Elysées 2012

Système

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C'est C Fourest qui rappelle ici que le terme système est en réalité d'origine extrême-droite et représente la quintessence de l'amalgame auquel ce courant est coutumier. JM Le Pen utilisait fréquemment établissement en recyclant un terme usité dans la terminologie politique anglo-saxonne. Mais système dit plus. Il y s'agit d'englober dans un même mouvement tous ceux, peu ou prou et sans distinction, font partie de ce qu'on nomme les élites et qui, évidemment, comploteraient insolemment pour confisquer la totalité des pouvoirs. Stratégie, ici encore du bouc-émissaire, qui se joue de la peur et de la haine, qui permet de canaliser l'anxiété du corps électoral contre quelques uns, qu'on s'évite ainsi de nommer, s'épargnant ainsi le risque de dérapages antisémites auxquels JM Le Pen ne répugnait jamais de céder.

σ υ σ τ η μ α dit cet assemblage, mais aussi cette construction de l'esprit : le système revient toujours à déclarer liés, ou à relier des éléments épars de telle sorte que nulle partie de l'ensemble ne reste indifférente à l'altération, modification d'une autre. Tout corps de doctrine est un système et l'avancée même du savoir scientifique revient en réalité à déceler du système où l'on croyait n'avoir affaire qu'à des éléments épars.

Celui qui évoque un système s'offre donc toujours plus ou moins la posture de celui qui a vu ce que les autres ne voient pas ; qui se trouve ainsi dehors prompt à dénoncer tout assemblage qui se donnerait pour clos, c'est-à-dire indifférent à l'extérieur.

Concept ravageur en politique qui permet à tout un chacun de glisser dans l'ensemble des individus, des problèmes, des intérêts, des lobbys, des corporations qui n'ont pas grand chose à voir les uns avec les autres mais à l'intérêt de pouvoir donner l'illusion d'un complot de nantis contre le peuple chez qui on excitera la pulsion vengeresse. Concept qui noie sous une nébuleuse confuse à souhait la réalité d'une confiscation par quelques uns - la finance, les technocrates - de la réalité du pouvoir et procède à une véritable régression démocratique.

Concept ravageur qui permet à tout un chacun de se poser en candidat anti-système, jusque et y compris le président sortant - ce qui est quand même un comble - qui révèle ici encore la stratégie émissaire qui vise en canalisant la peur devant la crise contre quelques uns, escamotant par là même la réalité de la régression démocratique.

Sans doute n'est-il pas faux de renvoyer ici plutôt à oligarchie : c'est en tout cas la logique de Mélenchon, cohérent avec lui-même qui n'a de cesse de rappeler la réalité de classe des conflits qui se mènent et la logique impérialiste et hégémonique de la classe dirigeante mondialisée. Bien sûr, on pourrait, et certains le firent, reprocher à Mélenchon de sombrer dans le travers même qu'il dénonce : c'est oublier qu'à l'encontre des tentations démagogiques actuelles, il se pose en fédérateur d'une gauche radicale qui n'appelle ni à la haine ni à la vengeance mais à la seule reconquête par le peuple des pouvoirs qu'un libéralisme doctrinaire s'est attaché à lui soustraire notamment en affaiblissant systématiquement le périmètre de l'Etat. Confiscation de pouvoir dont le traité de Lisbonne est à l'évidence l'illustration la plus flagrante dans la mesure même où il a consisté sans vergogne à contourner le non de 2005 au référendum sur la constitution européenne.

En réalité tout ceci révèle la grave crise que traverse désormais la démocratie européenne qui sent, plus ou moins confusément qu'elle est à la croisée et manque de se perdre.

Mais traduit aussi un incroyable flou idéologique où le manque de culture politique et historique des uns le dispute à la mauvaise foi des autres.

Entendre un Ivan Rioufol proclamer sans barguigner que la crise actuelle est celle de la social-démocratie ne manque pas de sel, quand tout laisse à voir que c'est bien au contraire la financiarisation du capitalisme liée à l'affaissement de l'Etat, grand dogme du libéralisme qui est désormais à l'origine d'une crise où le politique n'a plus la main, sauf à la reprendre brutalement. Entendre un Sarkozy, il y a cinq ans ou derechef à l'occasion de cette campagne, proclamer que la gauche eût été infidèle à ses propres valeurs - et notamment celle du travail - n'est possible que sur fond de cet invraisemblable salmigondis idéologique.

Tout à fait révélateur de cette mixture, l'affirmation sarkoziste, maintes fois répétée, qu'il y a lien indossoluble entre le global et le local, entre le destin de la France et le sort individuel. L'idée apparemment de bon sens qu'il ne saurait y avoir un ilôt de prospérité individuelle au milieu d'un océan de crises, vient de loin : on la retrouve chez Comte qui voyait comme le reflet exact de l'âge métaphysique et donc délétère, le primat de l'individu, considérant que :

La décomposition de l'humanité en individus proprement dits ne constitue qu'une analyse anarchique, autant irrationnelle qu'immorale qui tend à dissoudre l'existence sociale au lieu de l'expliquer, puisqu'elle ne devient applicable que quand l'association cesse. Elle est aussi vicieuse en sociologie que ne le serait en biologie, la décomposition chimique de l'individu lui-même en molécules irréductibles, dont la séparation n'a jamais lieu pendant la vie. A la vérité, quand l'état social se trouve profondément altéré, la dissolution pénètre, à un certain degré, jusqu'à la constitution domestique, comme on ne le voit que trop aujourd'hui. Mais, quoique ce soit là le plus grave de tous les symptômes anarchiques, on peut alors remarquer, d'une part, la disposition universelle à maintenir autant que possible les anciens liens domestiques, et d'autre part, la tendance spontanée à former de nouvelles familles, plus homogènes et plus stables. Ces cas maladifs confirment donc eux-mêmes l'axiome élémentaire de la sociologie statique: la société humaine se compose de familles et non d'individus. Selon le principe philosophique posé depuis longtemps, par mon ouvrage fondamental, un système quelconque ne peut être formé que d'éléments semblables à lui et seulement moindres. Une société n'est donc pas plus décomposable en individus qu'une surface géométrique ne l'est en lignes ou une ligne en points. **

Où l'on retrouve quelque chose comme le

Le fascisme conçoit l'Etat comme un absolu, par rapport à quoi tous les individus ou les groupes sont relatifs, ne doivent être conçus que dans leur relation à l'État.
Mussolini La doctrine du fascisme 1932

Le grand choc idéologique du XIXe ce fut bien, avec la Révolution, l'avènement de l'individu dans son autonomie, proclamée et sanctifiée notamment par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 89.

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Le fascisme fut bien une réaction à cette proclamation de l'autonomie des individus et la hargne qu'un Maurras put nourrir à l'égard à la fois de la Révolution, de la Réforme et du Romantisme n'avait pas d'autre sens. Si en tant que système politique, qui, du fait des guerres menées tant en Allemagne qu'en Italie, n'eut pas réellement le temps de fonctionner, si le fascisme donc fut bien une exacerbation de l'Etat, et en tant que tel à l'encontre des tendances libérales actuelles, il n'empêche qu'il rejoint indéniablement celles-ci dans sa tendance inavouée souvent à soumettre l'individu aux impératifs du système, aux règles du marché . Il ne s'agit pas de dire que les propos présidentiels relèvent du fascisme, mais il faut bien relever que cet accent mis sur la France, sur le collectif, sur l'effort qu'il faut mener pour le collectif qui formera un bouclier protecteur participe du même mouvement, est le versant libéral de la réduction fasciste de l'individu, dont la notion de système est en réalité le reflet ; dont le discrédit porté sur les corps intermédiaire n'est que le reflet menaçant.

 

Nous méritons un débat d'une autre tenue que ces invectives faciles, ces approximations hargneuses ou ces démagogies honteuses.

Car, après tout, une élection est l'occasion d'un débat qui donne sens et direction ! Cela n'en prend hélas pas le chemin.

 

 

 

 

 

 


1) voir son blog

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autour de la laïcité : c'est un sujet que nous avons déjà évoqué au moment du

discours du Latran par Sarkozy en décembre 2007

lire aussi :

Négligences

Laïcité

Abandon

Définition (Buisson)

Neutralité (Ferry)

Impartialité (Jaurès)

Laïcité et école (P Bert)

Bouveresse

idéal laïc

6 textes

 

sur le populisme : lire ce que nous en écrivions

qui tient par ailleurs un blog et chronique au Figaro et considère la crise actuelle non comme celle de la finance mais bien celle de l'Etat Providence et donc comme une crise de la social-démocratie ... ben tiens !

 

Système de politique positive, II, 180-1