Lévinas

Emmanuel Levinas
Le temps et l'autre, Paris, PUF, Quadrige, 1983, p. 79-80.



L'autre n'est pas un être que nous rencontrons, qui nous menace ou qui veut s'emparer de nous. Le fait d'être réfractaire à notre pouvoir n'est pas une puissance plus grande que la nôtre. C'est l'altérité qui fait toute sa puissance. Son mystère constitue son altérité. Remarque fondamentale : je ne pose pas autrui initialement comme liberté, caractéristique dans laquelle est inscrit d'avance l'échec de la communication. Car avec une liberté il ne peut y avoir d'autre relation que celle de la soumission et de l'asservissement. Dans les deux cas, l'une des deux libertés est anéantie. La relation entre maître et esclave peut être saisie au niveau de la lutte, mais alors elle devient réciproque. Hegel a montré précisément comment le maître devient l'esclave et l'esclave le maître du maître. En posant l'altérité d'autrui comme le mystère défini lui-même par la pudeur, je ne la pose pas comme liberté identique à la mienne et aux prises avec la mienne, je ne pose pas un autre existant en face de moi, je pose l'altérité."

P 83

Si on pouvait posséder, saisir et connaître l'autre, il ne serait pas l'autre. Posséder, connaître, saisir sont des synonymes du pouvoir.