Philippe Meirieu, Le choix d’éduquer, p 30
Or
éduquer, c’est précisément, promouvoir l’humain et construire l’humanité...
et cela dans les deux sens du terme, indissociablement : l’humanité en
chacun de nous comme accession à ce que l’homme a élaboré de plus humain et
l’humanité entre nous tous comme communauté où se partage l’ensemble de ce
qui nous rend plus humain. C’est pourquoi décider — ou même seulement
accepter — de priver délibérément, ne serait-ce qu’un seul individu de la
possibilité d’accéder aux formes les plus élevées du langage technique et
artistique, à l’émotion poétique, à l’intelligence des modèles
scientifiques, aux enjeux de notre histoire et aux grands systèmes
philosophiques, c’est l’exclure du cercle de l’humanité, c’est s’exclure
soi-même et compromettre la promotion de l’humain.
Mais le “cercle de l’homme” n’est pas dans l’ordre des choses et la plénitude de l’humain n’est sans doute pas de ce monde. Elle est, dans l’acception la plus forte du terme, le “sens” de notre existence, la vection centrale de notre histoire quand elle échappe — et nous savons aujourd’hui que rien n’est, sur ce plan, garanti — à la violence et à la barbarie. C’est pourquoi notre devoir impérieux est de travailler à la promotion de l’humain, conscients qu’il n’adviendra pas — pas complètement du moins — mais que sa quête est la seule chose qui vaille la peine de vivre.