Elysées 2012

Sondages

Nicolas Sarkozy donné largement battu par François Hollande Si le second tour de l'élection présidentielle avait lieu dimanche prochain, François Hollande l'emporterait largement sur Nicolas Sarkozy. Tel est le principal enseignement de la sixième vague du baromètre Ipsos-Logica Business Consulting, réalisée les 28 et 29 octobre, par téléphone, auprès de 970 personnes constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, pour Le Monde, France Télévisions et Radio France.

"Hollandomania" ?

Avec 35 % des intentions de vote au premier tour de la présidentielle, M. Hollande gagne 3 points par rapport au précédent volet de notre baromètre, réalisé début octobre, soit une semaine avant le premier tour de la primaire socialiste.

Cette progression n'est guère étonnante. La victoire très nette du député de la Corrèze face à Martine Aubry, le 16 octobre, puis son adoubement par l'ensemble des socialistes lors de la convention d'investiture du 22 octobre ont créé une dynamique dont il était logique qu'il fût le bénéficiaire.

Fin 2006, après avoir remporté la primaire du PS face à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal avait également bénéficié de bons sondages, mais son avance sur M. Sarkozy ne dépassa jamais 3 à 4 points dans les intentions de vote du premier comme du second tour. Aujourd'hui, M. Hollande creuse l'écart beaucoup plus nettement, puisqu'il devancerait le président sortant de 11 points au premier tour et de 24 au second (62 % contre 38 % à Nicolas Sarkozy).

Les ressorts de Nicolas Sarkozy.

Pour le chef de l'Etat, toutefois, la situation est moins désespérée qu'elle n'en a l'air. D'abord parce que nul n'imagine que son adversaire obtiendra les scores dont il est crédité aujourd'hui, lesquels témoignent, pour M. Hollande, d'un "état de grâce" qui ne manquera pas de se dissiper quand la campagne aura véritablement commencé.

Ensuite, M.Sarkozy est dans une dynamique favorable. Avec 24 % d'intentions de vote au premier tour, il a progressé de 3 points en un mois. Deux événements peuvent expliquer cette embellie. Le premier est la décision de Jean-Louis Borloo de ne pas se présenter à la présidentielle ; annoncée le 2 octobre, elle a sans doute permis au chef de l'Etat de récupérer une partie des électeurs qui auraient voté pour son ancien ministre de l'environnement. Le second est l'intervention de M. Sarkozy à la télévision le 27 octobre. Notre enquête, réalisée au lendemain de l'émission, traduit vraisemblablement le sentiment globalement partagé d'un exercice réussi en termes de communication politique.

Reste que ces facteurs conjoncturels n'expliquent pas tout. Depuis la première vague de notre baromètre, réalisée mi-mai, la progression de M. Sarkozy est d'environ 5 points. En l'espace de quelques mois, le président de la République a bel et bien reconquis une partie des électeurs qui l'avaient délaissé, en particulier les retraités, qui avaient massivement voté pour lui en 2007.

La crise semble y être pour beaucoup.

A la question: "Qui est le plus capable de réduire les déficits et la dette ?", M. Sarkozy fait aujourd'hui jeu égal avec M. Hollande, alors que ce dernier le devançait de 7 points début septembre. La progression du chef de l'Etat est notamment très nette parmi les électeurs du MoDem, dont notre sondage révèle par ailleurs qu'ils sont aussi nombreux à tenir François Mitterrand et Lionel Jospin pour responsables de la dette et des déficits que Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy.

En revenant, lors de son intervention télévisée du 27 octobre, sur les conséquences économiques de la retraite à soixante ans et des 35 heures, le chef de l'Etat a touché une corde sensible de cet électorat centriste, qui pourrait être tenté de voter pour M. Hollande par antisarkozysme, mais qui hésite à lui accorder ses suffrages par rejet du socialisme.

Le renforcement de Marine Le Pen.

En 2007, trois candidats s'étaient partagé, au premier tour, les trois quarts de l'électorat : Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou. Déclaré sans l'être tout en l'étant, le président du MoDem ne parvient toujours pas à décoller. Ni le retrait de M. Borloo, ni le flou entretenu par Dominique de Villepin sur ses ambitions ne bénéficient, pour l'instant, au député des Pyrénées-Atlantiques.

Dans un paysage où la gauche de la gauche et les écologistes sont, eux aussi, en stagnation (Eva Joly et Jean-Luc Mélenchon font jeu égal avec, chacun, 6 % des voix), la possibilité de voir Marine Le Pen occuper la troisième marche du podium devient, au fil des semaines, de plus en plus forte.

Depuis le lancement de notre baromètre, la présidente du Front national était créditée d'environ 17 % des voix. Elle frise aujourd'hui les 20 %, niveau qui fut le sien dans les semaines qui suivirent son élection à la tête du FN, le 16 janvier. Ses scores sont particulièrement forts chez les artisans, les commerçants et les chefs d'entreprise : 41 % d'entre eux voteraient pour elle au premier tour.

Cette progression est difficile à expliquer. Si on ne peut exclure un effet de type "vases communicants" entre la courbe ascendante de Mme Le Pen et celle, descendante, de M. Mélenchon, tout laisse penser que la présidente du FN profite de la crise de la zone euro. Si celle-ci s'amplifie, l'on ne voit guère ce qui pourrait freiner la progression de celle qui bénéficie, aujourd'hui, du fait d'avoir joué les Cassandre.

Thomas Wieder


Intentions de vote à l'élection présidentielle