Chronique d'un temps si lourd
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Triste

Sensation bizarre à entendre les différentes réactions autour de Dieudonné. Qu'il y ait réaction est finalement salutaire et encourageant mais bigre que ces réactions sont souvent sinistres et tellement en dessous de l'enjeu. A l'exception notable, encore une fois, de Ch Taubira qui sait redonner quand il est nécessaire les couleurs de la dignité à un débat qui en manque singulièrement.

Débat insidieux qui traîne depuis l'émergence du FN dans les années 83 : les français sont-ils racistes, fascistes ? voter FN revient-il à être fasciste et raciste ? * .... Évidemment il serait de mauvais aloi et politiquement incorrect de mettre tout le monde dans le même panier et, en cette incroyable période où plus personne n'ose de positions tranchées sans immédiatement s'excuser, nous hésitons jusqu'à pointer l'ignoble et condamner l'insoutenable.

Il serait naïf de croire que le racisme eût jamais disparu : il se proclame désormais de nouveau après s'être camouflé dans les immédiates années d'après-guerre pour des raisons que l'on devine. Il suinte de partout avec son long défilé de clichés haineux. Il faut écouter Dieudonné - je ne l'avais jamais vraiment fait tout en sachant qu'il avait dérapé à un moment donné mais sans qu'on comprît immédiatement l'ampleur que cela pouvait prendre - l'écouter dans cette posture lascive et négligée se laisser enfermer dans les pires poncifs, entonner l'ignoble rengaine de la haine.

Affirmer vouloir rester neutre entre les juifs et les nazis ... fallait le faire ! Que de haines recuites, que de violences paresseuses. Celui-là - mais combien d'autres avec lui ? -s'éloigne de l'humain et distille son égotisme suffisant et débraillé, c'est cela qui me frappe, avec l'opiniatreté des paresseux. On ne peut combattre l'irrationnel avec les armes de la raison même si, nonobstant, il faut s'y atteler quand même. Je peux comprendre un Valls qui cherche à l'atteindre par la bande, la fiscalité notamment, n'est-ce pas après tout comme cela qu'on a combattu les sectaires de tout poil ? Mais indépendamment du fait qu'on n'annonce pas cela sur les ondes, quitte à ne rien faire après, on le fait sans scrupule, sans état d'âme, reconnaissons que la lutte manque de panache et de grandeur.

C'est Taubira qui a raison, une fois de plus : c'est moins ici Dieudonné qui importe que ce qu'il représente : l'atteinte directe aux fondements de la République, le travail de sape systématique du lien sans quoi il n'est pas de société qui vaille.

L'histoire ne se répète jamais, c'est vrai, mais cette cohorte minable accompagne toujours les grandes périodes de crise et d'incertitude. Nous ne sommes pas en 39 certes ; mais alors ce fut la littérature qui servit de cache-sexe hideux au racisme ; c'est désormais l'humour, le comique .... On n'a jamais que les sirènes pitoyables qu'on mérite ...

Il faut entendre le refrain cruel de cette haine qui monte et mesurer combien il est l'interdiction de tout avenir.

Et être à hauteur d'homme pour ce combat qui ne peut être esquivé par quelque manoeuvre dilatoire.


* j'avais l'an passé consacré quelques pages à

Maurras

FN

campagne de 2012

Nazisme