Considérations morales
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La figure de Satan

Pourvu évidemment d'une riche iconographie, Satan résume à lui seul toute la question morale que peuvent poser les différentes interprétations du texte de la Genèse. S'agit-il d'un être autonome, en face de dieu ? mais alors on n'est pas très loin du manichéisme et d'une dualité originaire qui fit le fond de maintes gnoses stigmatisées comme hérétiques. S'agit-il d'un être créé par Dieu mais alors quelle sens donner à un mal voulu et créé par Dieu ? S'agit-il d'un être dont Dieu n'a pu empêcher l'apparition non plus qu'opérer la destruction ? mais alors que reste-t-il de la toute-puissance ?

Cité à trois reprises seulement dans l'AT 1, mais il est clair, dans la pensée juive strictement monothéiste, que Satan ne saurait être une seconde divinité ni accomplir autre chose que la volonté du créateur. C'est sans doute Job qui donne la représentation la plus claire de cet aspect : il y apparaît comme un ange, un conseiller qui, lui aussi, tente de ramener l'homme à Dieu, sauf à considérer qu'il le fait non sous la forme du lien ou du pardon mais sous celle de la provocation : il tente, il provoque et cherche à séparer le bon grain de l'ivraie !

 

L'Éternel dit à Satan: As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n'y a personne comme lui sur la terre; c'est un homme intègre et droit, craignant Dieu, et se détournant du mal. Il demeure ferme dans son intégrité, et tu m'excites à le perdre sans motif.
Et Satan répondit à l'Éternel: Peau pour peau! tout ce que possède un homme, il le donne pour sa vie.
Mais étends ta main, touche à ses os et à sa chair, et je suis sûr qu'il te maudit en face. Jb, 2, 3

Tout est dit ici : la provocation. Il est celui qui se méfie, qui soupçonne ; celui donc qui cherche le conflit pour révéler les dissentiments. Celui qui n'aime pas l'homme - supposé n'adorer Dieu que par intérêt. Le latin provocare le dit assez bien : il s'agit d'un défi, qui lui-même - diffido - traduit le manque de confiance. Celui qu'on défie est celui dont on se méfie, à qui on prête peu de foi, de fidélité. Satan cherche à produire une situation suffisamment douloureuse pour que Job cesse d'avoir confiance - c'est-à-dire foi - en Dieu : il attend - espère - le reniement. Figure exactement antonyme du Paraclet - puisque, décidément, l'on se situe dans le registre de la justice - il est l'accusation face à l'avocat - παράκλητος, celui qui console et intercède ; παακαλεω c'est appeler auprès de soi, d'où mander, inviter, appeler à son secours - et l'on retrouve la même opposition entre de dia de Διάβολος et le sun (cum en latin que l'on retrouve dans convocation) de σύμβολον. Qu'importe de ce point de vue le conflit d'interprétation qui fait de son annonce tantôt la promesse d'un retour de Jésus ou d'un autre, le texte de Jean en tout cas annonce la fonction d'enseigneur des mondes et de consolateur.

il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement

et les trois items sont explicités autant que la référence au Prince de ce monde.

Deux choses paraissent toujours surprenantes à ce sujet :

- que Dieu accepte le pari que lui propose Satan même avec la condition de ne pas attenter à la vie de Job.

- que la Parole divine ne s'impose pas d'elle-même.

La tradition juive le rappelle - ce que mentionne Bernheim - c'est parce que l'interdit initial n'a pas été entendu qu'il fallut le préciser, une première fois avec le Décalogue, une seconde fois avec les 613 mitzvot -מצוה- idée que l'on retrouve aussi dans le Prologue de Jean :

La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue. (...) Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 1.10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a point connue. 1.11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue.

La Parole révèle non l'impuissance mais l'arbitre humain, de manière évidente, mais surtout l'entêtement à sauver, sanctifier ou sanctionner, c'est le même terme, l'humain. Elle est d'union ou de réunion - le sun grec. La grâce est ici dans ce surcroît, ce supplément qui d'ailleurs est double :

- l'infinitude de l'arbitre humain que Dieu même ne peut contre-carrer faute de détruire l'homme lui-même - ce que justement il ne fait pas quand même il l'eût envisagé.

- la promesse du salut

Gn, 6, 5 suggère ce regret de la Création qui produira le Déluge, mais ce dernier se soldera par l'Alliance qui précisément est refus de toute destruction (Gn, 9,11)

J'établis mon alliance avec vous: aucune chair ne sera plus exterminée par les eaux du déluge, et il n'y aura plus de déluge pour détruire la terre.

qui fait écho à Ex,32,9 :

 L'Éternel dit à Moïse: Je vois que ce peuple est un peuple au cou roide.
 Maintenant laisse-moi; ma colère va s'enflammer contre eux, et je les consumerai; mais je ferai de toi une grande nation.
(....) 32,13
Et l'Éternel se repentit du mal qu'il avait déclaré vouloir faire à son peuple.

Tel est aussi le sens de l'Alliance : la punition de la faute ne sera pas la destruction, ni le meurtre. A la violence de l'offense, au crime, Dieu ne répond pas par une autre nouvelle violence. Le cercle est brisé, l'engrenage est rompu. Le prix à payer du libre-arbitre était bien la possibilité de la faute : la réponse, sous l'Alliance, est l'enseignement, la Parole, qui réunissent et non la violence qui divise.

Le pari que lui soumet Satan s'entend de là : il est acceptable aux yeux de dieu à la condition qu'on ne porte pas atteinte à la vie de Job. On peut y lire tel Girard une des nombreuses illustrations du processus victimaire ; il est lui-même victime de la foule qui se retourne contre lui, se soude autour de sa déchéance mais surtout, il est celui que ses proches incitent à se retourner contre dieu, c'est-à-dire finalement, à reproduire le processus mimétique. Ce que précisément il ne fait pas. Pari de l'épreuve, pari cynique au fond, qui jette Job en la même position que celle, volontaire, de Diogène.

Pour Girard, Satan est le nom même de la violence mimétique et la figure de tentation qu'il représente symbolise la médiation interne où il voit tous les dangers. שָׂטָן, en grec, Σατανάς - l'accusateur mais aussi l'adversaire. L'hébreu en fait un nom commun, désignant une fonction plutôt qu'un être.

Il y a pourtant dans l'accusation quelque chose qui devrait retenir notre attention : Satan soupçonne l'homme de ne pas vouloir payer le prix, de chercher à se défausser des conséquences de ses actes. Mais c'est exactement ce que le serpent avait instillé comme tentation à Eve : il n'y aura pas mort, il n'y aura pas de conséquences.

Au fond, Satan est un utilitariste avant la lettre : il n'imagine pas une seconde qu'on puisse se déterminer par autre chose que par intérêt et que n'importe quel acte devient possible, même la rébellion contre Dieu à condition que son auteur puisse légitimement espérer ne pas en subir les conséquences. Toute la modernité et ce depuis les Maximes de La Rochefoucauld, vise à étendre comme évidence les motivations égoïstes :

Depuis plus de trois siècles, la pensée occidentale s'est construite sur l'idée que les hommes, laissés à leurs tendances naturelles, ne visent à rien d'autre qu'à satisfaire aussi rationnellement que possible leurs propres intérêts, à fuir, autant qu'il est en eux, la peine, n'étant soucieux du bien d'autrui que dans la mesure où ils en retirent quelque avantage ou utilité. Les conduites véritablement altruistes et désintéressées n'existent tout simplement pas ou, du moins, ne peuvent jamais être prouvées, tant les ressorts intimes de la motivation risquent de se révéler tôt ou tard de nature intéressée 3

Entre cet égoïsme invétéré où l'on nous invite à voir le réalisme, et l'abnégation altruiste tout empreinte du sacrifice de soi où la tradition nous a habitué à lire un idéal de vertu d'autant plus scintillant que totalement inaccessible, il y a sans doute un moyen-terme - c'est en tout cas ce que suggère l'auteur. Ce qui semble en tout cas clair c'est que l'interdit originel porte justement sur ce désir qui tend à tout assimiler, à tout ramener à soi et que le péché porte précisément sur ces désirs qu'il s'agit non pas d'éradiquer mais de dominer. Ce qui est clair c'est que la vertu morale a partie liée avec le souci de l'autre.

Or, le processus sacrificiel consiste précisément à n'envisager l'autre que comme objet sur quoi déplacer ses responsabilités : choisir, au hasard, la victime pour sortir de l'indifférenciation maximale qui constitue la crise fondatrice, c'est se décharger de toute conséquence en les faisant endosser par un tiers - c'est agir par intérêt et que ce dernier soit collectif ne change pas grand chose à l'affaire.

Le mensonge que représente Satan, mensonge et père du mensonge, est ainsi triple :

il fait croire à l'irresponsabilité

il tait le cycle infernal de la violence

il fait croire qu'il n'est pas d'autre solution que de se soumettre l'altérité.

A l'inverse le médiateur externe qu'est Dieu, mais aussi le Paraclet, celui qui parle en son nom, ouvre par sa transcendance même l'opportunité d'une imitation qui ne soit jamais mortifère et il le fait par trois fois :

- en offrant la toute puissance de l'arbitre et donc la plénitude de la responsabilité qui suppose le souci de l'autre

- en récusant toute violence et en explicitant les mécanismes du processus victimaire

- en offrant l'Alliance

Autant dire que ce que représente Satan c'est à la fois l'immoralité, la violence et la division.

Mais il y a plus : ange déchu, dit la tradition, autrement dit messager qui joue son propre jeu, trahit au lieu de traduire, il fait partie si l'on en croit les textes (Job, 1,6 & 2,1 ) de l'entourage du divin : il est celui qui parcourt la terre et s'y promène. On peut supposer que son rôle est de servir d'intermédiaire entre le divin et l'homme : chérubin protecteur dit Ezechiel. Ce en quoi il faillit semble assez clair : il ne protège plus mais provoque. Il fait cyniquement le tri entre les bons et les mauvais et se soucie peu des faibles qu'il ne secourt pas mais entraîne dans sa chute. Sous peine d'imaginer qu'il y eut une force du mal en face de Dieu, on ne peut pas imaginer que Lucifer veuille autre chose que réaliser la volonté divine mais il le fait sans aménité, sans tolérance, sans soutien - par pure et simple élimination des faibles et des médiocres.

C'est là poser la question classique de la nature du mal qu'un solide monothéisme ne peut poser autrement que comme une défaillance, un moindre d'être, quelque chose qui se situerait entre l'être et le néant. C'est dans cette tension entre l'être et le néant que se joue le fondement de toute morale dans une perspective théologique. En effet, à bien y regarder, il y a dans la figure de Satan une double dimension qui renvoie exactement à la double facette de la Révélation :

- la culpabilité signe la possibilité du mal : que l'homme soit faillible, voici la mauvaise nouvelle, d'autant plus cruciale qu'elle se situe à la racine, dès le début. Que l'homme, en dépit des grâces dont il fut doté, en dépit de la révélation qui lui indique le bon chemin, soit néanmoins susceptible de pencher du côté du mal montre que le mal est à rechercher en l'homme, et, plus précisément, dans la liberté de sa volonté. C'est sa nature d'être libre qui rend possible le mal : ce dernier est donc consubstantiel de la nature humaine. C'est en ceci qu'il est radical : être homme c'est constamment courir le risque du mal. Même un comportement vertueux ne saurait prémunir contre le mal tant il est impossible de savoir si les raisons qui nous y poussent ne sont pas elles-mêmes déjà entachées de quelque désir, inclination ou intérêt. Ce que Satan symbolise c'est justement cette faillibilité-ci.

- la Révélation signe quant à elle la possibilité du salut. Le paradoxe réside dans le fait que la solution se niche dans le problème lui-même : la liberté de la volonté. Que nous fussions irrémédiablement condamnés au mal rendrait toute Révélation autant que toute morale inutile : le fait même de prescrire des commandements, de définir des interdits suppose qu'ils puissent être entendus et suivis. Que ceci soit vrai, effectif ou non importe peu ici ; que l'homme ait ou non les moyens réels de s'en sortir, en tout état de cause la morale va faire comme si. Il y a quelque chose de l'ordre du pari ici : et si la vertu était néanmoins possible ? malgré tout !

Ce pari est le sens qu'il faut donner à celui que Dieu accepte de la part de Lucifer : non nécessairement que Dieu fût certain d'avance que Job ne faillirait pas - on pourrait néanmoins imaginer que la toute puissance le lui permît - mais qu'il en acceptât l'augure comme d'une possibilité réelle. On est loin du pari de Pascal où par un savant calcul des chances l'on miserait ici ou là selon que l'on eût plus à gagner qu'à perdre : il n'a rien ici à gagner ou à perdre mais ce qui est certain c'est que l'arbitre humain ouvre le champ des possibles. Regardons de près sur quoi porte la mise : sur l'homme ! Dieu prend le parti de l'homme ; Lucifer, non ! l'un prend le parti de la création ; l'autre, non ! Autant dire que le pari porte sur le salut, sur la possibilité, même ultime, d'une vie vertueuse - ce que le récit des deux larrons illustre parfaitement :

L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi. » Mais l'autre, le reprenant, déclara : « Tu n'as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c'est justice, nous payons nos actes : mais lui n'a rien fait de mal » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton Royaume. » Et il lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le Paradis.
Lc 23,39

C'est en ceci que la question du mal est cruciale : elle est à la croisée, comme si nulle orientation n'était définitivement engagée, et que l'histoire ne fût pas - tout à fait - écrite d'avance. C'est ici que se joue la grâce... la pesanteur ou la grâce !

Deux histoires ?

Mais si Satan est peu cité dans l'AT, en revanche il l'est à de multiples reprises dans le NT.** Au point qu'on puisse avoir l'impression d'assister à deux histoires parallèles : l'une qui est le grand combat homérique de Dieu contre Satan qui se solde par son enchaînement final ; l'autre, tragique, difficile, aux multiples embûches, qui est celle non point tant de l'homme lui-même que de ses relations avec Dieu. A l'étage supérieur, une eschatologie ; à l'étage inférieur, une morale ; au moins une fable qui se solde par une morale. Ces deux histoires ne sont pas disjointes car l'une est le reflet, l'image de l'autre. Dans les deux cas, l'histoire est inscrite d'avance qui se solde par la défaite du mal ; dans les deux cas un grand combat, oui, d'où ne sortiront intacts que quelques uns - ceux en tout cas qui auront su, même à la dernière minute, se détourner des voies sataniques et rejoindre les préceptes divins.

Le diable qui les séduisait fut jeté dans l'étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux-prophète. Et ils seront tourmentés jour et nuit, aux siècles des siècles. Puis je vis un grand trône blanc et celui qui y était assis. Devant sa face s'enfuirent la terre et le ciel, et il ne fut plus trouvé de place pour eux. Et je vis les morts, les grands et les petits, debout devant le trône. Des livres furent ouverts, et un autre livre fut ouvert qui est le livre de la vie. Les morts furent jugés d'après ce qui était écrit dans les livres, selon leurs oeuvres. La mer donna les morts qui s'y trouvaient, la mort et le séjour des morts donnèrent les morts qui s'y trouvaient, et ils furent jugés chacun selon ses oeuvres. La mort et le séjour des morts furent jetés dans l'étang de feu. C'est la seconde mort l'étang de feu. Quiconque ne fut pas trouvé inscrit dans le livre de vie fut jeté dans l'étang de feu.
Ap, 20, 10-15

Histoire fabuleuse, fantastique, épique, qui aura inspiré l'iconographie religieuse mais aussi toutes les expressions artistiques et exacerbé les imaginaires les plus fertiles, mais histoire, pourrait-on dire, qui ne nous regarde pas, qui, en tout cas, semble peu concerner notre interrogation des fondements de la morale.

Ce serait se tromper lourdement parce que, justement, ces deux histoires paraissent bien être le pendant, le miroir, l'une de l'autre. Bien sûr on pourrait n'y voir que l'allégorie de notre propre faillibilté mais ce serait rater l'essentiel. En érigeant le péché originel en péché héréditaire, en exacerbant la figure de Satan, Augustin et toute la doctrine chrétienne après lui nous enchaîne à une histoire qui nous dépasse.

Une histoire d'abord ou, plus exactement, ce que depuis Hegel on nomme une philosophie de l'histoire. Loin de la considérer comme une série chronologique sans signification, la tradition chrétienne, mais avant elle la tradition judaïque, a toujours voulu interpréter les textes en vertu de la doctrine des quatre sens comme si, derechef, sous le sens apparent, parfois furieusement désordonné, se nichait une signification cachée. Tant et si bien que sous la narration que l'on doit bien prendre au pied de la lettre, pour ce qu'elle raconte, il faudrait aller chercher aussi, pour le moins le sens moral, le sens secret

la lettre enseigne les faits, l'allégorie ce que tu dois croire, la morale ce que tu dois faire, l'anagogie ce que tu dois viser

Héritière en ceci du créationnisme judaïque pour lequel seul Dieu est créateur et qu'en conséquence tout est déjà inscrit et, notamment, dans les textes sacrés, la philosophie de l'histoire tend à considérer que le désordre des événements n'est qu'une apparence qu'il suffirait de dénouer pour en percer la signification morale, le sens secret. Ou, pour parler comme Freud, sous le manifeste, le latent.

Or, précisément ce que racontent les textes réunit bien les différentes caractéristiques d'une philosophie de l'histoire : il s'y agit bien de comprendre le déroulement de l’histoire humaine dans sa totalité ainsi que les lois générales de son développement

- une série qui a un sens - une signification - : qui en a même plusieurs à la fois historiques, culturels, moral, spirituel et mystique

- une série qui a une direction : le salut de l’humanité

- des phases successives qui correspondent chacune à une étape de la réalisation de ce but final : (le péché; la loi mosaïque; la Rédemption par la naissance du Christ; le Jugement Dernier

- une loi d'ordre : les desseins de la Providence divine

- elle a un début - la Création - et une fin - le Jugement dernier - et chaque événement prend son sens en raison même des étapes parcourues

Histoire curieuse mais fascinante où tout semble avoir été écrit d'avance en sorte que puisse être révélé (c'est bien le sens étymologique d'Apocalypse) ce qui avait été caché

13.34
Jésus dit à la foule toutes ces choses en paraboles, et il ne lui parlait point sans parabole,
13.35
afin que s'accomplît ce qui avait été annoncé par le prophète:
J'ouvrirai ma bouche en paraboles, Je publierai des choses cachées depuis la création du monde.( Mt, 13,34 )

Ἀνοί

Ἀνοίίξω ἐν παραβολαῖς τὸ στόμα
μου, ἐρεύξομαι κεκρυμμένα  πὸ καταβολῆς
κόσμου.

On sait que Girard verra dans ce dévoilement la dénonciation du processus victimaire et que cette dénonciation est intimement liée à la crucifixion elle-même, celle d'une victime innocente, qui le sait et le proclame et, ce faisant, rendrait à l'avenir impossible, inefficace en tout cas, toute victimisation ultérieure. On aurait bien ici deux étapes essentielles, celle initiale des religions premières pratiquant le processus sacrificiel comme manière sinon de résoudre, au moins de canaliser la violence humaine, puis celle, chrétienne, et ce serait en ceci que consisterait la Bonne Nouvelle, le dépassement du processus victimaire.

Pour autant cette révélation se fait sous la forme de parabole - et l'on sait qu'il y en a de nombreuses dans le NT : figure de l'allégorie, la parabole illustre un enseignement, une morale par une courte histoire tirée de la vie quotidienne. παραβαλλω en grec c'est jeter de côté mais c'est aussi conduire, transporter ; tant et si bien que παραβολη désigne à la fois la comparaison, l'allégorie et l'action de s'écarter du droit chemin.

R Girard 6 voit dans la parabole une manière pour l'orateur de se prémunir de la violence de la foule ; je vois plutôt dans la transposition du discours l'obligation pour l'auditeur de se l'approprier, et donc de la traduire. Tout se joue ici,qui n'est pas rien et où l'on retrouve Saint Augustin : s'il lui semble hérétique de considérer que l'homme puisse par le seul truchement de sa volonté assurer son propre salut, et donc sans l'aide de dieu , en revanche ceci ne signifie aucunement que l'homme n'ait rien à faire, qu'il soit en la matière purement passif. On ne dira jamais assez combien dans la connaissance il y a relation entre le sujet et l'objet et que cette relation est complexe au moins dans le sens où elle est dynamique et s'offre de nombreuses boucles de rétroaction. Serres y voit un contrat 7 - sans doute ! J'y vois toute la différence qu'on peut mettre entre connaissance et sagesse. 8 Dans le terme de philosophie c'est bien philia qu'il faut encore inventer c'est-à-dire très exactement inventer ce rapport au savoir qui engage, qui implique et donc une connaissance qui ne soit pas enjeu de pouvoir et donc de concurrence, qui ne soit pas enjeu de consommation et donc de sommation. Cette part-ci est celle de l'homme. On peut convenir avec Saint Augustin qu'il n'y parviendrait sans doute pas seul ; on peut convenir avec Pélage que cette part lui demeure. Satan laisse entendre qu'il n'y a rien à faire, qu'à laisser faire : c'est en cela qu'il est menteur.

Thalès, le maladroit, dit la chronique, que Platon se plaît à répéter, était tellement distrait, envahi de curiosité et ivre de connaissance à conquérir que, nez dans les étoiles, il tomba dans un puits. Mais ici, comme pour l'ombre portée par la pyramide qui lui permit de mesurer la hauteur de la pyramide, c'est bien de l'ombre que naquit le savoir. Qu'aveugle le soleil, qui ne se peut regarder en face, mais qu'en même temps ce soit l'ombre qui révèle désigne assez bien ce grand mouvement d'aller et retour entre le sujet et l'objet que dit assez bien le terme grec qui désigne le vrai : dévoilement. Pas plus que dans les sciences expérimentales où Bachelard a raison de noter que rien ne va de soi, rien n'est donné, tout est construit***, la sagesse n'est une affaire de réception passive sauf à considérer ici que le travail de construction porte sur le sujet de la connaissance au moins autant que sur l'objet.

Je vois plutôt dans la parabole, dans ce pas de côté, quelque chose comme un nouveau rapport au savoir, qui engagerait autant l'objet que le sujet, une connaissance qui ne serait pas un enjeu de puissance ou de gloire et donc le risque de conflits mais au contraire de reconnaissance et de paix.

Cet écart, finalement, peut prendre plusieurs sens : c'est celui, d'abord, du retrait, dans sa librairie ou ailleurs, pour méditer ; celui du silence donc ; mais c'est celui aussi de l'invention et de l'art, on l'oublie trop, qui ne s'épanouit pas sur la place publique ; c'est celui encore de la transcendance qui empêche tout mimétisme destructeur qui la fait ne pouvoir jamais être vue mais sans cesse retrouvée, réinventée; c'est enfin celle de dieu, absent au moment du péché originel, comme pour mieux laisser le champ libre à l'arbitre humain. Le secret est peut-être ici, de ces deux histoires : celle d'un dieu qui ne saurait intervenir et empêcher l'homme de faillir sans ressembler à son ennemi - comme Diogène à la fin finit par jouer sur les mêmes marques qu'Alexandre - tant c'est finalement bien la liberté au moins autant que la vie qui sont au coeur de la création. Parler de la religion de l'amour a un sens du coup : pour autant qu'il s'y agit de la rencontre de l'autre et du souci d'être à sa hauteur et de se mettre à son service sans pour autant se nier soi-même ; de mettre de la vie où il n'y avait que de l'inerte ; dans la mesure même où il s'agit de rencontre et de reconnaissance de l'altérité.

Aime ton prochain comme toi-même m'aura toujours semblé essentiel et, sans doute, le versant positif du Décalogue à la fois parce que le précepte n'exige pas l'abnégation et la soumission mais aussi et peut-être surtout parce qu'il envisage l'autre comme celui qui s'approche révélant au mieux ce qu'il peut y avoir ici de dynamique, de rétroactions, de complexités infiniment renouvelées. Mais celui qui s'approche ne le peut que parce qu'il est éloigné : pour qu'il y ait ce retour, il fallait bien, préalablement, qu'il y eût un aller. Cet écart de la parabole, de ce que l'on jette sur le côté, n'est finalement que la promesse d'un retour possible - que justement le diable barre.

Alors oui, la parabole est ce qui empêche la connaissance d'être un prêt à consommer . Alors oui, ces deux histoires sont parallèles : qu'importe qu'on imagine le diable être un être réel ou seulement une parabole : c'est qu'en réalité il est ce qui réifie et traque la faille. Dans la tradition chrétienne, Dieu secourt les faibles, les soutient ; Satan n'attend pas : il provoque et fait chuter. Bien plus que dans le surcroît de violences, de conflits et de meurtres qui n'est peut-être que l'illusion de l'inflation d'informations dont nous sommes submergés, c'est dans le temps précipité, impatient et nerveux que le lis plutôt le piège luciférien. Il faut du temps pour faire un homme

Détruire un homme c'est difficile, presque autant que le créer: cela n'a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, vous n'avez plus rien à craindre de nous: ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge 9

Figure du scandale ?

Tout dans cette histoire n'est peut-être finalement qu'affaire de pierre et d'arbre. Pierre d'achoppement ; pierre angulaire. Pierres qui se ressemblent de s'éviter, sur quoi l'on fonde et qui portent sur les sculptures qui les ornent les traces de la tragédie qu'elles camouflent malaisément. Le scandale est ici que nous ne parvenons pas à éviter, dans ces fondations qui toutes s'adossèrent à un meurtre initial, à une rivalité mimétique.

Il est pourtant, dans le récit de Tite Live 10 récit qui prend place au moment où Rome chasse Tarquin le Superbe et tente de se refonder sous l'aune de la liberté, il est oui une occurrence où quelque chose se fonde qui ne cache pas un meurtre.

Les possessions de la famille royale furent abandonnées au pillage royal : Rome sut, bien avant la Convention, rendre le temps irréversible. Oh, certes, on se contenta de chasser Tarquin mais, symboliquement au moins, on l'atteint par le pillage de ses possessions. Ses terres, dit le texte, étaient entre ville et Tibre et ce détail même importe qui ouvre la fondation dans l'interstice rare où se jouxtent dedans et dehors, culture et nature mais, pour une fois pas sous la forme brute et solide du bois, de la forêt, mais sous celle infiniment souple de l'eau, source de vie mais en même temps tellement dangereuse ! Les villes aiment à s'adosser aux fleuves qui les bornent en même temps que les protègent ; qui les nient en même temps d'être voie de passage, circulation infinie quand elles tentent d'inventer au contraire le siège. D'entre-deux, ces terres marquaient la puissance qui s'exhibe hors des murs et mimaient le geste antique du berger laissant s'égayer son troupeau. Rome trace l'empire qui s'étend en s'appropriant ces champs et les sacra en les consacrant à Mars. Quoi de plus normal après tout, Mars n'est-il pas le père des jumeaux ?

On pourrait croire ici une redite rituelle du meurtre primitif et traduire cette ritualisation comme la forme même de la culture qui canalise la violence comme elle peut ; on pourrait y lire derechef la théorie même du pouvoir qui fait de la royauté le moment parfois très court qui va du meurtre qu'il a perpétré jusqu'à son propre assassinat. Mais ici, curieusement, pas de meurtre ! la foule est rassemblée, non pour piller, même pas pour récolter et consommer le blé : elle se contente de rassembler les épis et les jettent dans le fleuve. Basses eaux du fleuve aidant sans doute, le blé s'entassa dans le lit et finit par former une ile. Sans doute, ajoute Tite Live y contribua-t-on par quelques remblais, toujours est-il que voici la chose est assez insolite, une fondation sans violence et sans terre.

Moment rare que cette fondation fragile sans soute : cette ile dit Tite Live formera pierre de soutènement qui porteront temples et autre portiques. Sous la gloire rendue à Mars, juste en dessous, une réalité presque atone, calme d'un temps qui ne passe pas. Moment rare que ces si basses eaux qui ne s'écoulent plus : viendra demain l'orage, les pluies et les crues ; les eaux monteront et l'histoire tragique pourra commencer : l'un s'y noiera ; d'autres en seront sauvés qui fonderont la ville. La tragédie de l'histoire est celle des eaux qui s'écoulent et inventent le temps qui passe. Mais pour le moment, rien ou presque rien - blé et eaux entremêlés : la vie. Simplement !

Cette configuration est anodine : il faudra y revenir. Elle laisse entendre que sous le tombeau que l'on cache et qui fait la fondation, il y a encore quelque chose - presque rien : le monde !

Nous avons appris à lire les temps de fondations comme des combats épiques, pleins de bruits et de fureurs : se pourrait-il qu'il y eût, avant cela, au moment qui précède la fondation un tel moment - presque d'éternité - où ce qui naît procéderait plutôt de la lente coagulation, de l'imperceptible coalescence qui fait le geste si précieux du berger ressembler à l'éclosion de l'être et de la pensée. Comment ne pas penser aux trois temps de Braudel et à celui-ci surtout si lent qu'il en paraît presque immobile mais qui pourtant soutient notre histoire ? Comment ne pas songer à ce septième jour où contemplant l'oeuvre achevée et la présumant bonne, le créateur décida de se reposer ? Comme si le sens même du tumulte était le silence du recueillement ou que le sens même du mouvement fût le repos.

Ce temps-là, rare, précieux pour le calme dont il est l'invite, rassemble la prière et la pensée qui sont toutes deux de l'ordre du recueillement. Ce temps-là est de vérité car il est remontée lente de ce qui jusqu'alors avait été caché. On aimerait à entendre le lointain écho de ces toutes premières secondes de l'univers ....

Ce temps-ci assurément est celui de la grâce.

(suite)
De la grâce


1)

- Jb I,6
- 1Ch XXI,1
- Za III,1

2) Jn 14, 26 et 16, 5

Mais le consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. 14.27 Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre coeur ne se trouble point, et ne s'alarme point. 14.28 Vous avez entendu que je vous ai dit: Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père; car le Père est plus grand que moi. 14.29 Et maintenant je vous ai dit ces choses avant qu'elles arrivent, afin que, lorsqu'elles arriveront, vous croyiez. 14.30 Je ne parlerai plus guère avec vous; car le prince du monde vient. Il n'a rien en moi; 14.31 mais afin que le monde sache que j'aime le Père, et que j'agis selon l'ordre que le Père m'a donné, levez-vous, partons d'ici.

Maintenant je m'en vais vers celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande: Où vas-tu? 16.6 Mais, parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur. 16.7 Cependant je vous dis la vérité: il vous est avantageux que je m'en aille, car si je ne m'en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m'en vais, je vous l'enverrai. 16.8 Et quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement: 16.9 en ce qui concerne le péché, parce qu'ils ne croient pas en moi; 16.10 la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus; 16.11 le jugement, parce que le prince de ce monde est jugé. 16.12 J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. 16.13 Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir. 16.14 Il me glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera. 16.15 Tout ce que le Père a est à moi; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prend de ce qui est à moi, et qu'il vous l'annoncera. 16.16 Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et puis encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais au Père.

3) M Terestchenko, Un si fragile vernis d'humanité, Paris, La Découverte, p 9

4) Cité par Henri de Lubac, Exégèse médiévale : les quatre sens de l’Écriture, t. I, Paris, Aubier-Montaigne, 1959, p. 23

5) Kant La religion dans les limites de la simple raison. Première dissertation- De l'inhérence du mauvais principe à côté du bon, ou du mal radical dans la nature humaine. pages 69 à 71)

La restauration en nous de la disposition primitive au bien n'est donc pas l'acquisition d'un mobile pour le bien, mobile perdu par nous, car ce mobile, qui consiste dans le respect de la loi morale, nous n'avons jamais pu le perdre, et, si c'eût été possible, nous ne pourrions jamais plus de nouveau l'acquérir. Il ne s'agit donc que de restaurer la pureté du mobile en tant que fondement dernier de toutes nos maximes, et, par là même, il doit être accueilli dans le libre arbitre non uni seulement à d'autres mobiles ou peut-être même subordonné à eux (c'est à dire aux inclinations) comme conditions, mais en toute sa pureté, en qualité de mobile, en soi et suffisant, de détermination de ce libre arbitre

6) Girard, Le bouc émissaire, p 270

paraballo signifie jeter quelque chose en pâture à la foule pour apaiser son appétit de violence, de préférence une victime, un condamné à mort; c'est ainsi qu'on se tire soi-même d'une situation épineuse, de toute évidence. C'est pour empêcher la foule de se retourner contre l'orateur que celui-ci recourt à la parabole, c'est-à-dire à la métaphore.

7) Serres, Hominescence p 186

8) Serres, Détachement p 140

Le monde est large et beau. Il est si beau que l'ouvrier qui l'avait, toute la semaine, produit, subitement, un beau Dimanche, devint Dieu. Il devint bon devant le monde beau, à reconnaître que son oeuvre était bonne.
Si la science était belle et bonne, les savants se transfigureraient à travailler une telle matière et cela se verrait. Si les savants devenaient meilleurs, meilleurs de leur oeuvre, ce serait le signe que cette oeuvre est bonne, et que la science est hors de l'ombre d'Alexandre, et cela se verrait. Si ce changement n'a pas lieu, c'est que la science n'est pas belle et bonne. Peut-être faut-il inventer, d'urgence, une science nouvelle où les savants s'amélioreraient: ôte donc ton ombre, Alexandre.
Autrement et mal dit, si l'épistémologie se réduit à une logique du fonctionnement des méthodes assortie d'une sociologie concrète des groupes en conflit, alors la science n'est plus que l'ordure ordinaire. Tout en elle vient de la puissance et se change en puissance, vient de la gloire et se transforme en gloire, vient de l'or et se transmute en or. La science contemporaine qui a depuis longtemps percé les secrets, les vieux secrets de la transmutation, sera couverte de la honte historique d'avoir découvert la pierre philosophale à l'envers. Tout, à la fin, se transmute en or, mais l'ouvrier reste inchangé.

9) Primo Levi, Si c'est un homme, p 160

10) Tite Live Ab urbe condita, II, 5

1) Quant aux biens du roi, dont la restitution avait été d’abord décrétée, la chose fut remise en délibération dans le sénat, qui, cédant à son ressentiment, refusa de les rendre, et refusa même de les réunir au domaine public. (2) On en abandonna le pillage au peuple, afin qu’ayant une fois porté la main sur les dépouilles royales, il perdît pour toujours l’espoir de faire la paix avec les rois. Les champs des Tarquins, situés entre la ville et le Tibre, furent consacrés au dieu Mars, et ce fut depuis le Champ de Mars. (3) Il s’y trouvait alors du blé prêt à être moissonné, et comme on se faisait un scrupule religieux de consommer la récolte de ce champ, on envoya une grande quantité de citoyens, qui coupèrent les épis avec la paille, et les ayant déposés dans des corbeilles, les jetèrent tout à la fois dans le Tibre, dont les eaux étaient basses, comme elles le sont toujours dans les grandes chaleurs. On prétend que ce blé s’arrêta par monceaux sur les bas-fonds du fleuve, en se couvrant de limon ; (4) et que peu à peu, tout ce que le Tibre emportait dans son cours s’étant accumulé sur ce point, il s’y forma enfin une île. J’imagine que dans la suite on y rapporta des terres, et que la main des hommes contribua à rendre ce terrain assez élevé et assez solide pour porter des temples et des portiques.

(5) Après le pillage des biens de la famille royale, on condamna les traîtres au supplice ; et ce supplice fut d’autant plus remarquable que le consulat imposa à un père l’obligation de faire donner la mort à ses propres enfants, et que le sort choisit précisément pour assister à l’exécution celui qui aurait dû être éloigné d’un pareil spectacle. (6) On voyait attachés au poteau des jeunes gens de la plus haute noblesse ; mais les regards se détournaient de tous les autres, comme s’ils eussent été des êtres inconnus, pour se fixer uniquement sur les fils du consul ; et l’on déplorait peut-être moins leur supplice que le crime qui l’avait mérité. (7) Comment concevoir que ces jeunes gens aient pu, dans cette même année, former le dessein de trahir la patrie à peine délivrée, leur père, son libérateur, le consulat qui a pris naissance dans leur famille, le sénat, le peuple, tous les dieux et tous les citoyens de Rome, pour les livrer à un scélérat qui, jadis tyran orgueilleux, ose maintenant les menacer du lieu de son exil ?

(8) Les consuls viennent s’asseoir sur leurs chaises curules, et ordonnent aux licteurs de commencer l’exécution. Aussitôt ceux-ci dépouillent les coupables de leurs vêtements, les frappent de verges, et leur tranchent la tête. Pendant tout ce temps, les regards des spectateurs étaient fixés sur le père ; on observait le mouvement de ses traits, l’expression de son visage, et l’on put voir percer les sentiments paternels au milieu de l’accomplissement de la vengeance publique. (9) Après la punition des coupables, les Romains voulant, par un autre exemple, également remarquable, éloigner de semblables crimes, accordèrent pour récompense au dénonciateur une somme d’argent prélevée sur le trésor, et de plus la liberté et les droits de citoyen. (10) Ce fut, dit-on, le premier esclave mis en liberté par la vindicte ; quelques-uns même pensent que le nom donné à cette baguette vient de cet homme, et qu’il s’appelait Vindicius. Depuis on se fit une règle constante de regarder comme jouissant du droit de cité tout esclave affranchi de cette manière.


 

Les références à Satan dans la Bible :

Ap 12.7-12; Ap 20.1-3,7-10

1. L'origine de Satan

(Ez 28 .11- 15)
Elle nous est donnée par cette description allégorique. Il est"chérubin" protecteur sur la montagne de Dieu".

2. La chute de Satan

(Es 14.12-15)
la chute de Satan et sa cause: l'orgueil. Conséquences:

Précipité ds les lieux célestes (Ez 28.16;Ez 6.12) il devient le séducteur de toute la terre. (Ap 12.9)
il a été jugé à la croix de Christ (Jn 12.31; Col 2.15) mais peut encore agir.
il sera précipité des lieux célestes sur la terre, dans un proche avenir (Ap 12.7-10,12);
il sera lié pour mille ans dans l'abîme, pendant le règne de Christ (Ap 20.1-3);
il sera jeté dans l'étang de feu et de soufre pour l'éternité (Ap 20.10; Mt 25.41).


3. La personne de Satan

Créature de Dieu il ne possède pas l'éternité, l'omniscience, l'omnipotence, l'omniprésence.
Le (grand) Dragon (Ap 12.9,13)
Le serpent (ancien) (Ap 12.9,15)
Satan (adversaire) (Mt 4.10)
Diable (calomniateur) (Mt 4.1)
L'ennemi (Mt 13.38)
Tentateur (Mt 4.2)
Méchant (Mt 13.38)
Chef de ce monde (Jn 12.31; Jn 14.30)
Chef de l'autorité de l'air (Ep 2.2)
Dieu de ce siècle (2 Co 4.4; cf 1 Jn 5.19)
Prince des démons (Mt 12.24)
Père du mensonge (Jn 8.44)


4. L'action de Satan contre l'humanité

En vertu de sa nature même, il n'agit que dans un esprit de méchanceté (cf. 2 Co 6.15; "Bélial" = méchanceté) et il est à l'origine du mal sur la terre (Gen 3.1-6; Ap 12.9).
Il est l'agent du mal (Jn 13.2; Mt 13.38; Ac 5.3)
Il est menteur (Jn 8.44) et rusé (Ep 6.11)
Il se déguise pour tromper (2 Co 11.14) yc en faisant des miracles (2 Th 2.9-10).
Il séduit (Ap 12.9; 2 Co 11.3)
Il est meurtrier (Jn 8.44; cf. 1 Jn 3.11-12)
Il aveugle l'intelligence (2 Co 4.4; cf. Ep 4.18)
Il cherche à neutraliser l'action de la parole de Dieu (Mc 4.15)


5. Les démons

Satan a entraîné dans sa révolte et sa chute une partie des créatures célestes (cf. Ap 12.7-9). Parmi ces anges déchus il y a ceux qui sont gardés en prison (2 Pi 2.4; Jud 1.6) et ceux qui ont la liberté d'agir.
Les démons sont les agents de Satan (Luc 13.11-16); ils sont impurs, méchants, violents et séducteurs (Mt 10.1; Mt 12.45; Mc 9.20; 1 Tm 4.1).
Il y a une recrudescence de l'activité des démons à la fin des temps (2 Th 2.9-10; Ap 16.14)
La fin des anges déchus est d'être "dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges" (Mt 25.41).