Chronique du quinquennat

Petite analyse des discours de Toulon et de Toulouse
(entre deux tours de la présidentielle)

1) lieux communs avec FN
2) Deux remparts
3) Premier ennemi : l'immigré
4) Second ennemi : la gauche
5)La république sarkozyste
6) La Nation
7) La frontière

rappel Introduction 2 remparts Quatre ennemis solutions
Maurras lieux communs entre droite et extrême droite La France l'immigré la République nouvelle
anti-lumière   La République l'anti-France La Nation
antisémitisme     la gauche La frontière
nationalisme intégral     les corps intermédiaires  
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Ce qu'est la République

Ce qu'elle n'est pas

 

Derrière le discours sur le peuple, sur les élites, il y a en réalité en creux, et parfois explicite, un discours sur la Nation. Et sous ce discours sur la Nation, un second, sur la frontière, perçue comme la solution, le remède. Ce qu'on trouve dans le discours de Toulouse

La frontière

Elle aura beaucoup fait parler d'elle, comme d'une vieille rengaine, cette frontière qu'on avait cru obsolète depuis Schengen et qu'on nous présentait comme la traduction tangible d'une autre révolution : l'Euro !

Elle revint par la bande ! Et comme souvent avec Sarkozy, en allant chercher chez un philosophe, de préférence de gauche, une autorité qui vaille adoubement. En l'occurrence R Debray comme il le fit jadis pour E Morin à propos de la politique de civilisation.

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Remarquons d'abord que la frontière est présentée comme une condition si ne qua non à la fois de la Nation, de la République mais, précisément, aussi de la civilisation.

La question est d'autant plus révélatrice que son oubli est présenté comme une erreur, celle évidemment des élites ; celles des corps intermédiaires, celle de la pensée unique, celle enfin des médias. Avec, comme pour la Nation, cette idée, délicieusement maurrassienne, que le peuple lui ne se trompe pas, ne s'est jamais trompé qui a toujours accordé une place prépondérante autant à l'une qu'à l'autre. Comme si les frontières étaient génétiquement ancrées dans son identité, dans cette terre qui le définit, autant que dans son histoire.

En se servant de Debray qui n'en peut mais et s'en agace autant que s'en amuse, Sarkozy confond sans doute frontière et distinction.

Que la raison ne puisse délibérer sans se donner de critères lui permettant de distinguer vrai et faux ; la morale de distinguer bien ou mal ; le droit de distinguer juste et injuste, permis et défendu ... est une évidence. La définition est par nature délimitation entre un dedans et un dehors - ce qu'illustre tellement le mythe de Romulus traçant le pomerium - et qu'une extension trop universelle nuit à la validité d'un concept dès lors inopérant.

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Que la frontière soit ambivalente qui peut aussi bien fermer l'espace que l'ouvrir est une seconde évidence. Que le rêve libéral d'un espace homogène où tout pourrait circuler librement, sans entraves, soit une illusion débilitante est certain ; mais que cette globalisation soit à terme l'occasion d'une homogénéisation des cultures est une imposture tant les cultures humaines, aussi diverses qu'universelles dans leur principe, résistent à toute mise à plat. Le danger n'est pas nul, mais sert souvent à de bien douteux prétextes.

C'est ceci que révèle Debray : oui, effectivement les idées n'ont pas de propriétaires ; elles circulent et sont souvent reprises où on ne l'attendait pas. La mention faite de la Nation inventée par Danton finissant avec Déroulède, mais il aurait pu écrire Maurras ; ou de la sélection naturelle inventée par Darwin mais qui s'achève avec Gobineau ou Vacher de Lapouge ...

En réalité, ce qui se joue ici revient à cette thématique de l'identité nationale et de la difficulté qu'ont nos sociétés modernes à conjuguer leurs spécificités avec la proximité de l'autre qui ne peut plus être pensé comme inférieur, mais qui n'est plus non plus lointain tant l'espace désormais proche, le rend ouvert.

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Du coup, Sarkozy ne parvient à défendre la frontière, lui qui fut quand même le chantre du libéralisme à tout crin, qu'à la double condition, d'une part, de reconnaître des erreurs - même s'il les met plutôt sur le compte de la pensée unique ou d'idéologies libertaires - et d'autre part de produire un concept flou qui va du politique au moral en passant par l'anthropologie, l'histoire, la géographie, le droit, l'économie ....

Car, à bien l'entendre, la frontière c'est la condition du choix, donc de la liberté ; donc du politique avec ce culot impayable lui qui joua tant sur l'impératif économique, consistant à dénoncer l'affaissement du politique. C'est la condition de la civilisation pour autant qu'elle empêche l'homogénéisation des comportements, des moeurs, des idées ; la condition même de la République dans ce qu'elle a de laïc en permettant de lutter contre le communautarisme ( il parle de tribus) ;

L'ironie de l'histoire veut que la monarchie de l'Ancien Régime se fut sans trop de problème accommodée de frontières floues et de nationalités ambiguës et elle le put parce que précisément l'unité de la Nation s'incarnait dans la personne du monarque et non dans la continuité du territoire.

Il n'en reste pas moins que la frontière, comme la Nation, sont présentées ici de manière plus négative que positive, plus défensive qu'offensive. On est loin de la mythique de Valmy, d'une France portant haut les couleurs de la liberté et tentant de libérer les peuples asservis ; non, au contraire, on est ici dans une représentation où, face à la menace de l'autre, il s'agit de réagir, de résister, de tenir. Qu'il s'agit d'une valeur refuge; pas d'une valeur tremplin.

Dès lors, même en proclamant qu'il se refuse à fermer l'espace, à fermer les frontières, Sarkozy se condamne à une démarche réactionnaire, qui séduit pour cela même, qui est d'ailleurs conçue pour cela même, où l'autre, menace impérieuse et éternelle, a toujours besoin d'être combattu, en tout cas circonscrit. Condamnant la culture, l'identité, la Nation, la morale à n'être jamais que des armes permettant de tenir contre les empiétements, de lutter contre ces ennemis - toujours les mêmes - que sont :

- l'étranger sous la forme de l'islam radical
- le métèque, sous la forme de l'immigré
- le protestant, sous la forme de la finance internationale
- le franc-maçon sous la forme de la pensée unique.

Ultime ressort maurrassien : ce jeu sur l'instinctif attachement au paysage, à la frontière ainsi que ce rôle si particulier que joue la sincérité comme adoubement de la véracité.

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Il faut le remarquer, même si c'est ici sans doute la loi du genre d'un discours de meeting électoral : le propos ne procède pas par démonstration mais par affirmations successives : la nation, c'est ; la frontière c'est. La charge de la preuve est assurée par la proclamation d'un c'est ce que je pense ; par la protestation de sincérité ou par le rehaussement du sentiment : le je vous aime ...

Au bilan

De l'appel à la tradition à la désignation des ennemis ; de l'insistance sur l'identité aux racines instinctives ; du double rejet du socialisme et du libéralisme ; de la dénonciation des excès et des erreurs de la mondialisation à la volonté de restaurer l'Etat, de la dilution de l'individu dans le peuple à la prééminence de la nation, on a effectivement à peu près tous les ingrédients qui formèrent en son temps le nationalisme intégral de Maurras.

Qu'il y ait, parce qu'historiquement des points communs avec le fascisme n'est pas étonnant pour autant que le fascisme français en est issu mais ne suffit pas pour autant à en faire un fascisme. La pensée d'extrême-droite au FN hésite encore, notamment sur la question du dirigisme économique et de la place de l'Etat.

Le fascisme fut un étatisme forcené doublé d'une mystique du chef plutôt que d'une tyrannie de l'expert. Ce qui est bien différent.

Mais, pour autant qu'au FN la religion en la matière n'y soit plus faite clairement et que d'autre part la perspective prônée par Sarkozy hésite entre une pratique libérale et un discours qui ne l'était plus, manifestement des rencontres sont possibles ...

Certaines ?