Elysées 2012

Croisée ?

Après ceux de l'IFOP et de TSN SOFRES, deux autres sondages CSA et Opinionway qui, même s'ils donnent des résultats légèrement différents - CSA et OpinionWay donnant Sarkozy et Hollande à égalité l'un à 28%, l'autre à 27,5% - indiquent en tout cas tous ensemble que les choses sont en train de bouger, que ce fameux point de cristallisation est en train de se former.

D'abord il n'y a pas lieu de s'étonner que Hollande baisse - ou Sarkozy monte - tant il est évident que les résultats des sondages précédents - et ceci depuis longtemps - traduisaient un écart que l'on savait excessif et que la candidature déclarée de Sarkozy devait bien à un moment ou à un autre recaler les résultats dans des écarts raisonnables. Attendus ces résultats n'en sont pas moins importants, au moins psychologiquement : ce n'est évidemment pas la même chose d'être dans une pente ascendante pu descendante. La peur de perdre change-t-elle de camp comme se plaisent à penser les supporters de Sarkozy ? Il est trop tôt pour le dire.

Ensuite, la campagne roule son train - et il est bien long : on sent dans les enquêtes un intérêt flageolant pour une campagne qui paraît moins passionner. Il faut dire que les discours de crise n'ont rien d'affriolant, ni d'un côté ni de l'autre ; il faut dire que l'invective systématique à l'égard de l'étranger, de l'Europe est encore une manière d'aller chercher ailleurs, à l'extérieur, les excuses sinon les explications de sa propre impuissance.

Enfin, en face du tourbillon sarkozyste, il y a Hollande, bien plan plan, pas très en forme l'autre soir sur la 2 sans qu'on puisse savoir s'il est effectivement sur la défensive, ou si, plus simplement, il se maintiendrait dans l'attente plus que dans l'esquive, sachant que cette période est un nouveau faux plat et qu'il faut se réserver pour la dernière ligne droite. Il fait le dos rond ! esquive les attaques se place dans la posture du rassembleur et non du diviseur ; cherche à apaiser ... au risque parfois d'endormir.

Oui c'est vrai cette campagne est étrange qui tarde à laisser émerger des thèmes dominants ; qui tarde tout autant, et sans doute ceci n'est-il pas étranger à cela, à dessiner le futur vainqueur. Étrange campagne où tous les sondages sans exception donnent le même vainqueur depuis mai dernier, et où, pourtant, personne n'ose penser que l'affaire est pliée, où tout le monde attend la surprise qui inverserait la tendance. A un mois du premier tour, rien ne paraît encore être fait et ceci déjà est insolite.

Il y a quand même quelques constantes qui émergent et que les scores du 22 avril ne devraient pas démentir :

- l'émergence du phénomène Mélenchon d'abord. Manifestement sa campagne est un succès et la presse qui court si vite auprès du vainqueur commence à s'en rendre compte et à l'encenser après l'avoir méprisé. Si 2007 avait été l'année de Bayrou qui surprit et faillit alors effectivement créer la surprise, il paraît bien que ce soit désormais le tour de Mélenchon.

- l'effondrement de la candidature écologiste qui semble confirmer la position de Cohn Bendit qui n'avait cessé de proclamer que les présidentielles n'étaient pas une élection pour eux.

- le rejet de Sarkozy : car quoiqu'on dise, quoique sa cote doive effectivement remonter, il n'empêche que les sondages de second tour continuent tous de le donner battu.

- l'opération ratée de la banalisation du FN qu'avait entreprise Marine Le Pen et qui visait,sous couvert d'un discours à l'égard de la classe ouvrière, à faire oublier le fond fasciste, raciste qui demeure son commerce essentiel. Il n'aura pas fallu beaucoup, un score haut mais qui ne bouge pas vraiment, quelques ratés et une offensive rondement menée, pour que le vernis éclate.

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Bien sûr la presse, avide de sensations, et qui ne brille pas toujours de courage intellectuel ramènera tout cela à de la lassitude ou se contentera de repérer le brio mélenchoniste en clamant chapeau l'artiste mais c'est passer à côté de l'essentiel.

La tentation radicale

C'est cela qui se joue à ce qui me paraît être la croisée des chemins de campagne. Oh bien sûr à la fin ce sera bien ou Sarkozy ou Hollande qui l'emportera. Oh évidemment une analyse paresseuse pourra laisser croire que ce sera encore une fois l'éternel bipolarisation droite/gauche qui aura prédominé oublieuse que cette dernière est d'abord le fruit d'une élection au scrutin majoritaire à deux tours, qui par définition ramène à un choix binaire.

En réalité dans les mots d'ordre de Sarkozy, qui ne fait pas que draguer sur les terres frontistes mais assume de plus en plus ouvertement une orientation à l'extrême de la droite classique - pour être poli - qui joue de la flûte xénophobe, et des lampions ségrégationnistes, se joue une forme de radicalité bien étrangère au conservatisme modéré coutumier de la droite républicaine.

De l'autre côté, l'offensive du Front de gauche, l'écho qu'il recueille apparemment dans les sondages, et, en tout cas, le fort succès de ses meetings, témoigne, cette fois-ci sur les cordes de la gauche révolutionnaire, de la même exigence de radicalité.

Comme si l'électorat sentait qu'un monde effectivement était en train de finir, comme se plait à le dire Sarkozy, et qu'il refusât les solutions classiques qu'on lui sert ; ou qu'il eût compris que les appels à la rigueur ne fussent que les mélodies à peine camouflées d'une spoliation financière qu'il refuserait.

La croisée est ici par quoi le monde pourrait tomber d'un côté comme de l'autre, parce que les forces antagonistes sont vraisemblablement d'égal poids. Comment oublier que 36 en Espagne comme en France succédèrent à 33 à Berlin ?

C'est pour cela qu'il faut revenir sur le cas Mélenchon