Elysées 2012

Droitisation

Il y a quand même quelque chose de désespérant dans cette campagne ! Non pas que le président sortant fasse une campagne de droite ! non, après tout il est de droite, le revendique haut et fort et c'est logique. Non, ce qui fait peur, donne à vomir parfois, et fait honte à l' image que je me fais de la république, c'est plutôt cet enchaînement invraisemblable de propositions tout droit tirées de la besace de M Le Pen : traçabilité de la viande halal, mise sous conditions économiques du regroupement familial, possibilité aux victimes de faire appel d'un procès d'assises ou d'une remise en liberté, sans compter les limitation du minimum vieillesse pour les immigrés, obligation de formation et d'emploi à la sortie pour les chômeurs et l'invraisemblable polémique sur la viande halal.

Une stratégie deux fois catastrophique

Qui donne d'abord l'impression d'un affolement généralisé où il s'agirait d'abord de courir désespérément derrière le vote le Pen : tout y est, l'immigration, la peur de l'arabe, l'identité nationale, la dénonciation des tricheurs ... Stratégie en réalité stupide qui revient à remettre en selle la candidate du FN qui s'était pourtant égarée - et tassée dans les intentions de vote - dans sa volonté de courir le vote populaire. Comment ne pas se rendre compte qu'en reprenant ainsi le logiciel FN, Sarkozy le relégitime et donne ainsi surtout l'impression qu'il n'est plus maître de sa propre campagne et suit les mots d'ordre des autres. Or celui qui l'emporte dans une campagne reste quand même celui qui impose aux autres ses thèmes, ses débats, son timing. Il l'a réussi en 2007 et paraît le manquer ce coup-ci.

Qui surtout ne clive pas mais divise. Il n'y s'agit jamais de proposer un mieux mais au contraire toujours de suggérer de regarder dans l'escarcelle des autres, des nantis, des profiteurs, des tricheurs, des chômeurs, des étrangers, des familles nombreuses etc comme si chaque catégorie était toujours d'emblée suspectée de tricherie, de duperie, et que le bon français fût scandalisé systématiquement d'être le dindon de la foire. Oui, cette façon de procéder, dont les référendums sur l'immigration et le chômage ne sont que l'illustration flagrante, vise à pointer des boucs émissaires ! Impardonnable ! Sulfureux ! Anti-républicain.

Cette image enfin : le salut aux couleurs, au peuple la main sur le coeur ! Le geste fait partie des rites US, pas français ! Comment le lire ?

Comme une volonté toujours aussi forte mais implicite de nous faire chavirer du côté du modèle américain ? comme un signe d'inculture républicaine ?

Les gestes valent ce qu'ils valent et ne pèsent que pour leur symbolique : mais celui-ci est surchargé idéologiquement et historiquement. Il dit traditionnellement plus sur la patrie que sur la république qui reste donc intimement - le coeur - une affaire de sentiment plus que de raison, qui renvoie au sacrifice, à l'effort, au dévouement que l'on doit à ce qui vous dépasse et vous identifie.

Mais de cette sincérité patriotique, décidément, non ! Elle est tellement loin de ce qu'Hollande appelait récit républicain ! tellement opposée, plus simplement, au mot d'ordre de 89 d'une république une et indivisible !

La digue a vraiment été rompue qui séparait encore la droite classique et républicaine de cette brune et atrabilaire haine que rien ne viendra jamais assouvir. On aura toujours tort de croire qu'elle est derrière nous : le ventre décidément est toujours fécond d'où surgit la bête immonde (Brecht) ; non elle est devant nous encore. Et ceux-ci qui agitent le chiffon rouge pour attiser cette haine là sont des criminels !

En 40 déjà, après 33 à Berlin ou 36 en Espagne, on avait appris que la droite européenne savait se montrer prête à tous les compromis, turpitudes et trahisons pour ne pas quitter le pouvoir ! Nous n'en sommes pas là mais quand même ! Ceux qui jouent avec le peuple affronteront bien un jour le grand vent de l'histoire.

Pour le moment j'ai juste honte ! et je ne le leur pardonne pas.