Elysées 2012

Sarkozy à Villepinte
ou le retour de l'Europe

La forme d'abord ...

Un meeting dans toute la tradition et l'art de faire qui traduit une forme de surenchère mais aussi cette tendance ) transformer le meeting en spectacle - voire grand spectacle - qui a débuté il y a de nombreuses années par un Le Pen qui concevait tout ceci comme un one-man-show. Pourquoi pas après tout : ceci correspond bien en réalité avec la forme nouvelle que les réseaux sociaux, Internet, les sites de partage offrent à la campagne électorale qui démultiplie sinon les apparitions des candidats, en tout cas la possibilité d'y accéder, même si les chaînes de la TNT fournissent déjà en elles-mêmes de nouveaux canaux pour relayer la diversité de la campagne.

Mélenchon rappelle sur I Télé combien il est difficile de passer à travers le filtre des grands médias : il n'a pas tort. E Joly en fait d'ailleurs la triste expérience, qui ne parvient même pas à se faire inviter sur le plateau de Des Paroles et des actes.

On remarquera simplement que ces meetings font désormais partie de la liturgie de campagne de manière si fortement symbolique que les grands candidats prennent soin de maîtriser eux-mêmes la machine à images : ce ne sont plus les TV qui filment mais se contentent de diffuser des images préparées pour elles par les équipes de campagne des candidats.

On remarquera qu'ils sont là, moins a priori pour ce qui s'y dira, que pour la puissance d'une symbolique - celle de la foule, de l'enthousiasme, de la réunion et du charisme mis en scène. En 2007, le discours devant l'UMP avait consacré le décollage de la campagne de Sarkozy avec son mémorable j'ai changé ; celui de Hollande au Bourget avait marqué son entrée en campagne ; celui de Villepinte n'a d'autre fonction que de relancer un début de campagne poussif où rien ne paraît fonctionner comme prévu ni les sondages même seulement frémir. C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes !

Une foule immense ... des drapeaux partout comme pour mieux marquer la dimension nationale du rassemblement et le dépassement de tout esprit partisan ; une scène portée très en avant dans la salle comme pour marquer qu'il n'était pas seul mais entouré au contraire ; une entrée en scène enfin, après l'agitation des mains serrées, solennelle sur fond de musique qui mime sans trop

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d'effort la consécration grave d'un rituel quasi religieux où la communion le dispute à l'exhortation.

Au j'ai changé d'il y a cinq ans répond aujourd'hui l'anaphore du j'ai compris où Sarkozy sans jamais les nommer suggère ses erreurs mais surtout habite son statut de président tant dans l'excellence, la disponibilité que dans la symbolique qu'il lui confère. Ce n'est pas son bilan qu'il assume, mais pour ne pas gommer les cinq années passées, son habit de président qui lui permet de biffer l'amateurisme de son principal concurrent qu'il égratignera plus loin et de manière plus explicite encore. (1)

La question de l'Europe

Fidèle à son habitude, Sarkozy aura voulu à la fois surprendre et annoncer de nouvelles mesures. Surprendre parce qu'on l'attendait assurément sur bien autre chose que sur l'Europe tant sa référence systématique à l'Allemagne avait pu sembler contre-productive ; nouvelles

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mesures qu'on nous annonçait plutôt sur le plan intérieur qu'extérieur.

Au lieu de cela : à la fois un long appel à la grandeur du projet européen dont il a évidemment raison de dire qu'il fait le fond de toute politique française et doit le demeurer ; et en même temps la volonté de la bousculer. Il a raison de dire que les français s'en sont éloignés ou, en tout cas, que cette Europe ne les fait pas rêver. Il n'a pas tort de constater que cette Europe, fort peu démocratique, a été laissée aux mains des technocrates et aura fini par apparaître plus comme un problème que comme une solution, ou une espérance. On se demanderait seulement ce qu'il a fait pour y contrevenir.

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D'où cette fabuleuse manie qui lui fait patauger une fois encore dans l'oxymore politique : ce libéral invétéré veut désormais une Europe avec frontière, une Europe protectrice. Reprise de ce thème de la protection qu'il avait déjà évoqué lors de la crise en octobre puis à nouveau lors de ses voeux, est rappelé avec une forte insistance tant pour lui-même, que pour le pays que pour l'Europe combien la situation est dure, combien il faut tenir, résister ; combien il faut pour cela des remparts. Magie des contradictions, que celle si souvent soulignée, d'un libéralisme qui veut bien de la libre-circulation des biens et des marchandises - beaucoup moins celle des hommes. Tout l'argument tourne encore une fois autour de cette idée, qui relève du système, qu'il ne saurait plus y avoir de différence entre le destin de l'individu et celui de son pays ; mais non plus entre celui du pays et celui de l'Europe. La cohérence est ici affichée qui lui permet de revendiquer pour l'Europe la même chose que pour la France : une remise en question des corps intermédiaires, des technocrates, la nécessité de frontières ; celle d'une concurrence loyale et donc une remise en question des tricheurs, des accapareurs etc. immédiatement mis sur le même plan que les abus de la finance internationale.

Le laisser-faire

D'où la tentation du volontarisme derechef et un discours qui laisse accroire que l'on va renverser les tables.

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Cet étonnant développement notamment sur le laisser-faire dévastateur qui semble, mais semble seulement, reprendre les thèmes d-'une conférence de presse de de Gaulle en 65, vise non pas à réinstaurer une quelconque intervention de l'Etat dans la marche des affaires économiques mais seulement, si l'on écoute bien, à tenter de réintroduire au sein du commerce mondial une sincérité que la naïveté européenne avait cru devoir trouver quand en réalité elle se fût mise elle-même en danger face au cynisme agressif d'un dumping social à quoi l'Europe n'était pas préparée. Non en réalité, ce que cherche Sarkozy c'est à la fois se permettre un protectionnisme - européen cette fois - qui ne dirait pas son nom mais imiterait par exemple

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le Buy American Act des américains tout en fermant quand il le faut les frontières aux entrants par une renégociation de Schengen.

Au bilan, un assez joli débotté sur l'Europe qui lui permet en tout cas de marquer une cohérence que l'on n'avait pas entrevue encore ; lui permet de prendre le large et de la hauteur dans un débat de campagne qui avait l'air de demeurer de manière assez étriquée à l'intérieur des frontières, mais un débat qui offre une ouverture inespérée au candidat socialiste puisqu'il a l'air de rendre désormais possible la renégociation de traités européens que l'on opposait précisément impossible justifiant même par là, implicitement, le refus des dirigeants européens de recevoir Hollande.

Mais un discours sur l'Europe bien négatif en fin de compte, si loin de la déclaration d'amour de Bayrou - mais faut-il s'en étonner ? - qui fait d'elle un simple rempart protecteur et non un projet, et du président un simple pôle de résistance plus proche, nous l'avons déjà souligné de la rhétorique pétainiste et déjà défaitiste que de l'envolée gaullienne.

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Au final

Une réelle innovation : faire de l'Europe le thème central de sa campagne - ce que les autres n'ont pas vraiment fait

Une inquiétante ambiguïté : faire de l'Europe la cause de tous nos maux, risquant ainsi de l'ériger en bouc émissaire et de susciter une réaction de repli franchouillarde

Un coup dangereux : ouvrir le terrain de la renégociation des traités européens - les socialistes ne demandaient pas mieux !

Mais aussi l'antienne classique chez lui, de l'homme courageux qui dit la vérité - chez lui réalité et vérité sont synonymes - qui dit ce que tous les autres camouflent et que tout le monde pense sans jamais oser le dire.

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1)