Lévinas

Emmanuel LEVINAS
(1905-1995)

Totalité et infini, Paris, « Biblio-Essais », 1990, p. 239.

« L’idéalisme poussé jusqu’au bout ramène toute éthique à la politique. Autrui et moi fonctionnent comme éléments d’un calcul idéal, reçoivent de ce calcul leur être réel et s’abordent mutuellement sous l’emprise des nécessités idéales qui les traversent de toutes parts. [...]

« Dans ce monde sans multiplicité, le langage perd toute signification sociale, les interlocuteurs renoncent à leur unicité non pas en désirant l’un l’autre, mais en désirant l’universel. Le langage équivaudrait à la constitution des institutions raisonnables dans lesquelles devient objective et effective une raison impersonnelle qui oeuvre déjà dans les personnes qui parlent et soutient déjà leur effective réalité : chaque être se pose à part de tous les autres, mais la volonté de chacun, ou l’ipséité, consiste, dès le départ, à vouloir l’universel ou le raisonnable, c’est-à-dire à nier sa particularité même. En accomplissant son essence de discours, en devenant discours universellement cohérent, le langage réaliserait du même coup l’État universel où la multiplicité se résorbe et où le discours s’achève, faute d’interlocuteurs. » Emmanuel Levinas, Totalité et infini, Paris, Le Livre de poche « Biblio-Essais », 1990, p. 239