Palimpsestes

Transaction symbolique

Jeu d'échange, où l'on peut supposer que chacun a à y gagner. Symbolique par ce que se joue ici un transfert du référent vers l'image. Ce qui s'échange, c'est la violence, celle que l'on exerce sur les autres, celle qui domine les relations interpersonnelles. Celle dont on dit qu'elle nous est naturelle, et qui nourrit parfois, soit la culpabilité et donc la culpabilisation religieuse, soit la m&fiance et donc une forme d'anti-humanisme en tout cas de misanthropie.  

La violence est une monade bien ambivalente:

positive en ce qu'elle implique une affirmation de soi. L'homme s'affirme face au monde et aux autres en s'opposant (honneur)

négative parce qu'elle enclenche le plus souvent une spirale sans fin qui manque souvent de peu de mettre la survie de l'espèce en jeu (vengeance)

Tout l'enjeu de la transaction reste de faire jouer la dimension positive de la violence et de canaliser voire supprimer la dimension négative.

Dans cette triangulaire, le tiers exclu c'est la violence, puisque c'est elle qui justifie l'ordre. Tant qu'elle est présente, l'histoire ne peut commencer. On aura ainsi remarqué que tous les rites de fondations s'organisent autour d'un meurtre primitif: ils sont la représentation symbolique de cette violence originaire pour que, précisément, elle n'ait plus lieu. Le rôle du politique qui fait se jouer le rite consiste ainsi à rappeler le danger - en le mettant en scène - de cette violence primitive et de montrer en même temps qu'il institue une organisation qui fera la différence entre violence légitime et violence illégitime, entre vengeance et justice.

La violence sous cette double forme de vengeance et d'honneur est bien le principe ordonnateur de la vie naturelle et fonctionne bien comme un principe: hors jeu, qui ne se justifie pas mais justifie tout, bref, un axiome.

L'ordre naturel des choses: c'est ce qui explique aussi que cette violence exclut toute histoire, toute historicité comme l'indique Lipovetsky.1 C'est bien aussi pour cela que les récits fondateurs prennent touts cette coloration mythique, cette connotation épique, cette dimension tragique.

Autant dire que, sitôt cette violence-ci revenue au premier plan, c'est toute l'histoire qui explose , qui devient impossible. Ce qui signifie concrètement le retour au code de la vengeance et de l'honneur.

On remarquera ainsi que lors de l'irruption du peuple dans l'histoire, lors donc de la réintégration du principe dans le jeu, c'est bien à la fois à la dimension sacrée et au code de la vengeance que le peuple fait référence pour justifier son intervention.  2


1) S'il est un âge d'or de la vengeance, c'est chez les sauvages qu'il se trouve: constitutive de part en part de l'univers primitif, la vengeance imprègne toutes les grandes actions individuelles ou collectives, elle est à la violence ce que les mythes et systèmes de classification sont à la pensée "spéculative", partout c'est la même fonction de mise en ordre du cosmos et de la vie collective, au profit de la négation de l'historicité, qui est accomplie.

Lipovetsky

2) voir symbole  et mythe

 

 

Le symbole est initialement un bout de bois brisé en deux, devant servir de reconnaissance. Dès lors que les deux bouts sont réunis et s'emboîtent correctement, cela signifie que l'on s'est reconnu et que donc le symbole ne sert plus à rien, ce pourquoi il n'y a plus qu'à le jeter. D'où le bolein dans symbole .

Ici encore on comprend que la symbolisation ne fonctionne qu'à condition que les deux termes soient séparés, soient exclusifs l'un de l'autre.

Pour autant que l'on admette ainsi qu'une assemblée soit le symbole du peuple, du souverain, cette symbolisation ne s'exerce correctement qu'à condition, derechef, que les deux termes, assemblée et souverain, occupent des espaces distincts. Ceux-ci réunis, la transaction s'achève.

De la même manière, pour autant que l'on considère que relève de cette transaction, la canalisation de la violence et donc le refus des codes de l'honneur et de la vengeance, alors de manière irrécusable il faut bien admettre  qu'il n'y a de justice et donc d'ordre que par exclusion de ces deux codes.

L'irruption, nécessairement brutale de la vengeance populaire, c'est, au choix, ou la fin de l'histoire, ou la refondation d'un autre ordre; le recommencement de l'histoire.