Histoire du quinquennat

Hypermajorité
N Demorand
Libé 18 juin
NICOLAS DEMORAND


Une vague impressionnante : le PS et ses alliés raflent l’hypermajorité au Parlement. S’achève ainsi, primaire comprise, une très longue année électorale qui voit désormais la gauche en position plus qu’hégémonique, disposant d’absolument tous les pouvoirs. Que va-t-elle en faire maintenant ? Mystère. Peu de choses furent promises pendant la présidentielle. Quelques mesures très symboliques ont déjà été mises en œuvre par le gouvernement. Mais après cette courte bouffée de 1981, une perspective se profile dès demain : un remake de 1983 et du «tournant de la rigueur». La crise économique et industrielle, les décrochages de compétitivité, le chômage de masse, toutes ces bombes qui sortirent les sortants ont conduit les Français à parier sur un autre président et de nouveaux responsables politiques. Qui, pour l’instant, ne disent rien. Quelle gauche, donc, s’apprête à diriger le pays et quel programme a-t-elle exactement en tête ? Ils ne s’en cachent pas : François Hollande et Jean-Marc Ayrault incarnent sereinement la social-démocratie, dans un pays qui l’a toujours eue honteuse. A voir les différentes expériences qui s’en sont réclamées ces dernières années en Europe, un certain nombre de pistes se dessinent. Le quinquennat pourrait ainsi être guidé par la justice sociale, mais ne ressemblera sans doute pas à un chemin parsemé de roses socialistes à la française. La puissance de l’Etat, son irremplaçable utilité peut être renforcée mais en surveillant son coût, son efficacité et, surtout, ce qui est réellement de son ressort. Des droits pour les travailleurs et la protection sociale pour tous seront sans doute sanctuarisés, mais le seront-ils encore sur le modèle extensif des Trente Glorieuses? L’école pourrait être refondée pour former solidement de futurs citoyens appelés à rejoindre le marché du travail, au lieu de fantasmer en chaque élève un potentiel polytechnicien. Est-ce la feuille de route pour les cinq années qui viennent : réformer du sol au plafond le fameux «modèle français» ? Si tel devait être le cas, il serait opportun, voire impérieux, d’en informer le pays, maintenant que toutes les élections sont gagnées. D’autant que, pris devant nos partenaires européens, l’engagement de ramener les comptes publics à l’équilibre ne laisse guère de doute sur le point d’arrivée. Demeure le flou sur tout le reste : le chemin, la méthode, les moyens. Le moment est venu de le dissiper.