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Emmanuel LEVINAS
(1905-1995)

 

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relation éthique à l'autre de l'existence à l'existant responsabilité limites du savoir
relation asymétrique   responsabilité & subjectivité responsabilité pour autrui
relation à l'autre   relation sociale vidéos
autre & désir   sacré sur Blanchot
altérité = mystère Paradoxe de la moralité (ITV) solitude Portrait (dsl le son est détestable)
  langage&
communauté

totalité & infini

Totalité et Infini

Portrait 1986
il nous manque une culture lassitude visage = signification sur l'altérité
  entre nous éthique du visage et totalité son histoire
      ITV 1993
  ITV 86 visage l'être juif

 

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Lévinas lecteur de Rachi

Adieu à Lévinas (Derrida)

 

Bio

Emmanuel Levinas est né en Lituanie, à Kovno, dans une famille juive pratiquante, en 1905, la même année que Jean-Paul Sartre, Raymond Aron ou Georges Canguilhem. Très tôt, il lit la Bible, les auteurs russes (surtout Dostoïevski) ou Shakespeare, dont il se nourrit. Durant la guerre de 1914-1918, ses parents émigrent en Russie et s'établissent, après un long périple, à Karkhov (1915). Il y vivra la révolution russe avec un mélange de crainte et de curiosité. En 1923, il émigre seul en France et commence des études de philosophie à l'Université de Strasbourg où il aura pour professeurs Georges Gurvitch et Maurice Pradines, et pour ami fidèle Maurice Blanchot. En 1928, il va passer un an à l'Université de Fribourg-en-Brisgau où il aura pour maîtres Husserl et Heidegger. Il traduira les Méditations cartésiennes et rédigera une première thèse de doctorat d'université : Théorie de l'intuition dans la phénoménologie de Husserl (1930). Il va par cet ouvrage introduire le premier en France la pensée de Husserl et de Heidegger. Sartre, Merleau-Ponty et Gabriel Marcel reconnaîtront tous trois, plus tard, la dette contractée envers lui à ce sujet. En 1930, il est naturalisé Français. De 1930 à 1940, il sera le spécialiste incontesté de la phénoménologie allemande. Il travaille à sa thèse d'État qu'il publiera seulement en 1961 sous le titre : Totalité et infini. Mais dès 1940 il est mobilisé ; il sera fait prisonnier et restera 5 ans en captivité, « protégé par son uniforme français ». Toute sa famille périra, massacrée par les nazis. Démobilisé, il va publier, en 1947, De l'existence à l'existant, rédigé en grande partie dans son camp de prisonniers. Il est nommé cette année-là directeur de l'École normale israélite orientale d'Auteuil, chargée de former les enseignants de l'AIU (Alliance israélite universitaire). En 1961, il est nommé professeur à l'Université de Poitiers. En 1967, il est appelé à Nanterre, et termine sa carrière universitaire à la Sorbonne (Paris IV) grâce à l'influence de ses amis, comme Ferdinand Alquié.
Mais déjà depuis longtemps sa carrière ou sa vie se confondaient avec son oeuvre. En 1949, il publie : En découvrant l'existence avec Husserl et Heidegger. En 1963, ce sera Difficile liberté : essais sur le judaïsme. En 1968, ce seront ses Quatre lectures talmudiques, suivies d'Humanisme de l'autre homme (1972) et surtout, en 1974, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, l'un de ses plus importants ouvrages, qui lui attirera un succès très mérité. Suivront Sur Maurice Blanchot et Noms propres (1976), De Dieu qui vient à l'idée (1982), Éthique et infini (1982), Transcendance et intelligibilité (1984). Il mourra en 1995, à l'âge de 90 ans, ayant survécu à Sartre et à Raymond Aron, mais sans avoir connu la célébrité de ses illustres contemporains.
 


L'Autre et son visage

 

levinasC'est dans Totalité et infini (1961) que Levinas pose les principes d'une éthique fondée sur la relation à autrui. La philosophie occidentale, depuis ses débuts, est dominée par les catégories de l'être et de la totalité. Elle évolue dans l'obsession de la synthèse, c'est-à-dire de la réduction du divers à une totalité qui ne laisse subsister aucune altérité. À cette pensée qui réduit violemment l'autre au même, Levinas oppose l'expérience subjective de l'infini, telle qu'on peut la faire dans le face-à-face avec autrui. La rencontre de l'Autre, en effet, constitue une « expérience irréductible et ultime » qu'on ne peut dissoudre dans aucune totalité.
L'Autre, pour Levinas, c'est d'abord un visage. Non pas un masque qu'on pourrait regarder comme on regarde un objet (en demeurant extérieur à lui), mais une ouverture, un accès immédiat à l'Autre. Quand je regarde la personne avec laquelle je parle, je ne vois pas ses yeux ; je suis transporté par son visage dans un au-delà qui me révèle cette idée d'infini que je ne peux trouver en moi-même.
Mais la relation au visage n'est pas seulement «transcendance vers l'autre » ; elle est aussi l’expérience éthique par excellence. En effet, le visage est en l'homme ce qu'il y a de plus pauvre et de plus vulnérable. Il est aussi ce qu'il y a de plus nu, et comme offert à ma puissance. Mais dans ce total dénuement, dans cette fragilité essentielle, s'inscrit l'impératif éthique, le commandement suprême :
« Tu ne commettras pas de meurtre. » Le visage, parce qu'il est exposé à toutes les violences, est ce qui nous interdit la violence. Le «Tu ne tueras point », dit Levinas, est « la première parole du visage ». Ainsi l'Autre est en même temps celui contre lequel je peux tout et celui auquel je dois tout. Ma responsabilité envers lui, dès que son visage m'apparaît, est infinie.
En réponse à la répudiation structuraliste de l'homme, Levinas se propose de restaurer l'humanisme sur la base, non plus de la nature raisonnable de l'humanité, mais de l'obligation dans laquelle chaque homme se trouve de veiller sur son prochain sans pouvoir prétendre à une quelconque réciprocité.