Elysées 2012

Argent de la crise ou
Crise de l'argent ?

De cet étonnant objet qu'est l'argent
Contreculture 1 / Argent comme objet 2 / Argent comme objet de désir
Du bon usage des campagnes électorales 3 / De la nécessité d'un joker : l'argent 4/ Quand l'objet blanc devient boîte noire : deux récits fondateurs
  5) L'objet du pouvoir : le corps dépecé du roi ou l'argent ? 6) argent de la crise ou crise de l'argent ?
Références Jappe

JC Michéa

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en guise de conclusion ?

Le détour put sembler long qui de l'approche de cet objet étonnant qu'est l'argent mena tant vers Moïse que Romulus. C'est que cet objet se trouve bien à l'intersection de la morale et du politique, de l'économique et du social ; que finalement il ne s'agissait ici que d'approcher du côté de l'objet ce que la métaphysique mais aussi la sociologie nous enseignaient du côté du sujet.

Ce que nous avons appris tient en quatre points :

- il n'est pas de société sans circulation d'un quasi-objet ni sans relais blancs qui émoussent les aspérités d'inévitables conflits

- l'objet blanc l'est, parce qu'il peut prendre toutes les valeurs et devient sitôt boîte noire qu'il revêt une quelconque valeur déterminée

- l'objet blanc est le langage de la société et fonctionne comme tel. Il est combinatoire et ne renvoie qu'à cette combinatoire-là

- une société se fonde toujours par catabole et se dissout par anabole.

Or, sur ces quatre points on peut effectivement constater la crise :

- l'argent ne circule plus d'être devenu une valeur en soi et non pas seulement le bras blanc de l'échange.

- devenu boîte noire, non seulement il cesse de circuler mais bloque toute circulation et met ainsi en péril la cohésion sociale.

- parce qu'il s'est voulu chose en soi, et aura voulu parler des choses, il bloque toute représentation. Il n'est plus ce phonème assis sur la combinatoire, mais devient la référence, le point fixe et dès lors, fige et se fige.

- parce qu'il se veut anabole il est consommateur d'énergie et semble fonctionner comme un trou noir

Nous sommes peut-être à cet endroit si particulier de l'étang aux chèvres : où le peuple affolé à la fois fuit et se rassemble.

Nous sommes peut-être à ce moment si particulier où tout semble tournoyer - que nous avons appelé circonstance : où tout semble bloqué, et les sénateurs vouloir s'insurger de décisions qui les nient, et le peuple d'être spectateur aveuglé.

Au plus près peut-être de cette boîte qui peut redevenir blanche sitôt que dépecée. Un moment qui est autant théorique que politique ; moral qu'économique. Plus personne ne semble avoir prise sur ces marchés tandis même que les cieux s'alourdissent de grisaille et de tonnerres.

Ce tournoiement est possible ; pas certain ; il fera remonter à la surface ce qui de longtemps fut caché : epistémè ; fera tournoyer en éclisses éparses les parts enfin blanches de ce qu'on nomme pouvoir : révolution.

Pas certain tant les révolutions toujours ramènent au même et semblent condamnées à répéter les mêmes meurtrissures, mêmes meurtres et cadavres. Tant rien ne ressemble plus à une révolution qu'une réforme bien entendue.

Pas certain tant les petits bricolages d'ultimes ressorts pourraient encore prolonger l'illusoire catastrophe - qui n'est jamais, étymologiquement (καταστροφή), que la parade d'évitement que l'on esquisse devant le coup porté - de haut en bas.

Mais ce qui est sûr, tient en ce que intimement liés l'un à l'autre, argent et société moderne sont à la croisée où se jouent autant nos connaissances que nos actes, métaphysique et physique ; politique et économique.

Ce qui est sûr, pour en revenir à ce sordides considérations électorales, tient au risque que chacun de nos dirigeants prend en ce moment qui, bricolage réussi ou pas, peut demain tout aussi bien être dépecé sur place, ou porté aux nues.

Sauf à considérer que ce que nous enseigne la mort de Romulus c'est justement que sacrifice ou apothéose reviennent exactement au même.