Chronique du quinquennat

Hyper

Deux articles utilisent ce matin le préfixe, le premier pour qualifier la majorité acquise aux législatives ; le second pour désigner l'activité internationale intense des prochaines semaines. *

La presse ne déteste pas l'hyperbole - c'est le moins que l'on puisse dire !

Notons toutefois deux points :

- la nouvelle Assemblée comptera 155 femmes contre 107 précédemment. Ce n'est pas encore la parité mais c'est déjà mieux. Le PS aura donné l'exemple avec 104 femmes - il faut lui en donner quitus.

- la majorité n'atteint pas les 3/5e ce qui empêchera de procéder à des réformes constitutionnelles par la voie parlementaire et notamment celle du vote des étrangers aux élections locales.

L'argument de la totalité des pouvoirs, complaisamment avancé par la droite lors de la campagne, ne tient pas : outre que ce fut déjà le cas pour la droite elle-même, qu'on ne peut quand même pas reprocher à un camp d'avoir emporté les élections intermédiaires puis nationales, il y a suffisamment de contre-poids dans le système institutionnel pour éviter la dérive. Ce sera néanmoins dans la tenue de sa promesse, dans le rééquilibrage des pouvoirs, dans la marge laissée au gouvernement d'une part, et au Parlement d'autre part, que l'on pourra constater ou non la normalité de la présidence Hollande. Que la gauche ne cède pas à l'ivresse d'une victoire inédite à ce point depuis 81 est souhaitable évidemment mais faut-il rappeler que la gravité de la crise, l'intrication de notre économie dans l'économie européenne et mondiale contribuent déjà suffisamment à rogner les pouvoirs politiques pour que la gauche ne cède pas à l'ubris.

Pour que la gauche s'installe dans la durée il lui faudra bien obtenir quelque succès sur la scène internationale en même temps que faire passer la pilule amère de la purge et il n'est pas certain que l'argument de la justice et de l'apaisement y suffise longtemps.

A droite le temps des critiques, des réflexions ...

Il n'aura pas fallu longtemps mais est révélatrice l'offensive, commencée mezzo voce durant la campagne législative et désormais bien plus claire, contre la stratégie qu'il nomme de Grenoble, qui est celle de la droitisation inspirée par Buisson (1) . Où il est rejoint par Baroin (2) annonçant ce matin
"à trop courir derrière le FN, on le crédibilise"

Cela passe selon lui par une relégitimation du centre trop délaissé durant le précédent quinquennat - n'oublions d'ailleurs pas que Raffarin est un ancien de l'UDF, un giscardien de la première heure.

Il n'est pas certain que la lutte - en tout cas le débat - passe uniquement entre les humanistes et les autres : se joue en arrière plan et de manière délicieusement implicite un vieil imbroglio qui agite la droite depuis toujours et trouve ses origines dans les tout débuts du gaullisme que les centristes d'alors ne rejoignirent - et encore qu'en partie - qu'avec Pompidou en 69. L'apparent duel de chefs entre Fillon et Copé traduit ainsi bien d'autres incertitudes.

La porte (entre)ouverte au FN par certains ne se refermera pas de sitôt et cette épine ne sera pas ôtée facilement. Explicitement M Le Pen mise sur une recomposition autour du FN : elle est assez fine pour percevoir toutes les perspectives ouvertes. Effctivement cette recomposition se fera avec ou contre le FN. Les jeux sont clairs ; les enjeux forts. Qui détermineront la vie politique française pour un long moment. C'est bien du débat interne de l'UMP que surgira pour un moment la place du FN et donc aussi l'échiquier politique des années à venir. Mais l'UMP tient ce débat dans la pire des situations et au pire des moments. Ecartelée entre un électorat qui paraît désirer cette droitisation, et des résultats électoraux catastrophiques pour la Droite populaire, l'UMP devra pourtant choisir demain la voie à suivre : or celle qui conduit à la direction du parti n'est pas forcément la même que celle qui conduit aux succès électoraux. Le grand écart auquel l'UMP est contrainte n'en a pas fini de dérouler ses effets délétères : rassembler le parti et, demain, ces électeurs du Centre qui l'ont abandonnée ..... (4)

On remarquera simplement ce ton moins acerbe de la droite ce matin - même Cl Lellouche sur France Inter fut mesuré. L'heure des élections est passée. A la gauche le temps des épreuves et de l'action. A la droite celui de la réflexion.

Reste évident que durant l'été, quoiqu'il arrive, le pouvoir sera bien seul. Sonnée quand même par sa défaite, et toute obnubilée par le débat qu'elle se doit à elle-même, la droite sera plutôt discrète ces prochains temps.

Ce n'est pas un état de grâce, certes ! Mais une opportunité à saisir quand même.


 


1) Bourdin 2012 : Jean-Pierre Raffarin par BFMTV

2) rejoignant d'ailleurs sur ce point A Juppé qui déclare dans un entretien au Monde :

Apparemment non, quand on entend certains de nos amis affirmer qu'ils se reconnaissent dans les valeurs du Front national. Il y a un trouble dans notre électorat, mais notre rôle n'est pas de reproduire ce qui se dit sur les marchés, de suivre les tendances, il faut tracer une voie.

3) lire aussi :

hypermajorité

hyperprésidence

situation anormale

illusions

sans compter le titre à la Une du Monde : Les pleins pouvoirs pour m Hollande

4) c'est le sens de l'édito de Th Legrand du 19

lire sur ce point

quitte à ce que le polémiste de service prenne la chose à rebours pour repérer une hypoprésidence que l'on chercherait à camoufler


 

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