui se pose, du risque toujours encouru de sa confiscation, mais en même temps de l'impossible mandat impératif, qui, au moins donne sa règle à la république : la nécessaire vigilance, surveillance du pouvoir sa délégation et non sa relégation !

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autour de la laïcité : c'est un sujet que nous avons déjà évoqué au moment du

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qui tient par ailleurs un blog et chronique au Figaro et considère la crise actuelle non comme celle de la finance mais bien celle de l'Etat Providence et donc comme une crise de la social-démocratie ... ben tiens !