Histoire du quinquennat

Marine Le Pen mise sur une "recomposition autour du FN"
LE MONDE du 18.06.2012
Abel Mestre

Lorsque Marine Le Pen fend la foule de militants entassés dans la petite salle du Colysée à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dimanche 17 juin, elle arbore son sourire des soirs de victoire. Pourtant, elle vient de perdre sur le fil (49,89 % contre 50,11 %) face au candidat socialiste Philippe Kemel, dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais.

M. Kemel devance la présidente du parti d'extrême droite de... 118 voix. "Nous n'avons que des raisons de nous réjouir", lance-t-elle. "C'est un soir de victoire (...), le mouvement national fait à nouveau son entrée à l'Assemblée nationale", dit encore Marine Le Pen, félicitant Marion Maréchal-Le Pen, sa nièce, élue dans le Vaucluse, et Gilbert Collard, qui l'a emporté dans le Gard. La salle exulte.

L'entrée de ces deux députés frontistes au Palais-Bourbon est une première depuis 1997. Cependant, la marge d'action législative des députés FN sera très réduite. Mais cela pourra être une tribune efficace pour les élus de Mme Le Pen. Même si, politiquement, l'absence de la leader enlève de l'importance à l'événement.

"NOUS PROGRESSONS ÉLECTION APRÈS ÉLECTION"

C'est donc surtout une victoire symbolique. Marine Le Pen le concède : "C'est un double symbole. L'ouverture avec Gilbert Collard [l'avocat n'a pas sa carte du FN] et la jeunesse avec Marion Maréchal-Le Pen [elle a 22 ans et est la plus jeune députée]." Sa défaite, Marine Le Pen la doit, selon elle, "au redécoupage" de 2009, qui a inclus deux villes ancrées à gauche dans la circonscription, Carvin et Libercourt.

"Sans ces villes, j'étais élue", affirme Marine Le Pen au Monde. "Nous progressons élection après élection. On a eu tout le monde contre nous. Il n'y a qu'ici que le "front républicain" a marché", poursuit-elle, évoquant même l'éventualité d'une "triche" du camp adverse. Elle dit, à ce propos, sa volonté de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. En tout cas, les deux victoires du Sud-Est font un peu mieux accepter la défaite à Hénin-Beaumont. Dimanche soir, tous les militants se disaient "déçus et tristes".

Ce résultat, Marine Le Pen veut l'appréhender comme une première marche vers une recomposition politique dont le FN serait le pivot. "Nous progressons dans les duels avec la gauche. Cela montre que la recomposition politique est en marche", assure l'ancienne prétendante à l'Elysée.

"NOUS AVONS BRISÉ LE PLAFOND DE VERRE"

La présidente du FN estime que l'UMP "est en voie de décomposition" et est promise à une mort politique proche. "Comment vont-ils faire après cette raclée? Le "ni-ni" n'a pas fonctionné. L'électorat est prêt pour la recomposition autour du FN", conclut-elle.

Dans vingt circonscriptions, le parti d'extrême droite était opposé à la gauche. C'est là que le FN progresse le plus significativement. Dans certains cas, le score frontiste est même doublé par rapport au premier tour.

Le retour du FN à l'Assemblée est la preuve, pour les dirigeants frontistes, que "la dédiabolisation est quasiment achevée". "Elle l'est déjà dans l'électorat", affirme Mme Le Pen. "Nous avons brisé le plafond de verre", veut-elle croire.

Désormais, Marine Le Pen souhaite tendre vers le dépassement du FN : "L'objectif est d'aller au-delà du parti." Avec en perspective, notamment, le changement de nom (Le Monde du 13 avril), même si, officiellement, ce n'est pas à l'ordre du jour.

Philippe Olivier, un de ses conseillers, présent dimanche soir à Hénin-Beaumont, estime, quant à lui, que "l'hystérie anti-Le Pen de 2002 est passée, c'est fini. On est dans du post-lepénisme : on entre dans le 'marinisme'", c'est-à-dire un "lepénisme" qui serait devenu fréquentable, crédible et qui veut exercer le pouvoir. Et il prédit en souriant qu'"avant dix ans il y aura une Le Pen au pouvoir".