Mars ou la guerre jugée

Remonter Négation Mars ou la guerre jugée René Girard Désir mimétique Loi des trois états Autorité politique Discorde Socialisme et République Principe de terreur Sécurité mais ni bonheur ni progrès Histoire de gauche? de droite? Honneur et vengeance Pouvoir / Savoir Allergie au politique Liberté & Volonté générale La démocratie? Une servitude douçâtre Sens de l'histoire Jaurès sur la peine de mort Les trois ordres Entre mythe et politique Inauguration Agen Eviter l'erreur Obstacle épistémologique Homme: animal politique Liberté La Constitution de 1791 Origine de la terreur La transaction symbolique Morale politique 3 formes d'autorité Violence et sacré Hétérophobie et racisme Eros & Civilisation

Alain

Qu'est donc le pouvoir du plus riche des riches à côté du pouvoir d'un capitaine? Le genre d'esclavage qui résulte de la pauvreté laisse toujours la disposition de soi, le pouvoir de changer de maître, de discuter, de refuser le travail. Bref, la tyrannie ploutocratique est un monstre abstrait, qui menace doctrinalement, non réellement. Le plus riche des hommes ne peut rien sur moi, si je sais travailler; et même le plus maladroit des manœuvres garde le pouvoir royal d'aller, de venir, de dormir. C'est seulement sur la bourgeoisie que s'exerce le pouvoir du riche, autant que le bourgeois veut lui-même s'enrichir ou vivre en riche.
Le pouvoir proprement dit me paraît bien distinct de la richesse; et, justement, l'ordre de guerre a fait apparaître le pouvoir tout nu, qui n'admet ni discussion, ni refus, ni colère, qui place l'homme entre l'obéissance immédiate et la mort immédiate; sous cette forme extrême, et purifiée de tout mélange, j'ai reconnu et essaie de faire voir aux autres le pouvoir tel qu'il est toujours, et qui est la fin de tout ambitieux. Quelque pouvoir qu'ait Harpagon par ses richesses, on peut se moquer d'Harpagon. Un milliardaire me ferait rire s'il voulait me gouverner; je puis choisir le pain sec et la liberté.
Disons donc que le pouvoir, dans le sens réel du mot, est essentiellement militaire, et qu'il ne se montre jamais qu'en des sociétés armées, dominées par la peur et par la haine, et fanatiquement groupées autour des chefs dont elles attendent le salut ou la victoire. Même dans l'état de paix, ce qui reste de pouvoir, j'entends absolu, majestueux, sacré, dépend toujours d'un tel état de terreur et de fureur. Résister à la guerre et résister aux pouvoirs, c'est le même effort. Voilà une raison de plus d'aimer la liberté d'abord.