Bloc-Notes
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Histoires d'amalgames, de confusionnisme ; de malhonnêteté ?

De l'amalgame en 5 étapes
1 Terreur terrorisme 2 Histoire de tolérance ? 3 Brouillage idéologique
ou le confusionnisme d'Onfray
4 Retour aux mots 5 Idéal idéologie

 

Une question de tolérance ?

Lorsqu'on se refuse à admettre le caractère interchangeable des idées, le sang coule... Sous les résolutions fermes se dresse un poignard ; les yeux enflammés présagent le meurtre. Jamais esprit hésitant, atteint d'hamlétisme, ne fut pernicieux : le principe du mal réside dans la tension de la volonté, dans l'inaptitude au quié­tisme, dans la mégalomanie prométhéenne d'une race qui crève d'idéal, qui éclate sous ses convictions et qui, pour s'être complue à bafouer le doute et la paresse, - vices plus nobles que toutes ses vertus - s'est engagée dans une voie de perdition, dans l'histoire, dans ce mélange indécent de banalité et d'apocalypse.
Cioran Précis de décomposition

Il est, c'est sûr, des frontières qui interdisent qu'on les franchisse à rebrousse chemin ; des signes qui saignent d’irréparable. Mais ne puis pas ne pas songer à l'argument du tas de sable : à partir de combien de grains peut-on dire qu'il y a un tas ? quelle dose d'engagement, de conviction, de fidélité et de ferveur faut-il, qui demeurent pourtant nécessaires et dignes de respect, pour que brusquement, l'on passe de l'autre côté - celui du fanatisme, de l'intolérance, de l'irrationnel, de la folie ?

Les signes, en réalité, nous les connaissons ; ce que nous ne parvenons pas à comprendre c'est pourquoi, comment, subitement l'on se met à incliner en cette pente-ci. On aimerait invoquer les petites perceptions de Leibniz pour rendre compte de ce glissement insensible mais l'on voit bien que ce serait ramener à une combinatoire physiologique un processus qui est idéologique - ce que semble pourtant confirmer l'idée de seuil de tolérance que l'on trouve souvent quand il est question de fanatisme, de différence, d'identité ....

La tolérance est d’abord le rapport d’un confort et d’un choc. Nous tolérons l’altération qu’il génère. Mais il n’y a pas de verbe pour dire le négatif “intolérer”, le verbe absent. […] Qu’est ce que l’intolérable ? Ce qui provoque un refus, une insurrection ? Contre un état de fait, un comportement, des idées qui sont dans le même mouvement une souffrance. Contre l’injustice. Ce qui est intolérable, par exemple, c’est qu’on ose accepter l’idée même d’un seuil de tolérance […]. La métaphore du seuil renvoie à la physiologie, très exactement à la douleur. C’est dans la douleur qu’il y a un moment, un seuil où elle devient insupportable, intolérable. Point de basculement qui est un point singulier, point ordinaire où comme sur l’échelle des températures l’eau se fige en gel. L’eau a supporté le froid jusqu’à ce point »
Jean Borreil in La Raison nomade cité par Wahnich

Citant Borreil, la raison nomade, Wahnich rappelle qu'il n'y a pas de verbe pour désigner ce qu'on ne tolère pas. C'est dire qu'il n'est pas de tolérable ou intolérable en soi, qui fait en réalité toujours l'objet d'une élaboration sociale, idéologique. Au reste comment oublier que la tolérance est, par définition, une vertu par défaut : l'étymologie le dit - ce qui se porte, supporte. Tel l'agneau qui tollit peccata mundi ! Ce n'est pas un acte, mais une souffrance comme on évoque une lettre restée en souffrance, en suspens, sans réponse. La tolérance se supporte ou subit à l'instar d'une faiblesse et elle voisine souvent avec le laxisme qui n'est rien que la tolérance intolérable de l'autre. Entre celui qui ne respecte pas sa parole, viole son serment et rompt toute socialité mais aussi toute possibilité de parole (Agamben) et celui qui est prêt à tout - toutes les outrances, toutes les horreurs, toutes les inhumanités - pour demeurer fidèle, oui, il y a bien deux bornes extrêmes, également insupportables d'entre celui qui n'a cure de rien, pour qui tout est équivalent, qui est à proprement parler négligent et celui qui ne supporte rien de ce qui lui diffère.

Qu'on le veuille ou non, le fanatisme a partie liée avec le dogmatisme - et donc historiquement avec le religieux. Est-ce d'ailleurs un hasard si Netchaiev nomma son texte Catéchisme ?

Qu'il est difficile d'avoir raison ! d'avoir raison contre tous ! de se savoir être dans le juste parce que sa posture est assise sur l'absolu ! Au fond, la position d'un Voltaire (1), pour salutaire qu'elle fût, est aisée : avons-nous d'autre choix, hormis celui stupide de l'entêtement, que celui d'admettre par principe la légitimité de l'autre dans la mesure où nous nous savons faillibles, incertains - incapables en tout cas d'atteindre jamais des savoirs absolus ?

Mais quand les principes que l'on défend et qui vous font agir sont incontestables et sonnent aussi noble que Liberté ou Égalité ? quand votre assise est un absolu, qui plus est d'amour, un dieu ? Quelle force de caractère ne faut-il pas alors pour ne pas sombrer dans l'intolérance ? Peut-on sans lâcheté, faiblesse ou négligence laisser faire ou penser ce que l'on sait pertinemment être faux, mauvais ?

Une question d'effort !

Tous les massacres ont été accomplis par vertu, au nom de la religion vraie, du nationalisme légitime, de la politique idoine, de l'idéologie juste ; bref au nom du combat contre la vérité de l'autre, du combat contre SatanF Jacob a raison : rien n'est plus périlleux que la certitude d'avoir raison : qu'il y ait une certitude qui fonde une physique sociale et c'en serait fini de la liberté qui fonde la démocratie ; qu'il y ait une vérité absolue, accessible et connue et c'en serait fini de la liberté de conscience et d'examen. Tout juste resterait-il pour les récalcitrants, l'alternative entre camp de rééducation ou d'extermination.

J'en tire pour ma part deux conséquences aussi précieuses lune que l'autre :

La pente qui fait ne plus rien admettre de l'autre, qui mène à la violence, voire au massacre, n'est pas une inclinaison spontanée. Il y faut de la persuasion ou de la contrainte ; de l'endoctrinement peut-être ; en tout cas, à un moment donné, une volonté qui y pousse ou qui y cède. Celle qui nous fait écouter et vouloir comprendre l'autre est du même ordre : elle ne résulte pas d'une quelconque bonté d'âme mais de l'effort que l'on prend, du souci que l'on nourrit.

Ceci s'apprend et s'entretient. On n'est pas tolérant ou intolérant. On ne cesse de le devenir ; de lutter pour le demeurer.

Descartes l'avait suggéré : c'est la raison qui déduit mais la volonté qui juge et nos errances comme nos erreurs résultent toujours de l'excès de puissance de notre volonté sur notre raison.

Une affaire de savoir ?

F Jacob [2] a raison de noter à propos des sciences qu'outre leurs autres mérites, celui - à mes yeux essentiel - était d'avoir mis en évidence que nulle ne saurait jamais déboucher sur des connaissances absolues et définitives mais ne pouvoir offrir que des savoirs approchés, provisoires et limités. De là à penser que l'esprit scientifique fût le meilleur antidote à l'intolérance il n'y a qu'un pas, qu'à sa façon aura franchi également Voltaire qui assigna le même rôle à la philosophie tout en reconnaissant qu'une fois la fièvre montée, nul rempart ne semblait plus pouvoir tenir. D'où les Lumières en leur essence ; d'où cette insistance sur la formation, l'éducation. Il n'est qu'à lire un récent article du Monde signalant que la sensibilité aux idées du FN était d'autant plus vive que le niveau de formation était plus faible pour réaliser en qui nous continuons à valider l'équation ignorance=fanatisme. Qui explique en même temps combien se rallume la guerre contre les réformes du collège, contre d'ailleurs toute réflexion pédagogique - le pédagogisme étant perçu comme la cause majeure d'un affaissement du niveau des élèves et partout la cause de toutes les dérives et P Meirieu son grand Satan.

F Jacob a surtout raison d'insister sur la contrariété que ceci suppose à l'égard de notre souhait d'unité et de cohérence. On a sans doute tort de sous-estimer l'inévitable désillusion que suscitent une science qui se décline désormais en sciences, nos savants qui ne sont plus que des chercheurs et nos connaissances qui ont cessé depuis plus d'un siècle de se prétendre universelles. Il suffit de lire Comte, Ferry ou Clemenceau, parfois même Jaurès, pour comprendre combien le positivisme scientiste aura nourri l'idéologie du progrès de la fin du XIXe ; combien sa crise avait déjà suscité le malaise fin de siècle de l'orée du XXe et passablement enrichi les dérives droitières des Barrès et autre Maurras ; combien l'histoire, semblant se répéter, offre aux déclinistes de tout poil de quoi contaminer de leurs craintes haineuses un corps social déjà assez fragile. On a tort de sous-estimer la fragilité insigne qui est la nôtre : des périls environnementaux, aux crises économiques qui ne nous semblent pouvoir offrir qu'une flexibilité qui n'est jamais que le cache-sexe technocrate de la précarité et de la misère, des menaces terroristes à notre incapacité à nous donner un projet roboratif et rassembleur, de nos déceptions répétées à nos régressions démocratiques, que de prétexte à une nostalgie dévastatrice, à un retour au dogme dont ne l'oublions jamais, la déclinaison actuelle de notre projet politique en terme d'identité, n'est jamais que l'un des symptômes pathologiques.

Mais, sans doute faut-il mesurer jusqu'à son terme cette conséquence : ni l'intolérance, ni la tolérance ne sont affaire de raison, de connaissance. Mais de passion - ou de compassion. Ce pourquoi l'antidote demeure si faible, quoiqu'il n'y en eût en réalité pas d'autre. Ce que je tolère, il faudra bien toujours un peu que je prenne sur moi pour le supporter tant je demeure incapable de comprendre qu'on puisse ne pas penser comme moi. Ce que je ne tolère pas, ici encore, il me faut me charger de le combattre et invoquer ainsi fidélité ou cohérence pour passer à l'acte. Robespierre assurément répugnait à la mort et la contradiction que d'aucuns (ainsi Onfray) se complaisent à souligner entre les paroles et les actes n'est jamais que l'effort entrepris pour contrarier une inclination spontanée, effort qui trouble jusqu'à la vision qu'on se donne alors de ses actes en semblant leur conférer une dignité et légitimité que la paresse spontanée eût interdites.

Tolérance comme intolérance sont des cercles - où l'on s'enferme ; inexorablement. D'où l'on ne s'évade que de le vouloir. Qui sont affaire de construction idéologique sans doute ; sociale, assurément ; mais psychologique enfin.

Il faudrait sans doute brosser une histoire de la tolérance - mais aussi de la clémence - tant, avec elle, se déplace la ligne de ce qui est supportable mais donc aussi de ce qui est pardonnable.

Remarquons bien pourtant ce double mouvement : la certitude acquise qu'il n'est pas de certitude définitive, certes, fonde la reconnaissance de l'autre et de sa différence ; certes offre à la morale l'assise même qui lui est nécessaire par cette reconnaissance qui rend possible le dialogue - tant individuel que social ; mais en même temps elle n'efface ni les différences ni les critiques. Insensiblement le combat veut se déplacer des corps vers le verbe : la lutte sera dialectique qui prendra le nom de critique, analyse, démonstration - au mieux - pamphlet, satire, mauvaise foi - au pire.

J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain; je vous en remer­cie; vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités, et vous ne les corrigerez pas. Vous peignez avec des couleurs bien vraies les horreurs de la société humaine dont l'ignorance et la faiblesse se promettent tant de douceurs. On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre Bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu l'habitude, je sens malheureuse­ment qu'il m'est impossible de la reprendre. Et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes, que vous et moi. Je ne peux non plus m'embarquer pour aller trou­,er les sauvages du Canada, premièrement parce que les maladies auxquelles je suis condamné me rendent un médecin d'Europe nécessaire, secondement parce que la guer­re est portée dans ce pays-là, et que les exem­ples de nos nations ont rendu les sauvages presque aussi méchants que nous. Je me borne à être un sauvage paisible dans la solitude que j'ai choisie auprès de votre patrie où vous devriez être. J'avoue avec vous que les belles-lettres, et les sciences ont causé quelquefois beaucoup de mal. [ ... ]
Dès que vos amis eurent commencé le dic­tionnaire encyclopédique, ceux qui osaient être leurs rivaux les traitèrent de déistes, d'athées et même de jansénistes. Si j'osais me compter parmi ceux dont les travaux n'ont eu que la persécution pour récom­pense, je vous ferais voir une troupe de mi­sérables acharnés à me perdre du jour que je donnai la tragédie d'Œdipe, une biblio­thèque de calomnies ridicules imprimées contre moi, un prêtre ex-jésuite que j'avais sauvé du dernier supplice me payant par des libelles diffamatoires du service que je lui avais rendu. [ ... ] Je suis très philosophiquement, et avec la plus tendre estime, Monsieur, Votre très hum­ble et très obéissant serviteur, Voltaire.Lettre de Voltaire à Jean-Jacques Rousseau pour le remercier de son envoi du Discours sur l'inégalité. Aux
Délices, près de Genève, 30 août 1755

Ainsi Voltaire, qui par goût n'en aura assurément jamais perdu une occasion, se sut toujours montrer particulièrement féroce quand il s'agissait de régler ses petits comptes - notamment avec son ennemi intime Rousseau. On se souvient évidemment de son "il vous prend envie de marcher à quatre pattes" . Mais qui pose sans conteste le problème de la critique, du jugement en des termes qui se situent exactement à l'intersection des deux extrêmes que nous signalions. Qui pense, qui s'astreint à justifier ses positions par des preuves et des arguments, qui en conséquence ne peut pas ne pas considérer qu'il a raison, ne saurait, sans se déjuger lui-même, admettre son contraire et sombrer ainsi dans un relativisme aussi paresseux que dangereux. Ce que signifie alors tolérer revient à la fois à écouter et discuter la position de l'autre et donc poser la légitimité de son expression libre.

C'est tout le projet politique de la République - telle en tout cas que les Lumières l'envisagèrent - qui se lit ici : le parlementarisme n'a pas d'autre sens qui institue le dialogue et donc le pluralisme, au cœur même de l'appareil de décision ; ainsi que les divers mécanismes de contre-pouvoir. Que notre constitution ait dérivé incontinent vers un exécutif de plus en plus fort où riposte, dialogue et oppositions s'avèrent trop faibles pour être résolument efficaces n'est pas contestable qui pointe sa fragilité et la nécessité de sa réforme. Il n'empêche que l'essence même du politique, en son projet initial - que l'on retrouve jusque dans ses prémisses athéniennes - consistera toujours d'un côté à se prémunir des dangers extérieurs - de la nature ou des autres nations - et ainsi d'assurer la sécurité ; de l'autre, à canaliser la violence individuelle, à organiser les rapports entre citoyens, à réglementer l'expression de l'opposition, de la révolte, du refus. Que la constitution de 93 ait envisagé jusqu'aux cas extrêmes où un peuple fût justifié de se révolter et de prendre son destin en main - quitte à apeurer les classes possédantes mais quitte aussi à souligner l'inévitable fragilité de tout consensus social, ne fait que renchérir sur cette idée que l'exécutif s'arroge le monopole de la violence et tente d'en maîtriser l'expression individuelle, publique ; sociale. Rousseau le disait : par le Contrat, l'homme renonce à son droit de vengeance et de poursuite, au profit d'une instance publique qui en échange lui garantit sa sécurité et ses droits, ainsi créés.

Ce qu'aucune instance publique ne peut tolérer c'est bien ainsi que l'on se fasse justice soi-même quitte à admettre les cas extrêmes : légitime défense, au niveau individuel ; devoir d'insurrection en 93 au niveau collectif.

C'est ici que se situe la ligne de partage qui nous fait, au delà de la légitime émotion, réprouver ces actes en quoi nous ne parvenons pas à considérer autre chose que des massacres ; où nous ne pouvons considérer la réponse extrême, hyperbolique d'aucune révolte légitime.

 


1) Voltaire

2) François Jacob, Le Jeu des possibles, Avant-propos, pp. 11-12, Éd.  Fayard, 1982.

Contrairement à ce qu'on croit souvent, l'important dans la science, c'est autant l'esprit que le produit.  C'est autant l'ouverture, la primauté de la critique, la soumission à l'imprévu, si contrariant soit-il, que le résultat, si nouveau soit-il.  Il y a belle lurette que les scientifiques ont renoncé à l'idée d'une vérité ultime et intangible, image exacte d'une « réalité » qui attendrait au coin de la rue d'être dévoilée.  Ils savent maintenant devoir se contenter du partiel et du provisoire.  Une telle démarche procède souvent à l'encontre de la pente naturelle à l'esprit humain qui réclame unité et cohérence dans sa représentation du monde sous ses aspects les plus divers.  De fait, ce conflit, entre l'universel et le local, entre l'éternel et le provisoire, on le voit périodiquement réapparaître dans une série de polémiques opposant ceux qui refusent une vision totale et imposée du monde à ceux qui ne peuvent s'en passer.  Que la vie et l'homme soient devenus objets de recherche et non plus de révélation, peu l'acceptent.

Depuis quelques années, on fait beaucoup de reproches aux scientifiques.  On les accuse d'être sans cœur et sans conscience, de ne pas s'intéresser au reste de l'humanité ; et même d'être des individus dangereux qui n'hésitent pas à découvrir des moyens de destruction et de coercition terribles et à s'en servir.  C'est leur faire beaucoup d'honneur.  La proportion d'imbéciles et de malfaisants est une constante qu'on retrouve dans tous les échantillons d'une population, chez les scientifiques comme chez les agents d'assurances, chez les écrivains comme chez les paysans, chez les prêtres comme chez les hommes politiques.  Et malgré le Dr Frankenstein et le Dr Folamour, les catastrophes de l'histoire sont le fait moins des scientifiques que des prêtres et des hommes politiques.

Car ce n'est pas seulement l'intérêt qui fait s'entre-tuer les hommes.  C'est aussi le dogmatisme.  Rien n'est aussi dangereux que la certitude d'avoir raison.  Rien ne cause autant de destruction que l'obsession d'une vérité considérée comme absolue.  Tous les crimes de l'histoire sont des conséquences de quelque fanatisme.  Tous les massacres ont été accomplis par vertu, au nom de la religion vraie, du nationalisme légitime, de la politique idoine', de l'idéologie juste ; bref au nom du combat contre la vérité de l'autre, du combat contre Satan.  Cette froideur et cette objectivité qu'on reproche si souvent aux scientifiques, peut-être conviennent-elles mieux que la fièvre et la subjectivité pour traiter certaines affaires humaines.  Car ce ne sont pas les idées de la science qui engendrent les passions.  Ce sont les passions qui utilisent la science pour soutenir leur cause.  La science ne conduit pas au racisme et à la haine.  C'est la haine qui en appelle à la science pour justifier son racisme.  On peut reprocher à certains scientifiques la fougue qu'ils apportent parfois à défendre leurs idées.  Mais aucun génocide n'a encore été perpétré pour faire triompher une théorie scientifique.  A la fin de ce XX' siècle devrait être clair pour chacun qu'aucun système n'expliquera le i dans tous ses aspects et tous ses détails.  Avoir contribué à casser l'idée d 1 une vérité intangible et éternelle n est peut-être pas l'un des moindres titres de gloire de la démarche scientifique