Chronique du quinquennat

Archétypes ou caricature ?

Superbe photo que celle de ces deux dirigeants, prise au Sommet de l'OTAN à Chicago le 21 mai dernier. Lui, nouvel élu, devant à la fois faire ses preuves et réussir à infléchir la politique européenne ; elle, briscard chevronné et opiniâtre, chancelière depuis novembre 2005 ... elle qui en est déjà à son troisième président français, à sa deuxième crise financière et à l'aube d'élections qui ne la placent pas forcément en bonne position. Tout le monde y a vu le contraste du petit nouveau cherchant à bien faire et à se faire remarquer face au vétéran qui en a vu bien d'autres.

Non, le contrepoint est ailleurs.

Lui, homme de synthèse, aimant convaincre et réunir ; elle, arcboutée sur des positions rigides de pasteur protestant, compassée comme un banquier dont il manquerait un centime au bilan, rogue comme un Junker prussien face à la plèbe terrassée par la misère et l'alcool.

Lui a les mains ouvertes de qui cherche à persuader, la tête insensiblement penchée qui suscite la sympathie et appelle la compréhension; elle, les mains posée à plat sur ses dossiers comme pour mieux glacer tout enthousiasme. Lui la regarde, cherche son regard... mais ne le trouve pas. Tournée vers lui, elle ne le regarde pourtant pas, les yeux fixés loin devant elle que fige le rictus de qui se demande comment dire non à son interlocuteur sans trop le froisser.

Sartre eût sans doute évoqué la mauvaise foi tant ces deux-là contrefont leurs natures. Hollande joue le latin quand Merckel suinte la germanité par toutes les poses de son corps inexpressif. Elle est là, assise, plantée presque, mais occupe quasiment toute la place : les deux tiers gauche de la photo ; lui, le latin, volubile jouant de sa bonhomie sinon de son charme comme reclus dans le coin superficiel de sa quintessence d'hâbleur.

Derrière, encravatés, les experts silencieux et sérieux comme les gardiens du Temple ; devant eux, seule touche de couleur, ces deux bouteilles d'eau que personne ne décapsulera. Micros écartés, c'est l'instant secret de l'aparté. A front renversé, le costume sombre de l'un, et le tailleur crème de l'autre : mais cette clarté-là est tout sauf féminine, tout sauf une touche d'élégance dans l'océan gris souris des experts ... juste l'ancrage austère de la détermination volontaire.

On aimerait savoir ce qu'ils se disent ... il vaut mieux ne pas.

Décidément cette photo est un emblème !


 


 

 

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