Elysées 2012

Des paroles et des actes

 

Il y a, décidément, quelque chose de malsain dans la maquette de cette émission. Elle est longue - plus de deux heures - sans que pour autant l'audience faiblisse ce qui est plutôt bon signe dans la mesure où ceci révèle l'intérêt que les français continuent de manifester pour la chose politique ; mais elle est surtout divisée en de multiples séquences qui toutes sont révélatrices d'une démarche médiatique trop dans l'air du temps.

La séquence Révélateur

A elle seule révélatrices de supposés idéologiques plutôt sulfureux - et passablement hypocrites. N Saint Cricq en est l'analyste qui ponctue chacune de ses interventions d'un ombrageux sourire, à peine esquissé, mais qui suggère un à moi on ne l'a fait pas bien illégitime . Des choses cachées qui devraient émerger des séquences vidéos soigneusement choisies, qui toutes participent non pas d'une analyse de discours mais seulement d'images. Cela fait depuis bien longtemps que l'on a quitté sur la 2 les terres de la pensée pour se vautrer dans les remugles de la sensation - quand ce n'est pas du sensationnel. Démarche hypocrite : on fera la fine bouche demain sur la propension des candidats à ne parler que d'eux-mêmes - et non pas de leurs programmes - quand en réalité toutes les questions ne concernent que le candidat lui-même, sa personnalité, ses défauts supposés ... Tout ceci ne relève finalement que du souhait inavoué d'obtenir de l'invité quelque chose qui ressemblerait à la fois à l'acte public de contrition, au déballage impudique d'on ne sait quel côté obscur, sans compter l'inespérée défaillance qui ferait la une des journaux du lendemain.

La séquence économie où Lenglet mène le jeu à coup de courbes : le registre est celui de l'expert, celui qui s'appuie sur les rapports officiels - souvent celui de la Cour des Comptes. Lenglet, parfois malmené par ses interlocuteurs, notamment Mélenchon ou Bayrou, se fait un métier de pointer où les programmes font mal - et défaut. Cet obsédé du déficit, qui surfe sur la contradiction éternelle de ses pairs qui s'affolent en même temps du laxisme budgétaire et des risques de récession prend à l'envi, la posture de celui qui se contente de poser des questions. Il n'empêche, que mesure détaillée après mesure détaillée, il empêche le plus souvent à son interlocuteur de développer la cohérence d'ensemble de son programme.

En réalité le ver est dans le fruit - dès le départ. Ce séquençage de l'émission propose tout de suite après l'épisode pure politique - comme si ces deux dimensions pouvaient avoir un sens prises isolément, et que l'on fût revenu quelques 150 années en arrière. L'économie est politique, tout le monde le sait depuis Marx. Aurait-on oublié d'en prévenir les journalistes de la 2 ?

Pure Politique, la séquence est animée par F Namias qui se pire d'une légère ironie pour rappeler à la fois qu'il a lu dans le détail le programme des candidats. Questions souvent courtes, faussement estampillées au coin du bon sens qui par le jeu de l'addition auront permis de situer un Bayrou comme résolument au centre parce qu'il a répondu oui à deux propositions de Hollande et oui à deux de Sarkozy .... Petite arithmétique élémentaire à l'usage des ignares, on reste résolument au degré zéro de la pensée politique. Politique de l'effet, de l'apparence, tout le temps, réduction des prises de position à de simples postures stratégiques ... tout laisse à entendre que les candidats ne défendraient pas leurs idées par conviction ou par nécessité réaliste mais simplement par stratégie électorale. Ce petit Monsieur se rend-il compte qu'il écorne encore plus la confiance qu'on pourrait se former à l'égard des politique ? qu'il ramène tout à un jeu ? sinistre ? que lui, comme Lenglet au reste, ramènent la politique à une simple technique ? qu'en réalité il est en train purement et simplement de scier la branche sur laquelle il est assis et de repaît de sa suffisance ?

Comment ne pas parler encore de cette insupportable manie journalistique d'interrompre systématiquement l'invité dès lors que sa réponse dépasse quatre mots ... ce qui ne fonctionne vraiment pas avec Bayrou qui, lui au moins ne se laisse pas faire ! Il avait déjà offert un silence radiophonique mémorable il y a quelques semaines ... il tance Pujadas d'un inénarrable on n'interrompt pas une déclaration d'amour, Monsieur Pujadas alors que ce dernier tentait de raccourcir la déclaration de foi en l'Europe de Bayrou !

Enfin les correcteurs, en fin d'émission, chargés de juger les invités comme de bon petits instituteurs corrigeant les devoirs de leurs petites têtes blondes ! FO Gisbert et H Jouan pour Droit de suite se posent selon les cas comme petits juges, procureurs ou avocats zélés mais, notons-le, ici encore non sur la pertinence du programme ou des propositions mais le plus souvent sur la nouveauté des annonces ou leur force de persuasion.

Tout finalement est dans le titre de cette émission ; tout vise à montrer le grand écart entre les paroles et les actes ; tout vise à décrédibiliser le politique.

CQFD