la civilisation n'apporte pas le bonheur mais la sécuritéSi la civilisation impose d’aussi lourds sacrifices, non
seulement à la sexualité mais encore à l’agressivité, nous comprenons mieux
qu’il soit si difficile à l’homme d’y trouver son bonheur. En ce sens,
l’homme primitif avait en fait la part belle puisqu’il ne connaissait aucune
restriction à ses instincts. En revanche la certitude de jouir longtemps
d’un tel bonheur était minime. L’homme civilisé a fait l’échange d’une part
de bonheur possible contre une part de sécurité. Mais n’oublions pas que
dans la famille primitive, le chef seul jouissait d’une pareille liberté de
l’instinct; les autres subissaient en esclaves son oppression. Le contraste
entre une minorité profitant des avantages de la civilisation et une
majorité privée de ceux-ci était donc, à cette époque reculée du
développement humain, poussé à l’extrême. des renseignements plus exacts sur
les mœurs des sauvages actuels nous ont appris qu’il n’y avait nul lieu
d’envier la liberté de leur vie instinctive: ils étaient en effet soumis à
des restrictions d’un autre ordre, mais plus sévères encore peut-être que
n’en subit le civilisé moderne.
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le travail rattache l'individu à la réalité socialeEn l'absence de dons spéciaux de nature à orienter les intérêts vitaux dans une direction donnée, le simple travail professionnel, tel qu'il est accessible à chacun, peut jouer le rôle attribué dans Candide à la culture de notre jardin, culture que Voltaire nous conseille si sagement (…) Aucune autre technique de conduite vitale n'attache l'individu plus solidement à la réalité que constitue la société, et à laquelle une disposition à démontrer l'importance du travail vous incorpore fatalement. La possibilité de transférer les composantes narcissiques agressives, voire érotiques de la libido, dans le travail professionnel et les relations sociales qu'il implique, donne à ce dernier une valeur qui ne le cède en rien à celle qui lui confère le fait d'être indispensable à l'individu pour maintenir et justifier son existence au sein de la société. S'il est librement choisi, tout métier devient source de joies particulières, en tant qu'il permet de tirer profit, sous des formes sublimées, de penchant affectifs et d'énergies instinctives évoluées ou renforcées déjà par le facteur constitutionnel.
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