Elysées 2012

Campagnes Web

Interconnexion, Mélanges, carrefour, forum ... tels semblent être les leit-motive de cette campagne décidément marquée par l'omniprésence du Web.

Il n'est pas une émission de radio qui ne commence en signalant qu'elle est aussi visible sur Dailymotion, qu'on y peut poser des questions via Facebook ou Twitter, pas un site qui ne fasse lien avec ces derniers.

Le positionnement le plus original étant celui de Mélenchon qui triple sa présence sur le Web par d'une part son blog qu'il continue à tenir, son site de campagne d'autre part, et celui du Parti de Gauche, enfin, mais qui surtout réinvente à sa manière l'autogestion chère aux vieux briscards des années 70, ou le participatif de Royal en 2007, qui sur ce point aura été visionnaire.

En effet le site propose ni plus ni moins aux sympathisants de construire eux-mêmes le contenu éditorial en postant photos, vidéos, en construisant reportages etc. Hommage du vice à la vertu ? du politique à la storytelling ? en tout cas la campagne est ramenée à une websérie ....

Palme de l'offensif ou de la provocation attribuée au site de l'UMP qui porte en bannière alternativement des slogans massus du type : les socialistes sont prêts à ruiner la France ou un compteur type Téléthon indiquant le montant de la dette produite par le programme du PS.

Palme du ratage complet, signe étonnant d'un malaise, mais contradiction surtout avec le programme le site d'E Joly : pour autant que la révolution verte suppose une participation de tous dans la vie de tous les jours et non pas simplement l'attente de décisions venues d'en haut, on eût pu espérer que le site fût un exemple d'inter-activité, de connexions, de réseaux. C'est tout le contraire : une page illisible, statique où le seul clin d'oeil demeure encore le symbole des lunettes rouges. Décevant, paradoxal !

 

Pas grand chose à dire du site d'Hollande sinon la bannière dynamique renvoyant à l'actualité de la campagne et à des vidéos signe manifeste qu'aujourd'hui une campagne électorale ne se réduit plus aux meetings ou à des interventions à la TV mais à une présence vidéo intense via les sites de partage comme Dailymotion.

Multimédia

C'est l'autre grande tendance plus systématique encore qu'en 2007, par quoi les radios se font TV ce que l'accès via les smartphones rend plus aisé encore. La frontière entre TV, radio, Internet est de plus en plus floue

Forum

Ce n'est pas un hasard si les blogs ont désormais le vent moins en poupe qu'il y a 5 ans. Le Web 2.0 est passé par là et cette formidable capacité à créer du dialogue, de l'échange, du débat. Sans doute peut-on avancer que c'est par là que l'internet devient truchement résolument démocratique dans la mesure où grâce à lui la participation ne se résume plus au seul scrutin, et pour la campagne, bienau-del) de la simple assistance à un meeting, voire pour les militants quelque collage d'affiches, se déploie en d'innombrables initiatives dont la prise de parole n'est pas la moindre.

Une géographie nouvelle

M Serres n'a pas tort quand il récuse que l'internet efface l'espace mais au contraire prétend qu'il en crée un nouveau, qui demeure peut-être encore une zone de non-droit, en tout cas de droit flou, zone aux contours assurément aussi indécis mais qui, pour cela, est en même temps un formidable espace de liberté où la communication réalise l'essence même de l'humain : le dialogue.

Réseaux, jointures, axes, autoroutes de l'information tout ceci scande un curieux milieu, sans cesse mouvant, où le temps se pique de se suspendre à force d'être trépidant. Où la parole de tous semble s'équivaloir quand en réalité en deçà du brouhaha pointe lentement une musique, d'abord diffuse, bientôt obsédante qui fera le résultat de mai. Quelque chose comme le Boléro de Ravel en somme...

C'est sans doute une erreur que de penser qu'il s'agirait de virtuel ! non, bien au contraire l'impression, en partie légitime, en partie illusoire, que chacun y puisse être résolument acteur, que sa parole y porte et parfois bien plus ample que dans le quotidien ordinaire, ouvre bien plutôt l'horizon d'une démocratie nouvelle que Rousseau croyait impossible hors de petites cités.

Il y a toujours eu quelque chose de presque magique dans ces matinées de dimanches électoraux où chacun, suspendu à la voix de l'autre, cesse de pouvoir se prétendre plus ou autre, est, provisoirement l'égal de l'autre. Ceci ne dure jamais : dès vingt heures les jeux sont faits et précellences ou excellences reprennent leur droit mais l'écho demeure de cet arasement provisoire qui en fait une fête, celle de l'espace public, en souvenir et en attente de quoi sans cesse il se meut.

Internet donne à ces matinées une consistance, une amplitude insolite. Ce n'est pas Babel, nul n'y parle de la même voix ! ni la Pentecôte car nul ne s'y consacre, illuminé par rien sinon la force de son engagement. Et si le bruit de fond est parfois assourdissant, vulgaire ou inepte, qu'importe c'est le prix à payer de la vie !

 

 


1) par exemple cette ITV de Bayrou