Elysées 2012

Du prophète

De la symbolique et du pouvoir
à la surface au mitan en profondeur
Primaires Esprit de la Ve République Symbole
réussite   fondation
Petits coups   rite grec
addition   rite albin
éléments de langage   Hestia
miel & fiel   Moïse
    fondation mosaïque
    Du prophétisme

 

A NeherOn sait la spécificité du prophétisme juif tel que l'a analysée A Neher. Au lieu que dans les traditions païennes, le dialogue avec le sacré exige des mises en conditions préalables, des lieux spécifiques et que c'est ainsi l'homme qui par ses exstases préalables introduit la possibilité de la rencontre, au contraire dans la tradition prophétique, c'est toujours Dieu qui est à l'initiative du dialogue, lui qui choisi l'élu qui fera office de médiateur, lui qui détermine le contenu et l'objet de la transmission. La révélation est descendante, seule la prière est ascendante.

La révélation est bien catabole καταβολη et, si l'on suit le grec, elle est bien fondation.

Elle surgit d'en haut vers le bas, inédite, imprévisible.

La mission du prophète s'en déduit où nous pouvons reconnaître à la fois les caractéristiques du symbole et de l'ange c'est-à-dire du messager.

Nous nous situons ici à l'exacte intersection du politique et du sacré, à l'endroit même de cette bordure que S Wahnich repérait, qui était le prix à payer des actes de fondation, a fortiori quand il s'agissait de la fondation des valeurs .

Intersection qui nous permettra, après ce long détour par les textes romains et bibliques, de revenir au politique, à la symbolique politique et à la question des institutions.

Ses deux fonctions

Il est porte parole et maintient l'écart

Il est transmetteur, et accomplit au-dehors, où Dieu n'est pas et ne peut être, la volonté et parole; Non qu'il soit un ensemble vide, mais en tant que médiateur il ne peut faire prévaloir ni sa propre pensée ni sa volonté. L'antonyme parfait en est bien entendu le diable :

Jésus leur dit: Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens; je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé. 8.43 Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage? Parce que vous ne pouvez écouter ma parole. 8.44 Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge. 8.45 Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. (Jn, 8, 42-44)

Même le Christ rappelle qu'il n'est pas venu de lui-même ; le diable au contraire parle de son propre fonds. Il usurpe la parole en se substituant à celle qu'il est supposé transmettre. La revoici la définition du mal : quand le moyen se fait fin en soi; quand le moyen se fait terme. Ne nous étonnons pas : il en ira de même pour le pouvoir. C'est, répétons-le, ce qui explique la colère divine quand, de bonne foi sans doute, Moïse tente de se récuser parce qu'il est bègue : le messager n'est libre ni de sa fonction ni de la parole qu'il transmet.

Le rôle même qu'il remplit garantit l'écart dont nous avons écrit pour commencer qu'il était indispensable pour que la symbolique puisse fonctionner. La perversion consistant d'ailleurs à gommer cet écart, à écraser la frontière.

Les deux parts réunies et jetées ensemble, l'union réalisée : c'est en ceci que consiste exactement le diabolique.

Parce qu'il est exhaussé par la mission qu'il remplit, et le dialogue qu'il entama avec le sacré, il est distingué, notammant par son visage éclairé et éclairant ; mais parce qu'il n'est en fin de compte qu'un homme, qu'un porte parole il ne saurait pénétrer en terre d'Israël. Parce qu'il est prophète, il instaure les lois en conformité avec le décalogue, mais parce qu'il n'est que prophète, ce n'est pas lui qui exercera le pouvoir. Parce qu'il procède du sacré, il a une origine et une odyssée extraordinaire, mais parce qu'il n'est qu'un intermédiaire, il n'exercera pas le pouvoir.

Le sacré ne peut entrer dans l'histoire ! Le principe reste extérieur au système qu'il fonde. Ainsi des axiomes ; ainsi des prophètes ; ainsi du sacré !

Il intercède

Cette fonction dévolue à l'Emmanuel, cette part du divin au plus proche de l'humain que la tradition chrétienne attribue au Christ, puis plus généralement au Saint Esprit ; que la tradition juive attend du Messie comme signe de l'accomplissement eschatologique de la promesse initiale ; cette fonction qui justifie l'expression parfois usitée de Fils de l'Homme, n'est en réalité pas celle du prophète mais bien celle du divin ; mais est exercée, par délégation, provisoirement, par les prophètes, par le Christ, et, dans les temps ordinaires, par les prêtres dont c'est au fond, la fonction principale avec l'organisation des rites qui doivent porter ensemble la parole et l'ecclesia.

Où se retrouve toute l'ambivalence mais aussi toute la limite de la fonction prophétique : aux jointures, il transmet et joue les médiateurs mais cette fonction n'est pas sienne et il ne l'exerce que provisoirement. L'éternité relève du divin ; la gestion ordinaire de l'humain. Le prophète n'accède ni à l'une ni à l'autre. Les temps ordinaires ne sont pas pour lui : c'est pour cela que Moïse meurt avant d'entrer en terre promise. La frontière est marquée derechef entre le sacré et le politique : fonder la loi n'est pas l'exercer. L'histoire peut commencer sitôt que le symbole a quitté l'espace ordinaire.

C'est bien tout le problème du pouvoir et de la puissance, plusieurs fois évoqués ici : l'irruption du principe dans l'histoire - et, quand il s'agit du politique, il ne s'agit de rien d'autre que du souverain populaire - ne peut que bouleverser, renverser le système. Ce qu'on nomme révolution.

Revenons - y !


1) N'oublions pas le Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font