Bloc-Notes
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Histoires d'amalgames, de confusionnisme ; de malhonnêteté ?

De l'amalgame en 5 étapes
1 Terreur terrorisme 2 Histoire de tolérance ? 3 Brouillage idéologique
ou le confusionnisme d'Onfray
4 Retour aux mots 5 Idéal idéologie

 

De l'idée, de l'idéal ; de l'idéologie

On ne fera pas croire que pour autant tout se vaille : il y a bien de l'intolérable - l'histoire récente le montre jusqu'au dégoût - qui tient, par delà la question de la violence, dans la dénégation de l'humain.

Le révolutionnaire est un homme condamné d'avance : il n'a ni intérêts personnels, ni affaires, ni sentiments ni attachements, ni propriété, ni même de nom. Tout en lui est absorbé par un seul intérêt, une seule pensée, une seule passion - La révolution.(...) Au fond de lui-même, non seulement en paroles mais en pratique, il a rompu tout lien avec l'ordre public et avec le monde civilisé (...) Il méprise l'opinion publique. Il méprise et hait dans tous ses motifs et toutes ses manifestations la moralité sociale actuelle.
Catéchisme révolutionnaire

Le terroriste s'enferme, on l'a vu ; se coupe de tout et de tous ; de la loi, bien sûr, de l'ordre établi ; mais des autres et même des siens. Il n'est plus au service des autres, de l'humanité, mais à celui d'une idée. Robespierre servait la République, défendait la Révolution ; d'autres servirent le Communisme

Il n'est pas de mot plus détestable - en tout cas ambigu - qu'idéologie. Très vite le projet fut abandonné qui était celui de Destutt de Tracy consistant à formuler une théorie générale des idées ; mais tout aussi vite le mot rentra à nouveau dans le corpus conceptuel du XIXe via Marx. Dès lors, il désigne l'ensemble des représentations, juridiques, théoriques, politiques déterminées par la réalité des forces productives et des rapports de production, mais les déterminant en retour, dialectiquement. Marx avait vu ce qui se jouait de construction dans nos représentations ; dans nos idéologies. Qu'elles prennent leur sens dans un contexte précis, dans un rapport de force donné.

La tendance qui fit, à partir des années 70, considérer toujours négativement l'idéologie comme étant synonyme d'aliénation voire de totalitarisme se justifia sans doute par la nécessité de comprendre l'aveuglement de ceux qui, parfois si tard, encensèrent le système soviétique et se refusèrent à voir dans le stalinisme autre chose qu'un accident de l'histoire. Pour autant, fallait-il qu'on jetât l'enfant avec l'eau sale du bain ?

Il n'est pas, nous l'avons écrit déjà à maintes reprises, d'acte qui ne suppose une représentation du monde. Prétendre que l'on ne s'appuie sur aucune idéologie est une forfaiture ; est déjà une idéologie. Que notre génération, née dans les illusions des années 60, put imaginer que le religieux fût en définitive déliquescence et qu'en conséquence elle soit mal armée pour en comprendre la résurgence est possible. Mais le fait est là ! Et que ce religieux prenne les formes de l'Islam ne change pas grand chose à l'affaire. Révèle surtout notre impuissance à comprendre ce qui s'éloigne de nous. Mais l'honnêteté pousse à dire que les risques de dogmatisme, d'intolérance ou de piété religieuse ne sont pas moindres ici que là : faut-il rappeler ces images lors des funérailles de Staline ou celles équivalentes en France - si peu lucides ? L'aveuglement y vaut bien celui des Églises ! Et il faudrait être bien présomptueux et joliment malhonnête pour jeter un voile pudique sur les croisades, les fous de dieu, l'Inquisition, les massacres des conquistadors... pour ne pas même évoquer la doctrine sociale de l’Église catholique !

Au fond, dois-je l'avouer, ce qui me terrifie, c'est combien, si souvent, presque toujours, les idéaux les plus beaux, les idées les plus vertueuses s'achèvent en menaces, en horreurs; en enfer. Je m'accoutume plus aisément des conséquences perverses des doctrines funestes : après tout, que le fascisme s'achève en tyrannie est dans l'ordre logique des choses ; que le nazisme, explicitement raciste, se termine par le génocide, n'a rien de bien surprenant, si l'on y songe même si peut effarer qu'il put se trouver tant de séides pour l'accomplir.

Aron n'a pas tort qu'Aristote avait déjà suggéré : la prudence (φρόνησις) demeure la seule réponse qui vaille où se doit déployer la pensée. Mais quelle prudence peut encore prévaloir face au fanatique ?