Elysées 2012

Les dernières tendances

Ce qui ressort de la dernière enquête Ipsos est plutôt contrasté dans la mesure où ceci confirme en partie des tendances déjà repérées mais en infirme d'autres.

Le rapport des français au politique

Ambivalent lui même puisque d'un côté ils confirment leur passion pour la politique alors qu'en même temps ils se défient assez fortement de la classe politique. Ce n'est peut-être pas si contradictoire qu'il peut y paraître : il y a bien ce sentiment, il faut le dire assez pessimiste et plutôt désespérant de l'impuissance des politiques dont l'électorat a parfaitement conscience, en même temps qu'il a désappris depuis 81 de tout attendre du soir du grand soir ! On n'est pas vraiment dans le rejet anti-parlementariste qu'espère tellement l'extrême-droite, celui du tous pourris mais bien plutôt dans la certitude que la grande vague libérale qui prédomine depuis la fin des années 70 aura tellement affaibli les états, tellement vidé de toute substance le pouvoir politique pour n'en laisser qu'une symbolique désormais vide et pour tout dire un peu ridicule, qu'il devient difficile d'en attendre quoi que ce soit, non plus d'ailleurs que de reprochee l'incompétenc de la classe politique.

On peut effectivement faire deux lectures de ceci : d'une part y voir une forme de fatalisme qui pourra tout aussi bien d'exprimer demain dans un vote protestataire qui nourrirait aussi bien la demande d'alternance que le vote FN : c'est la lecture de Perrinaud. Mais on peut aussi y deviner une véritable exigence de politique ce qu'illustrerait cette passion non encore démentie. C'est en tout cas l'analyse que l'on peut tenter en scrutant cette demande de protection, d'intervention qui n'est autre qu'une demande de retour au politique.

On sent bien le désarroi des sondeurs qui se trouvent face à des données interprétables de toutes les manières possibles et imaginables où certains commencent à voir un vote d'adhésion vers la gauche quand d'autres voient poindre le risque d'une telle remontée du vote protestataire qu'un 21 avril ne serait pas impossible.

Petite leçon de démocratie

Elle tient à cette certitude qu'un peuple si rompu depuis deux siècles aux arcanes de la politique, aussi féru de démocratie depuis un siècle et demi, ne peut qu'envoyer des messages fins, qu'il faut savoir entendre comme la parole complexe du souverain. Rappelons, pour ne citer que ce seul exemple déjà ancien, comment en 88, l'électorat réélit Mitterrand, certes, mais ne lui donna pas aux législatives suivantes une majorité absolue : manière pour lui à la fois de ne pas empêcher l'exercice du pouvoir mais de lui signifier qu'il ne lui donnait pas non plus un blanc-seing. Rappelons aussi le fort taux de participation de 2007 qui fut la réponse consentante à un volontarisme politique qui tranchait si fortement avec la lente apathie chiraquien, succédant à la fin de mandat mitterrandien si désastreuse, sur quoi la nation voulut tirer un trait.

Elle tient à cette certitude que la nation n'est jamais dupe. Oh bien sûr, il lui arrive de s'enflammer pour des hommes qu'elle crut providentiels et ne furent souvent que des illusionnistes ou des agités ; bien sûr elle fait mine parfois de succomber aux sirènes extrémistes mais on se trompera toujours en croyant y déceler des ferments fascistes. Ne l'oublions pas : certes le 21 avril mais 2 semaines après, un front sans faille pour récuser à l'extrême-droite l'espoir seulement de parvenir jamais au pouvoir. Au 2e tour Le Pen recueillit à peine plus de voix qu'au premier. Affaire classée. Il y a aujourd'hui une attente forte ; un refus résolu ; mêlés de crainte, assurément mais il faut dire que l'actualité ne sollicite pas vraiment l'optimisme.

Une évidence qui n'en est pas une

Le score actuel de Hollande n'a pas beaucoup de sens. Il témoigne à la fois d'une gauche dont on sent bien qu'elle a le vent en poupe et bénéficie du discrédit de la majorité actuelle et des conséquences d'un paysage éclairci où désormais la gauche a son champion désigné ; élu ! Pour autant le soufflet retombera : ce score a l'insignifiance de l'excès.

Pour deux raisons :

- la campagne n'a pas vraiment commencé - ce sera pour janvier - et Hollande lui-même a annoncé dès le soir de son élection qu'il allait prendre du champ après la surdose médiatique des primaires. Il a raison ! mais autant l'omniprésence de la gauche au mois d'octobre a pu amplifier la cote de popularité des uns et des autres, autant le retrait ramènera inexorablement ce score à des proportions plus vraisemblables.

- Sarkozy, candidat inavoué mais omniprésent, ne peut que bénéficier des effets de la crise - au moins dans un premier temps. Perrineau a raison au reste de souligner que depuis 5 mois la cote de Sarkozy, lentement mais régulièrement remonte. C'est une chose, pour son électorat, de manifester sa grogne par des coups de gueule sondagiers ; c'en est une autre que de franchir le rubicon un jour de présidentielle. Sarkozy, champion de la droite retrouvera un étiage conforme à ses assises électorales à mesure que l'on avancera dans la campagne. La seule chose que l'on puisse augurer est que, gagnant ou perdant, le score qu'il obtiendra risque fort d'être serré ; beaucoup plus serré en tout cas qu'en 2007 ; beaucoup plus serré que celui obtenu par Mitterrand lors de sa réélection en 88, dernière référence utilisable d'une réélection.

De réelles incertitudes

Elles tiennent à la campagne pour le moment très mesurée pour ne pas discrète que mènent Joly mais aussi Mélenchon. Ces deux appoints de voix pour la gauche au 2e tour sont pour le moment stagnants voire en baisse sans que l'on puisse deviner encore si cela tient au peu de couverture médiatique dont ils bénéficient et à l'impression donc qu'ils ne font pas campagne ou si, effectivement, ils auraient déjà fait le plein de leurs voix potentielles.

A cause des primaires, à la fois écologistes et socialistes, cette campagne connaîtra un rythme paradoxal : les dernières semaines ont pu avoir donné l'impression qu'elle avait démarré. En réalité, non.

La phase qui débute sera celle de la pause, laissant le devant de la scène au réel : la crise. Le temps des discours, des promesses, des stratégies et des petits mots viendra plus tard. Désormais chacun affute, dans son coin, sa stratégie et son programme, et tâche, en tenant compte des derniers rebondissements de la crise, de ne pas se prendre les pieds dans le tapis. Or ce qui marque cette crise ce sont à la fois les multiples rebondissements, les atermoiements et du fait de l'urgence, l'impression que donnent les politiques de plutôt subir que dominer les événements. Ce qui est potentiellement désastreux.

Reste l'inconnue Le Pen dont le silence est étonnant ! qui semble pouvoir d'autant mieux engranger qu'elle se tait et se tient éloignée des avant-scènes. Son périple américain a du sens pourtant. Je reste pourtant convaincu, contrairement aux analystes que sa seule force reste dans les événements, la gravité de la crise. Mais c'est assez dire qu'elle subit les circonstances : sa plus grande faiblesse avec la certitude qu'elle représente sinon la pire des politiques, la politique du pire. Mais dès qu'elle parlera, elle s'effondrera.