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Préalable
risque
Lié au monde
autochtonie
exigence d'universalité
Habiter : autour d'Heidegger
Habiter : deux lignes
selon E Morin
selon Serres

Habiter

L'approche de M Serres

Dans le Mal propre, Serres établit un lien très étroit entre la pollution et l'appropriation renvoyant nos comportements à un vieux fond animal qui ne s'est pas démenti et attestant surtout combien le processus d'hominescence - hominisation ? - serait loin d'être achevé.

Pisser aux quatre coins pour marquer son territoire, ensevelir ses morts, cracher dans la soupe pour que plus personne d'autre n'y revienne, autant de gestes qui se retraduisent dans la modernité, par l'enlaidissement des villes, la dégradation des sols, de l'atmosphère etc ...

Cette guerre contre le monde serait une guerre de propriétaires.

Serres avait en son temps fait débuter son Contrat Naturel par le duel au gourdin de Goya remarquant au passage, ce qui lui semblait emblématique de notre situation, combien le duel entre les deux hommes occupait toute la place et que le cadre où il prenait place était confus, flou. En réalité ces sables mouvants où les deux hommes s'enfoncent évoqueraient deux idées, modernes toutes les deux :

- nos récits sont emplis d'hommes - surtout de la lutte entre les hommes, leurs convoitises, leurs conflits, leurs alliances ou leurs rites, mais où le monde est au mieux un décor, sans âme, sans importance autre qu'anecdotique (24). La nature n'est pas un sujet, pas plus digne d'intérêt qu'il n'est sujet de droit contrairement à la période médiévale où une forêt pouvait parfaitement ester en justice contre les exactions perpétrées contre elle - ce qui est d'autant plus ironique que forêt dérive étymologiquement de for qui donnera tout aussi bien forum, un espace de débat, et signifie tribunal. Même ici nous avons effacé le lieu au profit du tribun qui l'occupe. L'histoire est tellement une affaire d'homme que nous la biffons en deux rejetant dans la pré-histoire confuse, bruyante et barbare tout ce qui précède les traces que nous pouvons laisser, manquant de peu de considérer comme barbares les cités non dotées d'écriture (25)

Il y a un tableau de Goya, Duel à coups de gourdin, qui l'explique très bien. On y voit deux hommes se battre avec des bâtons. De ce jeu à deux, qui va sortir gagnant ? Quand Hegel met aux prises le maître et l'esclave, il donne le résultat de leur lutte (l'esclave devenant le maître du maître), mais il oublie de dire où se déroule la scène. Goya, qui est peintre, ne peut pas se permettre cet oubli, et il situe cette bagarre... dans les sables mouvants. A mesure que les deux hommes se tapent dessus, ils s'enfoncent ! Et voilà pourquoi le jeu à trois, aujourd'hui, devient indispensable. Serres

ou en 2009, lors d’une conférence à Bordeaux sur la crise contemporaine :

A l’instar du tableau de Goya “Duel à coups de gourdin », nous nous écharpons dans de vains combats tandis qu’à chaque coup de gourdin, l’un et l’autre, nous enfonçons dans les sables mouvants. Ces sables mouvants, c’est notre Monde…

 

- ce monde que nous avons nié est en train de nous engloutir et il y a tout lieu de penser que ce sont les coups que nous nous assénons à nous-mêmes qui en sont la cause. Nous n'avons pas fait entrer le monde dans notre histoire, ne l'avons ni socialisée ni humanisée mais seulement mise à l'écart ou à disposition. Nous nous en sommes protégés i.e l'avons recouverte de nos antagonismes, bruits et fureurs.
Cela fait depuis bien longtemps que Serres plaide pour ce jeu à trois qui impliquerait la nature. Sans doute n'a-t-il pas tort de considérer que par guerre mondiale il faut désormais entendre la guerre que nous avons déclarée au monde et qui ne peut que se solder par notre défaite ; d'observer que nous n'avons pas encore acquis cette conscience planétaire qui nous permettrait dans les conférences internationales consacrées au climat de n'avoir pas seulement de représentants défendant leurs intérêts nationaux mais au contraire ceux du monde ; oui c'est vrai nous avons sans doute désormais une conscience et des débats internationaux ; mais une conscience mondiale sûrement pas encore.

Cet homme que Serres observe en train de se forger - hominescence - ne serait sans doute pas sorti encore de ses comportements les plus archaïques

 

Posséder ou le grand délire de la domination

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eut point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant un fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.
Rousseau Discours Partie II

Rousseau a tort en faisant de la propriété une réalité conventionnelle résultant d'un coup de force - ou d'audace. C'est en tout cas ce qu'estime Serres qui y voit plutôt une origine éthologique. Signe s'il en est que la propriété se situe bien au carrefour de notre rapport au monde tant s'y retrouvent et opposent à peu près toutes les théories - même s'il est vrai qu'on peut néanmoins les regrouper en deux grandes familles : s'y croisent à peu près tous les savoirs - du droit impliquant d'ailleurs toujours une philosophie implicite au politique ; de l'économie à l'anthropologie etc.

On peut assurément discuter de son origine et en faire soit un droit naturel, et pour cela imprescriptible soit, au contraire, un droit positif résultant d'un rapport de force et consacré par la suite par le droit positif. Il est assez logique que Rousseau, d'avoir pris l'hypothèse d'école d'un contrat venant rompre la rudesse de l'état de nature, tout en sachant pertinemment que celui-là ne saurait en aucune manière correspondre à un moment historique précis mais bien plus à un schéma logique, en fut conduit à considérer la propriété comme l'effet direct de la loi du plus fort. L'essentiel n'est peut-être pas là pour ce qui nous concerne mais :

- dans la nécessité pour que propriété il y ait, qu'elle soit reconnue par l'autre, de gré ou de force, par sottise, faiblesse ou intérêt.

- dans ce que la propriété dit peut-être, en tout cas appelle le droit, mais affirme d'abord la domination. Qui possède, être, lieu ou chose qu'importe ici c'est tout un, maîtrise. Posséder : de possido se rendre maître de, s'emparer dérivé de sido s'asseoir, se fixer, s'arrêter s'affaisser - en grec ιζω - même sens avec l'idée aussi de se placer en embuscade, de s'enfoncer. Qui possède, profite en maître c'est-à-dire en titre profit ou jouissance. En dispose à sa convenance. S'installe. Fiche un pieu dans la terre, creuse une tombe, conchie le sol, qu'importe c'est tout un. Est-ce vraiment un hasard si habiter dérive de avoir, ou que dominer à la même souche que maison - domus ? Le maître l'est d'abord de son corps, de celui de l'autre qu'il pénètre et possède, de sa maisonnée avant de s'étendre vers l'extérieur. Tite-Livene raconte pas d'autre histoire : le fondateur, enterre son jumeau ; griffe le sol de son sillon ; trace d'entre l'intérieur et l'extérieur, le sacré et le profane : il est roi de posséder ; il possède de poser ses marques.

Si certains entendent la propriété plutôt comme un droit naturel inaliénable lié à la liberté individuelle quand d'autres à l'instar de Rousseau la conçoivent comme un droit positif défendu par la loi mais ne pouvant être en contradiction avec l'intérêt général et pouvant en conséquence être, à l'occasion limité, si manifestement elle aura été entendue comme une des formes archétypales de la présence de l'homme au monde, la manière la plus évidente de son affirmation dans le collectif social, tous, en tout cas, s'accordent pour considérer dans la propriété la source de tous les conflits. L'appropriation est mimétique, en tout état de cause et si devait être considéré quelque progrès dans la civilisation ce ne serait tout au plus que dans le déplacement de la violence vers le symbolique, le rituel ; la représentation.

Devenir comme maître et possesseur de la nature disait Descartes, rejoignant le On ne commande la nature qu'en lui obéissant de F Bacon ... oui décidément nous n'aurions pas véritablement changé d'objectif même si nous avons changé de moyens, passant du matériel au logiciel. Habiter c'est prendre possession, se mettre en avant ; réduire. Souiller et polluer.

Spinoza et Comte Il est peu douteux que la grande mutation qui se produit aux alentours du XVe siècle, avec d'un côté, le développement soudainement fécond des sciences physiques, le surgissement de la Réforme protestante qui allait affirmer comme valeur centrale la liberté d'examen et de conscience, mais de l'autre la diffusion dès lors fulgurante du savoir via l'imprimerie, représenta, événement inédit depuis depuis l'Antiquité greco-latine, l'affirmation de la précellence de l'homme et s'entendit au reste explicitement comme tel. Que ce soit avec la mythologie grecque ou avec le judaïsme, que ce soit même avec le sentiment religieux archaïque souvent fétichiste - ceci A Comte l'avait plutôt bien vu (27) - le monde est perçu soit comme animé par des êtres soit encore comme leur appartenant. Que ceci provienne de la tendance constante, génératrice de tous les préjugés à tout entendre d'après soi-même et donc à supposer que tous les phénomènes soient réglés par une finalité (28) ou que ce soit par nécessité d'une théorie quelconque ne change rien à l'affaire : tant que le monde est perçu comme animé ou même divin, tant qu'il est perçu comme appartenant à un dieu, logiquement le champ d'action de l'homme y sera limité ou soumis à l'aval des puissances surnaturelles. Il est caractéristique que même lorsque ces puissances célestes ne sont pas perçues comme particulièrement bienveillantes - ce qui est notamment le cas pour les grecs qui conçoivent plutôt le monde comme chaos nécessairement douloureux et Zeus comme ce dieu qui ne trouve pas de place réelle à attribuer à l'homme dans le grand ordonnancement qu'il entreprend - Pandore et Prométhée le suggèrent tellement bien - l'action humaine est limitée à ce petit espace, provisoire et fragile, de la cité ; restreinte à une logique de protection et de défense mais assurément pas de conquête et de domination.

Autant dire qu'entre les dieux et la technique, il y a bien une incompatibilité originaire : pour que l'homme puisse se déployer dans le monde, ne pas se contenter d'y survivre mais au contraire en faire le terrain de son développement, il faut bien qu'il se mesure avec les dieux et, en fait, les expulsent du monde. Assurément, la transcendance du dieu chrétien représente l'apogée de ce mouvement faisant de l'homme le gardien, plus ou moins fidèle, du temple ; le jardinier d'une création qu'il eût à entretenir ad majorem gloriam dei, mais qui, précisément, ne lui appartenait point.

Éclate ici toute l'ambiguité de l'humanisme, à la fois affirmation de l'humain mais négation du monde, que souligne assez bien E Morin :

- d'un côté l'avancée incontestable de la reconnaissance de l'humanité de l'autre que portent aussi bien Montaigne que toute la tradition des Lumières et qui débouchera sur la déclaration des droits de l'homme, le refus de cette tendance spontanée à rejeter hors de l'humain tout ce qui vous est éloigné ou étranger dont témoigne Levi-Strauss aussi bien que Jean-Claude Carrière dans la relation qu'il fit de la Controverse de Valladolid avancée sur laquelle il importe évidemment de ne pas revenir

- de l'autre, la régression qui consista à se croire, assis que nous sommes sur les sciences et techniques modernes, possesseur et dominateur du monde au prix d'une dégradation de ce dernier qui met notre avenir en cause.

Serions-nous en train de passer subrepticement d'une logique de propriétaires à une logique de locataires ? C'est en tout cas ce que suggère Serres soulignant que les objet mêmes que nous acquérons et consommons, souvent à crédit, portent tous désormais la marque de leurs fabricants comme si nous n'en étions que les usufruitiers provisoires qu'accentue encore l'obsolescence de longtemps calculée de ces objets.

Le Contrat naturel dénonçait, en préambule, l'ordre cartésien, acte agressif et léonin d'appropriation; nous ne devons plus nous faire maîtres et possesseurs de la nature. Le nouveau Contrat devient un traité de location
Le Mal propre p

La fête des Cabanes, qui célèbre les tentes hâtivement dressées durant l'Exode, le suggère, la figure du Christ le confirme, lui né dans une étable, fils d'une vierge, mort sans sépulture nous sommes peut-être entrés, avec le monothéisme dans une configuration religieuse où s'effacent les frontières tracées par les pulsions de possession, où le modèle prescrit va à l'universalité, où le lieu qu'on occupe, toujours transitoire, vaudrait moins que celui vers où l'on s'efforce qui n'est, de toute manière pas de ce monde, mais s'engage en terme de proximité d'avec le divin.

Ἀπεκρίθη Ἰησοῦς, Ἡ βασιλεία ἡ ἐμὴ οὐκ ἔστιν ἐκ τοῦ κόσμου τούτου
Mon royaume n'est pas de ce monde, répondit Jésus
Jn, 18,36

La phrase résonne drue mais si elle prend un sens théologique évident, elle a une portée métaphysique considérable, d'autant, on l'a vu, qu'elle ne concerne pas que la personne du Christ, mais via les juifs, l'humanité tout entière. De passage, en transit ; en constante transhumance.

La suite mérite qu'on s'y arrête :

εἰ ἐκ τοῦ κόσμου τούτου ἦν ἡ βασιλεία ἡ ἐμή, οἱ ὑπηρέται ἂν οἱ ἐμοὶ ἠγωνίζοντο, ἵνα μὴ παραδοθῶ τοῖς Ἰουδαίοις: νῦν δὲ ἡ βασιλεία ἡ ἐμὴ οὐκ ἔστιν ἐντεῦθεν.

Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas.

υπηρετης c 'est bien le terme utilisé ici qui désigne aussi bien le matelot sous les ordres d'un chef que le serviteur de l'hoplite. Le verbe correspondant - υπηρετηω- désigne bien l'obéissance à un maître ou au moins son assistance mais encore la docilité que l'on prodigue à son endroit. Tout a l'air de se passer comme si être de ce monde revenait nécessairement à engendrer des conflits ou au moins à les entretenir et qu'ils ne fût pas d'alternative au binôme roi/serviteur - Βασιλεύς/υπηρετης - dès lors que l'on eût proclamé ce hic et nunc, ce je suis d'ici. On n'aura jamais complètement tort lorsqu'on proclamera avec un Nietzsche, par exemple, que ces arrières-mondes ne seraient jamais que des consolations autorisant juste à supporter ce que le monde a de cruel, de dur et de contradictoire. Mais précisément si cela revient à justifier ce dur-ci, qui se joue de conflits, de possessions, de marques et de pollutions diverses, si cela n'équivaut qu'à prôner une volonté de puissance vite dévoyée en impératif de domination (29) ... à quoi bon ?

Bien sûr, on ne peut pas véritablement dire que l'avènement du christianisme eût résonné comme la fin de la violence non plus que la fin de l'exploitation de la terre. Nous n'avons, certes, pas encore quitté la logique mortifère des propriétaires mais tout nous y invite.

Pour autant !

Comment dire mieux la vanités des puissances et possessions de ce monde ? Comment mieux dire, ce que nous vivons désormais, l'incapacité à supporter les conséquences de la guerre que nous avons livrée au monde ; incapables tout autant de financer désormais des guerres d'entre nous, trop universelles pour que nous les puissions endurer ?

Refuser la puissance revient à refuser la possession : on a déjà souligné ici le soin attentif que le Christ met à accomplir a volonté du Père et non la sienne - ce qui revient à servir. Qu'il ne soit qu'une puissance, qu'elle ne soit pas de ce monde est bien entendu une exhortation à l'obéissance, au service ; c'est avant tout une exhortation à l'humilité, à la mesure. Cette mesure même qu'évoquait Heidegger en citant Hölderlin ; cette mesure même qui est le canon moral par excellence des grecs.

Éloge du nomade

Il n'y a plus ni juifs ni grecs ... : on peut entendre cette formule de Paul non seulement comme l'avènement de l'individu, non seulement comme l'affirmation que celui-ci ne saurait jamais se réduire à ses réseaux d'appartenance, encore moins à ses origines, toujours si cruellement fortuites ; on peut l'entendre aussi comme une invite stricte à délaisser la logique des propriétaires ; des propriétés. Nous avions déjà repéré la dispersion comme l'un des signes bibliques de la judéité, nous aurions pu l'écrire de l'humanité tout court : l'homme, décidément, n'est pas d'ici, n'y est que de passage qui se doit tout autant de prendre soin de l'autre, tout aussi fragile que lui que de la terre qui l'accueille ; bénie soit la dispersion qui évite d'être cet imbécile heureux né quelque part, qui oblige à être hôte en ce monde. Et j'aime qu'hôte désigne à la fois l'invitant et l'invité au moins autant qu'obliger signifie contraindre mais aussi être reconnaissant. Honoré soit le nomade qu'une sotte logique aristotélicienne nous a fait imaginer paresseux quand il n'était que locataire - en tout cas certainement pas plus parasite que nous qui exploitons le sol à l'en épuiser et le couvrons de nos détritus ; sûrement plus mesuré que nous de n'y prélever que la seule dîme nécessaire qu'il est capable de porter.

Rengorgés de vanité d'avoir été acteurs de la révolution néolithique, ivres des stocks que nous accumulions pour prix de notre sécurité et soustrayions au besoin de l'autre, nous n'avons pas vu, pas anticipé et sans doute pas voulu le considérer, combien nous recouvrions le sol de nos salissures, signes et saturions l'air du cliquetis infâme de nos armes. Juchés sottement sur nos tas d'immondices nous négligeons l'épuisement de la terre. L'habiter sera revenu à la couvrir.

Être hôte c'est être locataire. Force est de constater que louer un bien - locare, en latin où sonne le lieu : placer, disposer - c'est l'habiter sans pour autant le nier. Le propriétaire couvre le lieu de ses signes tonitruants et malodorants, de toutes les suppurations de son corps tant et si bien qu'à la fin on n'entende et sente plus que lui. A l'inverse, le locataire, nécessairement provisoire, n'efface pas le lieu même s'il ne le laisse évidemment pas intact. Parasite, il l'est - un peu ; il a le sens de la mesure. Être hôte, c'est se placer derrière, humblement, et donner sa chance à qui vous reçoit.

Qui sommes-nous pour nous croire moins que lui, de simple passage ? Plus que lui de nécessité quand tout en nous trahit l'inopiné, l'aléa, le hasard - les circonstances. Oui, nous tournons en rond, c'est bien ce que dit ce mot, oublieux que ce point central où nous croyons nos racines ne traduit jamais que nos vanités, nos impuisssances ; que nous ne le possédons pas plus qu'il ne nous possède ; qu'il n'est au fond de point de référence qui vaille que pour les destinées que nous nous forgeons.

Rien de trop ! rien que ce passage.

 

 


 

24 ) ce qui rejoint ce passage de l'Incandescent, p 333 :

Tout au plaisir de décrire influences et rivalités entre groupes de pression, Saint-Simon l'admirable excelle à critiquer les manques à la préséance. Plongé exclusivement dans le réseau de la chicane et des envies où prime la conversation des marquises, parmi les danses de la Cour, il ne quitte.pas la turbulence, fluctuante en laquelle nous venons de nous plonger. Jamais ,il ne parle du froid, de la pluie, des étoiles ni des légumes. Ses Mémoires évoquent les nobles et la ville, jamais le ciel paysan.

Je ne sache pas, non plus, que les orateurs attiques, les rhéteurs ou comiques romains, Proust, Céline ou Sartre, aient jamais invité ces choses naturelles en leurs .pages sauf comme cadre de leurs manigances vagues

25) cf Levi-Strauss

26) J Locke Deuxième traité du gouvernement civil

Tout homme possède une propriété sur sa propre personne. À cela personne n'a aucun Droit que lui-même. Le travail de son corps et l'ouvrage de ses mains, nous pouvons dire qu'ils lui appartiennent en propre. Tout ce qu'il tire de l'état où la nature l'avait mis, il y a mêlé son travail et ajouté quelque chose qui lui est propre, ce qui en fait par là même sa propriété. Comme elle a été tirée de la situation commune où la nature l'avait placé, elle a du fait de ce travail quelque chose qui exclut le Droit des autres hommes. En effet, ce travail étant la propriété indiscutable de celui qui l'a exécuté, nul autre que lui ne peut avoir de Droit sur ce qui lui est associé.

27) A Comte voir ce qu'il en écrit Cours de philosophie positive, leçon I

Dans l'état théologique, l'esprit humain, dirigeant essentiellement ses recherches vers la nature intime  des êtres, les causes premières et finales de tous les effets qui le frappent, en un mot vers les connaissances absolues, se représente les phénomènes comme produits par l'action directe et continue d'agents surnaturels plus ou moins nombreux, dont l'intervention arbitraire  explique toutes les anomalies apparentes de l'univers.

28) Spinoza Éthique, Appendice

Les préjugés dont je veux parler ici dépendent tous de cet unique point, que les hommes supposent communément que tous les êtres de la nature agissent comme eux pour une fin ; bien plus, ils tiennent pour certain que Dieu même conduit toutes choses vers une certaine fin déterminée. Dieu, disent-ils, a tout fait pour l’homme, et il a fait l’homme pour en être adoré.

29) Nietzsche Par delà bien & mal, IX, Qu'est-ce qui est noble ? § 259

Il faut ici aller au fond des choses et se défendre de toute faiblesse sentimentale : vivre c'est essentiellement dépouiller, blesser, subjuguer l'étranger et le faible, l'opprimer, lui imposer durement nos propres formes, l'incorporer et au moins, au mieux, l'exploiter