Elysées 2012

Les cinq leçons de l'entrée en campagne de Sarkozy

 

Sarkozy entre en campagne ! ce n'est pas une nouvelle. Mais ce qui apparaît d'ores et déjà c'est combien le candidat a du métier et le premier l'art de maîtriser le calendrier. Mais ce qui apparaît ensuite c'est l'entrée en force comme si les habits du président avaient craqué désormais et que le candidat pouvait désormais frapper fort. Et il frappe fort.

Mensonge, lâcheté, faiblesse et faute ponctuent désormais son discours avec des invectives directes contre son adversaire principal et, à l'occasion, contre les autres. .

1e leçon : il joue le clivage droite gauche de la manière la plus classique qui soit méconnaissant les éventuels risques du 1e tour, méconnaissant surtout Bayrou. L'entrée tonitruante se veut balayer tout sur son passage et ramener à l'essentiel : au débat avec les français qu'il veut renouer sans les contraintes du protocole présidentiel, avance-t-il. En ceci il reste dans la tradition de la Ve République. Mais il veut aussi ramener le débat au plus précis : avec Hollande, comme si les autres candidats n'existaient pas - ou ne comptaient pas. Pour autant ne commet-il pas la même erreur que tous les commentateurs avaient expliqué avoir été celle de Jospin en 2002, de jouer directement le premier tour ? Il est vrai que la position n'est pas la même - il est président sortant et de ce point de vue sa position ressemble plus à celle de Giscard en 1981 - il est vrai aussi qu'il peut escompter par cette stratégie renouveler le siphonnage de l'extrême-droite comme en 2007 - ce que les dernières enquêtes semblent montrer . Pour autant négliger le vote Bayrou qui, plus qu'en 2007, pourrait bien être un vote alternatif raisonnable à droite peut sembler téméraire tant ce virage à droite toute pourrait bien lui faire perdre plus au centre qu'il n'aurait récupéré sur sa droite.

2e leçon : la bête politique est de retour. Cet homme est décidément une bien efficace machine à candidature. Il sait parfaitement maîtriser le calendrier ; sait surtout le bousculer. Il joue à plein la règle de la séquence ! Après avoir laissé passer l'entrée en campagne de Hollande, début janvier, qui, inévitablement l'allait propulser au devant de la scène, il reprend la main par une première intervention présidentielle puis une interview le week-end dernier au Figaro Magazine, puis par sa déclaration de candidature puis immédiatement après son premier meeting à Annecy avant celui dimanche de Marseille. Obligeant du coup, tous les autres candidats à réagir par rapport à lui. Il y a ici sans doute des éléments de stratégie et j'imagine assez bien cet hyper-actif vouloir dans les semaines à venir mener tambour-battant, propositions sur propositions, surprises sur surprises, condamnant ses concurrents à être sur la traîne. Il n'est pas faux que dans une bataille celui qui l'emporte est souvent celui qui parvient à imposer à l'autre son tempo, ses mots d'ordre, sa stratégie. Ceci n'est pas nécessairement suffisant, mais comptera.

Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash

3e leçon : cette déclaration qui n'a pas vraiment convaincu la presse peut effectivement laisser à voir un homme fatigué, qui butte sur les mots, hésite et soupire comme si les habits présidentiels pesaient encore. Il n'est pas faux de dire que cette déclaration manqua singulièrement de souffle, et plus encore de perspective ou d'espoir et la répétition, par trois fois, de la référence aux crises sans précédents, successives, n'était pas là vraiment pour donner de la dynamique à cette candidature. Dès le lendemain, dès le meeting d'Annecy, ce ne sera pourtant plus le même homme, ni le même ton, ni le même phrasé. Bien entendu on y reconnaîtra la patte de Guaino, qui sait écrire, ; on y rerouve aussi le phrasé, les intonations de la campagne de 2007 et, notamment du discours d'investiture de Janvier 2007. Là le souffle las ; ici la dynamique et l'invective. Tout se passe comme si la déclaration sur TF1 n'avait constitué que les prolégomènes, quelque chose comme une transition où devant les français le président se défaisait de ses habits pour n'endosser qu'après, devant un autre public le costume de candidat. C'est à une mue que l'on a assisté ; une métamorphose. Du point de vue de la communication c'est assez fort. Oui la presse a eu raison de trouver décevante celle-ci ; non elle a tort si on la relie au meeting qui l'aura immédiatement suivie. On le voit bien : dans la déclaration pas d'attaque, pas véritablement d'invective à l'endroit de son adversaire principal ; ou alors seulement sous la forme allusive ; en revanche, dans le discours d'Annecy c'est une bien tout autre affaire. La chrysalide s'est défaite : le battant flamboyant est de retour.

4e leçon : on avait deviné depuis octobre combien la crise allait lui servir d'argument. On a vu depuis les voeux que l'argument devait être celui de la résistance, celui du tenir bon. Il joue ici d'une double métaphore : celle non pas du sauveur mais du capitaine dans la tempête dont l'honneur mais la charge aussi est de ne pas abandonner le navire, usant ainsi d'une référence archi-connue mais aussi d'un fait-divers assez récent, présent à l'esprit de tous ; celle encore du bouclier protecteur qu'est la France. Thème de droite que celui de la continuité entre l'individu et la nation, avec l'impossibilité qu'il puisse y avoir un ilôt de prospérité pour quelques uns dans un océan de crises et de malheur, ce thème qui dissout habilement l'individu dans le corps national a tout pour plaire à la droite classique mais, évidemment aussi à la droite extrême qui y trouve son terreau. Ce qui lui permet encore, en contrefaisant à la fois l'humble serviteur de la nation et l'homme qui fait son devoir, lourd pesant mais responsable, de ne pas se mettre en avant et de laisser la nation dont il se veut l'acteur principal, être le véritable sauveur.

5e leçon : en bon stratège, il fait de sa faiblesse une force. D'être président, dit-il, lui

Le contenu de cette page nécessite une version plus récente d’Adobe Flash Player.

Obtenir le lecteur Adobe Flash

impose d'être au-dessus, de s'adresser à tous, et de ne pas tomber dans des arguments de basses tribunes ... ce qui lui permet d'attaquer franchement au moment même où il déclare ne pas pouvoir le faire. Son regard est celui d'un visionnaire, d'un capitaine au long cours, qui connaît les écueils, mais sait où il veut aller. Tout son discours tourne autour de la ligne droite, de la direction : c'est un mâle discours, d'effort et de travail empreint, de responsabilité et de force ; de courage et de combat obnubilé. C'est un discours d'homme à homme avec la subreptice mais assez systématique allusion que son adversaire, lui, manquerait de détermination, de courage, de vérité. L'argument de la gauche molle a laissé des traces et l'on savait depuis longtemps qu'il l'utiliserait. A Annecy, il ne dira pas vraiment autre chose qu'à TF1 mais avec plus de morgue, plus de force et en se positionnant avec assez grande précision comme l'intercesseur entre deux mondes, dont l'un ne veut pas mourir et l'autre ne parviendrait pas à naître. Homme d'entre-deux, passeur, il joue à plein le rôle dévolu à la présidence par de Gaulle, à la fois guide et arbitre, même si l'on sait qu'il sera toujours plus décisionnaire unique que véritablement arbitre. En tout cas la référence à de Gaulle dont il a d'autant plus besoin qu'il en revient à la promesse référendaire, n'est pas anodine. La stratégie de représidentialisation est désormais achevée - ce pourquoi il peut désormais faire candidat - et il peut sans crainte annoncer que le prochain quinquennat ne ressemblera pas au premier.

Il faudra revenir sur cet appel, insolite chez lui qui s'en méfia longtemps, au referendum qui lui permet de fustiger les élites, les castes politiques plus soucieuses de leurs intérêts propres que de ceux du peuple ; si oublieuses du peuple justement. Le propos est ambivalent qui renvoie à sa manière au déni du politique déjà relevé, mais est indiscutable sur le principe. Tout Sarkozy est là qui reprendra les recettes du passé : se présenter avec des idées simples, apparemment de bon sens mais toujours ambivalentes.

Mais, manifestement, ces rappels à la France et la référence réitérée à de Gaulle si étrangement absent en 2007, visent à séduire l'électorat traditionnel de la droite et celui plus extrémiste du FN. Oui, la leçon est ici, principale, une campagne à droite toute !